«Ici on s'est habitué à la difficulté, à la misère, espérons que demain sera meilleur et que le soleil de la liberté brillera sur nos terres.» 41 ans dans un camp de réfugiés, ce n'est pas chose aisée! Opter pour la difficulté, la précarité, c'est choisir la résistance pour la préservation de leur dignité, de l'honneur de leurs familles qui ont été obligées de quitter leurs terres à la recherche d'un refuge loin des leurs c'est bien le cas de ces milliers de Sahraouis dans les camps de réfugiés. Un séjour d'une longue semaine nous a permis de découvrir, de vivre le synonyme des mots «misère», «réfugiés» et «solidarité» qui sont insignifiants pour certains. Pour cela, nous nous sommes rendus dans les camps de réfugiés sahraouis à 200 km de la wilaya de Tindouf. «Ici on s'est habitué à la difficulté, à la misère qui font partie de notre quotidien, espérons que demain sera meilleur et que le soleil de la liberté brillera sur nos terres», lance notre accompagnateur durant ce voyage qui a duré près d'une semaine dans les camps de réfugiés. Après 3 heures de route impraticable, nous pénétrons enfin à l'intérieur du camp de réfugiés de Dakhla, où des centaines de familles vivent encore dans des tentes, récemment reliées à l'électricité, sans eau, sans école, elles sont juste armées d'espoir et de détermination à arracher un jour la liberté de leur pays. A notre arrivée, «Menouta» nous accueille à l'intérieur de sa tente, entourée de jeunes, moins jeunes, hommes, femmes autour d'un thé, elle nous a raconté sa vie dans les camps de réfugiés. En dépit des insuffisances et la pauvreté, les gens continuent à vivre en harmonie avec leur milieu. Cette femme qui fait partie des rescapés de la barbarie des forces armées marocaines en 1975, se souvient encore de ses premiers jours dans le camp de réfugiés de Dakhla «l'homme que vous voyez en face, a 43 ans. Je l'ai porté sur mon dos, je me souviens très bien de cette scène, il n'était âgé que de 2 ans, aujourd'hui il est officier dans l'Armée de libération. On ne savait plus où aller, on avait passé des heures à courir dans le désert, heureusement que les Algériens sont venus à notre secours. Des camions, nous ont déposés ici». «Les années passent, rien n'a changé depuis. Nous sommes toujours des réfugiés, je n'ai pas revu depuis mes frères qui sont restés dans les territoires», raconte cette femme. «La résistance militaire, unique solution» L'histoire de l'Algérie nous a appris que «ce qui est pris par la force, ne pourrait être récupéré que par la force», le colonisateur ne comprenant pas la langue de la diplomatie. Ils continuent dans leur harcèlement, le choix militaire devient la règle, c'est la nouvelle politique adoptée par le président de la République, Ibrahim Ghali, depuis son arrivée à la tête de la Rasd. Les phrases du président prononcées suite à la libération de la région du «Grégrète» à 15 km de l'océan, à travers lesquelles il a mis en garde le colonisateur, ont remonté le moral aux troupes et à la population. «On est prêt pour la guerre» indique Salah, ce jeune qui a vécu l'enfer dans les territoires occupés. «On a trop souffert de cette situation qui dure, seule la voie militaire pourrait donner des fruits», «si je ne peux pas vivre pour ce pays, je mourrai pour lui, pour la liberté». «Continuer à vivre dans de telles conditions, se contenter des aides humanitaires sur nos terres, c'est accepter l'enfer.» «L'enfer dans les geôles du Maroc» «Avant on était dans l'enfer des territoires occupés, aujourd'hui Dieu merci nos frères algériens nous aident», explique-t-il. Il nous a tout de même fait entrevoir pas mal de points, ce jeune homme victime de l'un des coups les plus cruels du régime marocain. Certains de ses amis ont perdu la santé dans les prisons. La passion éclatée dans tous ses récits vous emporte dans le temps et vous fait vivre le cauchemar qu'il a, lui-même, vécu dans les territoires occupés. «On m'avait injustement privé de travail, puis on m'avait donné un travail indigne, on m'a craché au visage avant de me priver carrément de mes droits civiques», témoigne-t-il. Pour ce dernier, il est inadmissible de revivre cette expérience. «Je ne peux plus revivre ce cauchemar. J'ai opté pour l'intégration au front, la dignité a un prix. Je suis en train d'exercer mon droit et mon devoir de mourir pour mon pays. Ce choix est avant tout un engagement personnel avant d'être un devoir national. On a tous souffert avec ces pratiques inhumaines du Royaume marocain. Seul le feu résoudrait cette situation», a-t-il soutenu. Pour les autres jeunes venus des territoires occupés sahraouis pour assister à ces festivités, leur rêve est d'accélérer le temps et changer le cours de la vie puisqu'ils ont osé défier la peur et la police militaire marocaine. M'hamed Brahim, Mariam Mzelfi, Amine Hachimi, Nouzha Khaled, Bachir Ismail, des jeunes activistes qui ont vécu dans les prisons marocaines, et qui ont subi toutes les formes de torture, d'indignation, d'humiliation, nous ont fait part de leur calvaire. En dépit de la répression ils tiennent le coup, ils sont plus