Ces filles ont vécu un cauchemar. Nadia, une jeune Algéroise rencontrée une nuit sur les hauteurs d'Alger, exerce ce métier depuis un an et demi. Grande, brune et ... bien roulée, elle est vêtue d'une minijupe qui laisse deviner et voir ses dessous. Elle porte des bijoux aussi mais juste ce qu'il faut pour attirer les client en pensant peut-être que tout ce qui brille... Nous l'abordons au moment où elle descendait de la voiture d'un client. Après une longue hésitation, elle se décide à nous parler. Dès l'âge de dix-huit ans, elle s'est retrouvée à la rue. Après le divorce de ses parents, elle est prise en charge par ses grands-parents. «Un jour, mes grands-parents décident d'aller s'installer au Maroc. Je me suis retrouvée, alors, dans l'obligation d'aller vivre chez ma mère qui s'était remariée entre-temps. Mon beau-père était pervers. Il me harcelait avec insistance. Chaque nuit, il faisait irruption dans ma chambre. Ma mère le savait-elle? Je ne sais pas, je ne veux pas le savoir. J'ai peur de découvrir un jour qu'elle était au courant de ce qu'il me faisait subir. Je n'ai jamais osé le lui demander. Il venait tard, après une heure du matin. Parfois il me surprenait en plein sommeil, il ne prenait alors même pas la peine de me réveiller. Ce sont ses râles qui m'arrachaient au sommeil. J'avais beau me débattre, il était trop fort. Avec le temps, j'ai fini par me laisser faire, je ne pouvais que pleurer. Il était sans état d'âme. Au début, il ne faisait que me caresser, par la suite, il en est venu à vouloir me déshabiller. En refusant de me plier à ses demandes, il redoublait de férocité. Un jour, il a fini par aller jusqu'au bout. Les voisins étaient tous au courant; ce genre de nouvelles circule vite. Il n'était plus possible pour moi de rester; j'avais trop honte. Je suis allée voir mon père en espérant qu'il me recueillerait chez lui. Mais il ne voulait pas de moi. Il avait désormais sa nouvelle petite famille: une femme, deux garçons et une fille. Je n'avais plus qu'une solution, me trouver du travail et un toit. J'ai été embauchée comme serveuse à 6000 DA par mois. J'ai pu me trouver une chambre à louer dans une maison de rendez-vous à Hussein Dey pour 500 DA par mois. Au début, la dame me proposait de coucher avec des hommes contre de l'argent, mais j'ai refusé. Je n'étais pas encore dans le bain. Nous devions nous partager l'argent moitié-moitié. je n'ai pu supporter son insistance et je suis partie.» A la recherche d'un salaire intéressant, elle quitte son travail pour se retrouver au point de départ: la rue. 50.000 DA en une seule nuit avec un maquignon «Là, j'ai rencontré des filles qui m'ont orientée vers la prostitution. Du jour au lendemain, je me retrouve faisant le trottoir. Grâce à ce métier, j'arrondis mes fins de mois. Je peux me permettre un appartement à 15.000 DA par mois. Au début je travaillais tous les soirs. Maintenant, je travaille de temps à autre quand je commence à être fauchée». Ses clients vont du jeune de 23 ans à l'homme marié et parfois même aux vieux «Mon plus gros lot, un maquignon de Tébessa. On a passé toute la nuit ensemble pour 50.000 DA. Je monte dans les voitures de mes clients: destination 5-Juillet. Je les accompagne rarement dans les hôtels, sauf avec les anciens clients. Jamais chez eux, il y a trop de risques. Je ne travaille jamais sans préservatifs. Mes prix vont de 3000 DA à 10.000 DA. Et les séances durent rarement au-delà du quart d'heure.» Le métier de Nadia est risqué. La police l'a déjà emmenée au poste pour tapage nocturne. «Des voyous nous traitent de tous les noms. Récemment ma collègue a été tabassée par des jeunes, mais ce sont les risques du métier». Tous les trois mois, Nadia consulte un gynécologue et subit un dépistage du sida. «De ce côté-là, je suis à cheval. Je préserve ma santé et celle de mon client». Si un jour Nadia devait comparaître devant des juges, elle serait, nous dit-elle, capable de ne plus travailler: «J'aurai trop honte de moi. D'ailleurs en travaillant, j'ai toujours eu honte. Je me cache tout le temps. J'ai essayé de m'en sortir autrement, mais la rue est une véritable jungle, une femme livrée à elle-même devient une proie facile.» Etouffée par les larmes, Nadia n'arrive plus à dire quoi que ce soit. Avant de partir, elle s'essuie le visage et nous lance:«Je voudrais vous confier une chose: mon honneur je l'ai perdu, le jour où j'ai fui de chez moi». De chez elle c'est la demeure de son beau-père. Autrement dit, de deux maux, elle choisit le moins douloureux.