Ce débat devait avoir lieu hier et aujourd'hui à l'Assemblée nationale puis au Sénat sur la prolongation de l'état d'urgence en vigueur depuis huit mois en France. Quatre jours après l'attaque, la plus meurtrière en Europe depuis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, l'opposition de droite a réclamé lundi une commission d'enquête parlementaire sur la tragédie survenue dans la capitale de la Côte d'Azur. Le Premier ministre socialiste Manuel Valls a été sifflé et hué dans la journée à Nice lors d'une cérémonie d'hommage aux victimes. Dans un climat politique très tendu, l'enquête sur le tueur et ses motivations continue de progresser. Bien que le groupe Etat islamique (EI) ait revendiqué l'attaque, «aucun élément de l'enquête ne démontre à ce stade une allégeance de Mohamed Lahouaiej Bouhlel à l'organisation terroriste», a déclaré le procureur de Paris, François Molins. Mais le magistrat a révélé que «l'exploitation de son ordinateur illustre un intérêt certain et récent pour la mouvance jihadiste radicale». Ce Tunisien de 31 ans résidant à Nice depuis une dizaine d'années a ainsi multiplié entre le 1er et le 13 juillet les recherches de chants religieux utilisés comme outils de propagande par l'EI. Il s'est aussi mis en quête de vidéos d'attaques récentes, comme le massacre perpétré le 12 juin par un tireur radicalisé dans une boîte gay d'Orlando (Etats-Unis), ou l'assassinat un jour après d'un policier français et de sa compagne par un jihadiste en région parisienne. Le magistrat a par ailleurs mentionné des témoignages selon lesquels le tueur, pas connu jusqu'alors pour sa religiosité, s'était laissé pousser la barbe «depuis huit jours» et avait dit «être habitué» à voir des vidéos de décapitation. La minute de silence observée dans toute la France lundi midi, au dernier jour du deuil national décrété après l'attentat de Nice, n'a constitué qu'un répit éphémère dans un pays à l'atmosphère empoisonnée par la polémique sur l'efficacité de la lutte antiterroriste. Sur la Promenade des Anglais, théâtre du massacre, 42.000 personnes se sont rassemblées en mémoire des victimes, dont 10 enfants et adolescents, mais au silence et à l'émotion ont succédé des cris de colère. Manuel Valls, présent sur place, a été la cible de sifflets, de huées et d'appels à la démission. Le chef du gouvernement a ensuite dénoncé «l'attitude peu spontanée d'une minorité». Cet incident illustre la tension régnant en France, frappée depuis janvier 2015 par trois tueries de masse qui ont fait plus de 230 morts. En fauchant avec son camion la foule venue célébrer la fête nationale, Mohamed Lahouaiej Boulhel a tué le 14 juillet 84 personnes et en a blessé plus de 300 autres, dont 19 étaient toujours entre la vie et la mort lundi, selon les autorités. Le procureur Molins a confirmé «le caractère prémédité» de l'attentat, «pensé et préparé» par son auteur qui avait effectué des «repérages» deux jours avant le massacre et pris quatre selfies sur la Promenade des Anglais dans les heures qui l'ont précédé. A neuf mois de l'élection présidentielle, le climat politique ne cesse de se détériorer en France. L'opposition de droite et d'extrême droite accusent les autorités de n'avoir pas assez fait pour prévenir de nouvelles attaques. «Rien ne doit rester dans l'ombre», a exigé le parti Les Républicains de Nicolas Sarkozy pour justifier sa demande de commission d'enquête parlementaire. Dimanche, l'ex-chef de l'Etat avait estimé que «tout ce qui aurait dû être fait depuis 18 mois ne l'a pas été». La droite se dit prête à voter la prolongation de l'état d'urgence. Elle réclame au moins six mois supplémentaires, et un durcissement des mesures prévues par ce régime d'exception. Le gouvernement a prévu pour l'instant une prolongation de trois mois de l'état d'urgence, mais des sources politiques ont indiqué lundi soir que cette mesure devrait être prolongée jusqu'à début 2017. Selon le gouvernement, «16 attentats ont été déjoués» sur le sol français depuis 2013.