Le peuple au secours de la démocratie Le chef de l'Etat turc n'avait pas besoin de plus de temps que d'un clic sur un smartphone pour s'adresser à son peuple. Le énième coup d'Etat en Turquie a échoué. Les militaires, vers minuit, qui avaient pris d'assaut des sites sensibles à Ankara et Istanbul ont très vite compris leur erreur, en voyant la réaction populaire hostile au soulèvement. Pourtant, le coup de force ressemblait en tous points à ce qui s'enseigne dans les écoles de putschistes et Dieu sait que l'armée kémaliste en a l'expérience. Des soldats lourdement armés ont pris position dans les endroits stratégiques des capitales politique et économique du pays. Comme de tradition, dans ce genre d'actions, l'immeuble de la télévision, le Parlement et les accès aux institutions du pouvoir sont bouclés. Le scénario imaginé par les généraux putschistes prévoyait un communiqué lu à la télévision publique, annonçant le coup de force, expliquant les motifs, décrétant la loi martiale et le couvre-feu. Tout a été fait dans les règles de l'art, sauf que les militaires se sont trompés d'époque. On n'est plus dans les années 1980 où la communication est linéaire. Et pour cause, dans sa réplique au coup d'Etat, Recep Tayyip Erdogan n'avait pas besoin de plus de temps que d'un clic sur un smartphone pour s'adresser aux Turcs. Il a usé d'un réseau social pour passer en direct sur une chaîne de télévision et s'exprimer alors qu'il était à des centaines de kilomètres d'Ankara. Les militaires putschistes étaient comme dénudés et la rue a fait le reste. Sur un ton, dont il a le secret, Erdogan a totalement renversé la situation en sa faveur. Les généraux qui n'avaient certainement pas eu la présence d'esprit de couper le réseau Internet ont lamentablement échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir. Mais le coup de force n'aura pas été un épisode clément dans l'histoire de la Turquie. En quelques heures pas moins de 161 personnes entre civils et militaires, y ont laissé la vie et plus de 1400 ont été blessées. Cela sans compter le déchaînement dont été victimes les soldats après l'échec du putsch. Il faut savoir que des affrontements, avec avions de chasse et chars, ont donné lieu à des scènes de violences inédites à Ankara et Istanbul depuis des décennies. Rentré hier tôt le matin à l'aéroport d'Istanbul, Erdogan a été accueilli par une foule enthousiaste. «Il y a en Turquie un gouvernement et un président élus par le peuple» et «si Dieu le veut, nous allons surmonter cette épreuve», a affirmé le chef de l'Etat turc. Il a révélé que l'hôtel où il se trouvait en vacances à Marmaris - station balnéaire du sud-ouest du pays - avait été bombardé après son départ. A Ankara, un avion avait largué tôt samedi une bombe près du palais présidentiel. Après le retour à la normale, le pouvoir a commencé, sans tarder à faire le ménage. 2839 militaires ont été arrêtés. Mais jusqu'à hier dans l'après-midi, le président Erdogan était toujours sur ses gardes. Il a ainsi appelé les Turcs à tenir les rues. «Nous devons continuer à être maîtres des rues (...) car une nouvelle flambée est toujours possible», a-t-il déclaré dans un message sur Twitter. Mais plusieurs heures après la fin du coup d'Etat, l'on peut noter que le régime a tenu bon face à cette énième tentative qui le renforce davantage. Mais cet épisode sanglant dans la vie de ce pays ne sera pas sans conséquences aux plans politique et économique. Le monde entier a réagi à ce putsch et il ne s'est trouvé aucune voix pour soutenir le soulèvement des militaires. Leurs échecs, estiment les observateurs, replacera la Turquie au coeur de sa région et consolide considérablement le pouvoir d'un Erdogan, dont les dérives autoritaires sont connues de tous. Mais entre un civil «méchant» et une armée laïque, le peuple turc semble avoir fait son choix, d'autant que l'option démocratique est inéluctable. Tout le monde sait qu'un régime militaire ne peut être que transitoire. Notons enfin que depuis l'arrivée au pouvoir de M.Erdogan, la hiérarchie militaire a été purgée à plusieurs reprises. L'armée a déjà mené trois coups d'Etat (1960, 1971, 1980) et forcé un gouvernement à quitter sans effusion de sang le pouvoir en 1997. Pas de victimes algériennes Aucun citoyen algérien ne figure parmi les victimes des évènements qui secouent la Turquie depuis vendredi dernier suite à la tentative de coup d'Etat, a indiqué hier le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Dans une déclaration à l'APS, M.Abdelaziz Benali Cherif, a affirmé qu'«aucun citoyen algérien résident ou en visite en Turquie ne compte parmi les victimes des évènements qui secouent la Turquie depuis hier (vendredi) suite à la tentative de coup d'Etat». «Nos services diplomatiques et consulaires à Ankara et à Istanbul suivent de près les développements de la situation et travaillent en collaboration avec la représentation d'Air Algérie pour le rapatriement, si c'est possible, dès aujourd'hui (samedi) des voyageurs algériens restés bloqués du fait de la fermeture de l'aéroport Atatürk d'Istanbul», a-t-il assuré. Le porte-parole a indiqué, en outre, que le ministère des Affaires étrangères, «compte tenu de la persistance de la tension notamment dans les villes d'Istanbul et d'Ankara, conseille aux Algériens se trouvant en Turquie de rester au niveau de leurs lieux de résidence, d'éviter de se mêler à la foule et de limiter leurs déplacements sauf en cas de nécessité absolue».