déterminés qu'avant pour la continuité de leur lutte dans les territoires sahraouis occupés jusqu'à l'indépendance de leur pays. A chacun son récit, des évènements et des scènes qu'il a vécus. Des histoires des «Mille et Une Nuits» de calvaire, de misère, de bravoure, de réussite, de défaite, «répression», «torture», «intimidation», «humiliation», des mots gravés dans la mémoire des militants qui évoquent avec amertume ce qui leur a été réservé dans les geôles du Royaume. «Privés de sommeil, harcèlements, intimidations, la torture morale et physique et d'autres pratiques qu'on ne peut pas dévoiler! Des procédés où excelle la police militaire du Makhzen», telle est la situation des prisonniers. Les plaies s'ouvrent, la torture morale s'invite, avec chaque scène ressuscitée les séquelles demeurent gravées dans la mémoire de ces activistes qui refusent l'oubli. Le ciel où trône le soleil commence à peser sur la terre, la chaleur augmente, midi s'invite, tout le monde rejoint sa tente, le moment est bien propice, pour certains, de profiter d'une sieste après une longue matinée, pour les autres, c'est le début d'une nouvelle aventure dans le camp des réfugiés. La femme sahraouie «Les femmes sahraouies irriguent l'espoir et les certitudes de la population pour aboutir à l'indépendance après des années de sacrifices», a affirmé notre interlocutrice. Le rôle de la femme dans la société sahraouie et sa lutte ne se résument pas seulement dans la prise des armes et d'affronter l'ennemi sur le champ de bataille, mais dans l'organisation et la gestion de la société. Ici, il n'y a pas de différence entre un homme et une femme, le plus important, c'est de savoir servir la société. Elle s'occupe de la gestion des quartiers, de l'administration, de la distribution des donations et des aides humanitaires. «Les donations alimentaires sont réduites ces derniers temps, notamment en matière de médicaments, ce qui complique la situation de la population des camps.» Des aides qui ont été réduites ces derniers temps, faute de donateurs «il y a quelques mois de cela tout a changé». La situation est en dégradation constante, les constructions en terre sont emportées par les inondations, la tente devient le seul refuge pour de nombreuses familles. «Nous étions dans l'obligation de construire avec du ciment, mais cette matière est rare, introuvable», a-t-elle souligné. Pour ce qui est du secteur de la santé, le manque de médicaments et du staff médical sont les problèmes évoqués par les responsables, «aujourd'hui, nous avons un seul pédiatre pour les cinq wilayas composant les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf», «pour les médicaments, on utilise des antibiotiques et des génériques», indique Salah, le pharmacien, qui est revenu dans les camps de réfugiés après avoir suivi sa formation universitaire à Cuba. Pour combler ce manque, des associations humanitaires algériennes et espagnoles en particulier, fournissent de grands efforts pour venir en aide à la population sahraouie dans les camps de réfugiés qui, sans «l'aide de l'Algérie seraient déjà parmi les disparus et les victimes de la machine de la mort du régime marocain», selon les Sahraouis, des organisations et des associations espagnoles également continuent de mettre la pression sur leur gouvernement pour assumer ses responsabilités historiques, elles ont organisé un Festival international du cinéma sahraoui, pour attirer des sympathisants à cette cause noble. Un évènement qui s'est déroulé du 12 au 15 octobre dans cette région qui abritait les premiers réfugiés du déclenchement de la lutte armée pour l'indépendance du Sahara occidental en 1975. 19h, le début d'une nouvelle vie au programme d'une soirée de cinéma où les organisateurs ont programmé une série de courts et de longs métrages dédiés à la cause sahraouie, qui durent jusqu'à une 1h du matin. Allongés par terre devant le grand écran planté par les Espagnols en collaboration avec le gouvernement sahraoui, regarder un film à la pleine lune, certains présents ont eu un accès, il leur a suffi juste de dire «oui» pour que leur «voeu» soit réalisé dans l'immédiat, pour les autres il fallait une mobilisation énorme du mouvement associatif, des amis et des sympathisants avec leurs causes pour que ce rêve devienne réalité. Des artistes, des cinéastes, des activistes, des journalistes et des politiques amis de la cause sahraouie étaient présents, pour sensibiliser et mobiliser l'opinion publique autour des causes justes. Tout le monde a profité de ce moment de répit, de détente en découvrant le monde du cinéma au milieu de ce «nulle part». Une manière d'oublier la fatigue et les problèmes de la journée, mais aussi de se préparer au lendemain et ses défis, ce lendemain inconnu où se mêle l'espoir. «Ici chaque jour qui passe est un défi relevé» Notre séjour d'une semaine dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, touche à sa fin, nous avons quitté notre famille d'accueil, avec un tas de questions plein la tête: combien durera-t-elle encore cette résistance pacifique contre le colonialisme?...