Le référendum portant sur 8 points essentiels aurait lieu au mois de juin prochain. Farouk Ksentini, le président de la commission ad hoc chargée de statuer sur l'épineux dossier des disparus, avait bien raison de s'attendre à une sortie pour le moins «originale» de la part des associations défendant les droits des familles de ces derniers. Celles-ci, dans une conférence de presse commune, qui se trouve être la première du genre, ont transcendé cette question pour tenter d'apporter des débuts de réponses au projet d'amnistie générale du président Bouteflika. C'est du moins ce qu'il faut retenir du document élaboré par les familles de disparus, sur la base de nombreuses informations recoupées. Le document en question, très détaillé et très technique, traite point par point les aspects liés au projet d'amnistie générale. Sa période s'étendrait, ainsi, de 1992 jusqu'à ce jour. Pour ce qui est des personnes concernées, le texte rappelle que «le président (à maintes reprises) a très clairement annoncé une amnistie générale». La Cnag (commission nationale pour l'amnistie générale), dont le président d'honneur n'est autre que le président Ahmed Ben Bella, évoque, elle, «la levée des poursuites judiciaires», mais aussi «l'annulation des décisions de justice prises à l'encontre de toutes les personnes impliquées dans la tragédie nationale». Sur le plan de la procédure, il est signalé, non sans pertinence, que «cette mesure d'amnistie générale (est la suite logique) d'un processus de réconciliation nationale entamé par le pouvoir avec la promulgation de la loi de concorde civile», adoptée par voie référendaire le 16 septembre 1999. Là encore, on s'en souvient, la concorde avait été «étendue» en une «grâce amnistiante» en faveur des éléments de l'AIS (Armée islamique du salut), déclarés non concernés par la loi sur la concorde elle-même dans un article bis rajouté au dernier moment. Contrairement à ce qui s'est produit pour la première phase de 1999, et même si Bouteflika lui-même estime que les Algériens ne semblent pas encore prêts à tout pardonner, il semble que «l'amnistie ne sera pas conditionnée à une échelle de gravité des crimes et délits commis contrairement à la loi de concorde civile». Pour ce qui est du scrutin lui-même, le document révèle qu'«une commission officielle est sur le point d'être nommée par le président Bouteflika avec pour mandat de rédiger le projet d'amnistie». Elle devrait se composer, comme le confirment de nombreuses sources concordantes, «du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, du président du Conseil constitutionnel, Mohamed Béjaoui et de Farouk Ksentini, président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme». Du point de vue calendaire, la commission ad hoc de Farouk Ksentini, comme il nous le confirmait lui-même dans l'entretien qu'il nous a accordé hier, le rapport de la commission ad hoc sera remis au président Bouteflika le 31 mars prochain. Le mois suivant, puisque les choses seraient appelées à aller très vite, le projet de loi portant amnistie générale serait finalisé et adopté en conseils de gouvernement et des ministres, avant d'atterrir au Parlement avant la clôture de sa session de printemps. Dès le mois de mai de cette même année, donc, la campagne référendaire pourrait démarrer afin que la consultation populaire se tienne en juin. Une précampagne tous azimuts, toutefois, a été lancée depuis de nombreux mois, notamment grâce à la Cnag dont la naissance, maintenue secrète pendant longtemps, remonterait au 2 décembre 2004. Selon cette commission, que l'on dit proche du président de la République, pas moins de 8 objectifs sont inscrits à son ordre du jour. Il s'agit, dans l'ordre, de «la levée des poursuites judiciaires, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, pour tous ceux qui sont impliqués dans la tragédie nationale ; l'annulation des décisions de justice prises à l'encontre de toutes les personnes impliquées dans la tragédie nationale ; la réhabilitation de toutes les victimes de la tragédie nationale ; une amnistie en faveur de tous ceux qui, des deux côtés de l'affrontement, ont été impliqués ; une amnistie fiscale en faveur de toutes les victimes économiques de cette tragédie nationale (le cas a déjà été enregistré pour le Printemps noir de Kabylie puisque les commerçants de cette région ont obtenu l'accord de principe pour une pareille amnistie dans l'accord global conclu au mois de janvier passé entre le gouvernement et les représentants du mouvement des archs) ; la réhabilitation des figures nationales et historiques sans exclusion aucune ; une plus grande ouverture pluraliste en faveur des partis, des syndicats, des organisations de la société civile et des médias ; (et enfin) une amnistie en faveur des porteurs d'armes dans le respect des valeurs de la République». De pareils points prouvent, si besoin en était, que la grande réconciliation dont parle si souvent le président, concernera tous les épisodes historiques de notre pays, dans le cadre d'une réconciliation globale des Algériens entre eux et avec eux-mêmes. La suppression de la commémoration du 19 Juin 1965 s'inscrit, du reste, dans cette démarche globale, laquelle est encore loin d'avoir livré tous ses secrets puisque de nombreuses figures de l'histoire algérienne doivent également être réhabilitées.