Damas et Moscou ouvrent des couloirs humanitaires Alep vit toujours une séparation de fait entre la zone ouest contrôlée par les forces gouvernementales et la zone est où sévissent les groupes rebelles dont le Front Al Nosra, devenu Jabhat Fateh al Cham. L'annonce est intervenue en diapason, jeudi, par le président Bachar al-Assad qui a décrété une amnistie pour tous les rebelles déposant les armes, et par la Russie qui lance une «opération humanitaire de grande ampleur» en créant des couloirs humanitaires à Alep, où les combats font toujours rage. «Toute personne portant les armes (...) et étant recherchée par la justice (...) est exemptée de la totalité de la peine si elle se rend et dépose les armes dans les trois mois suivant la date de publication de ce décret», indique le texte de la Présidence reproduit par l'agence Sana. Dans ce décret, le président syrien exempte de sanction toute personne ayant libéré, sans contrepartie, un otage qu'il détenait parallèlement à tous les rebelles qui déposent les armes dans les trois mois suivant la date de publication. L'objectif de cette mansuétude est bien sûr d'accélérer la reprise complète de la ville stratégique d'Alep où les factions rebelles résistent depuis des mois aux coups de boutoir de l'armée syrienne. La chute de l'ancienne capitale économique maintes fois donnée comme imminente est désormais la préoccupation majeure du gouvernement qui cherche le moyen d'en finir avec la rébellion pour concentrer tous les efforts sur l'organisation terroriste auto-proclamée «Etat islamique» qui a mené mercredi une attaque sanglante à Qamichli, faisant 52 morts et 140 blessés. Moscou apporte sa pierre à la stratégie en évoquant «une opération humanitaire de grande ampleur», permettant aux rebelles concentrés à Alep de déposer les armes et aux civils de bénéficier de l'aide acheminée par les organisations humanitaires ainsi que celles de l'ONU. La Russie démontre avec cet effet d'annonce qu'elle a entendu les appels incessants non seulement de l'ONU elle-même mais également de la communauté internationale et des ONG présentes sur le terrain. Il faut souligner qu'aucun convoi d'aide internationale n'a pu accéder à Alep depuis le 7 juillet dernier. Mais la prudence reste de mise puisque la proposition russe mentionne un quatrième couloir, spécialement réservé au passage sécurisé des rebelles armés dont un certain nombre serait en fait constitué de mercenaires que l'armée exhorte depuis deux jours à chasser de la ville pour assurer la réconciliation nationale. Pour l'heure, Alep vit toujours une séparation de fait entre la zone ouest contrôlée par les forces gouvernementales et la zone est où sévissent les groupes rebelles dont le Front Al Nosra, branche syrienne d'El Qaïda. Or voilà que Jabhat al-Nosra a annoncé la rupture de ses liens avec le réseau jihadiste au nom duquel elle combattait en Syrie depuis 2013, dans une vidéo dans laquelle est apparu, pour la première fois, son chef Abou Mohammad al-Jolani. Dans un enregistrement diffusé jeudi par la chaîne qatarie al-Jazeera, al-Jolani a également annoncé que son groupe avait changé de nom et s'appelait désormais Jabhat Fateh al-Cham. Aussitôt, la Maison-Blanche et le département d'Etat américain ont rétorqué que, pour les Etats-Unis, cette décision n'avait aucun impact sur leur vision de la scène syrienne où le groupe Al Nosra demeure «une organisation terroriste». Voire. Les pays arabes du Golfe, membres de la coalition internationale, ne partagent pas ladite vision et accordent leur soutien sans réserves à plusieurs groupes islamistes dont l'extrémisme n'a rien à envier à celui d'Al Nosra. Et ce sont ces groupes qui composaient la délégation de l'opposition syrienne durant les pourparlers de Genève, en avril et mai derniers. Par ailleurs, ces groupes ont réagi aussitôt après la double initiative de Damas et Moscou pour mettre en garde les civils présents dans la zone qu'ils contrôlent, les menaçant de représailles en cas de tentatives d'utilisation des couloirs humanitaires pour déserter Alep. Cet avertissement trouve son pendant dans la réaction de certains pays membres de la coalition, comme la France que la Syrie et la Russie n'apportent pas là «une réponse crédible», mettant en doute la sincérité des intentions des deux pays alliés face à la rébellion et à Daesh. En tout état de cause, les habitants d'Alep sont donc restés terrés chez eux hier, assumant les bombardements qui se poursuivent et les menaces d'exactions des groupes rebelles déterminés à jouer leur va-tout dans cette partie devenue de jour en jour ultime et dont la conclusion pourrait leur être fatale. 250.000 personnes sont encore assiégées dans la zone nord-est de la ville qui a connu depuis la mi-juillet une nette recrudescence des raids aériens conjugués de l'aviation syrienne et russe, au point que la situation est devenue suffisamment alarmante pour nécessiter la création des trois couloirs pour «les civils pris en otages par les terroristes et les combattants souhaitant déposer les armes» ainsi que d'un quatrième couloir sur la route du Castello réservé au «passage en sécurité des combattants armés» selon le ministre russe de la Défense, Sergueï Chorgou. L'ONU, relayée par plusieurs organisations des droits de l'homme dont Amnesty International est montée au créneau pour contester la validité de l'initiative russo-syrienne avant de se rétracter, proposant in fine de prendre le contrôle des couloirs humanitaires à Alep (Syrie), afin de permettre à quelque 250.000 civils de fuir cette ville assiégée. «Nous accueillons toute initiative visant à aider les populations civiles dans les conflits (...) en particulier en Syrie (...) et nous sommes en principe et en pratique favorables aux couloirs humanitaires dans les circonstances qui permettent de protéger les civils», a ainsi déclaré Staffan de Mistura, envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, au cours d'un point de presse à Genève. Mais entre les déclarations de bonne volonté et les réalités du terrain, le chemin est encore ardu et la confiance fort relative...