Syrte reprise, tous les regards se braquent sur Sebha, dans le sud de la Libye, et dans la zone dite «triangle du Salvador» où les frontières de la Libye, de l'Algérie et du Niger se rejoignent et où prospèrent tous les trafics qui financent le terrorisme dans la région. La nouvelle est tombée presque dans l'indifférence générale. Pourtant, cette victoire maintes fois donnée pour définitive pendant les deux derniers mois, conclut non seulement six mois d'offensive effrénée, mais elle préfigure également le commencement de la fin pour le groupe autoproclamé Etat islamique déjà pris à la gorge en Irak et en Syrie. Entamée le 12 mai dernier, cette campagne pour la libération de Syrte, ancien fief de Mouammar el Gueddafi situé à 450 km à l'est de Tripoli, ne devait durer que quelques jours, mais les milices de Misrata se sont heurtées à une farouche résistance des éléments de Daesh, finalement retranchés dans quelques quartiers pour une riposte à coups de voitures piégées, de mines antipersonnel et de snipers. C'est donc une défaite cuisante pour le groupe terroriste qui perd ainsi son fief libyen, mais aussi sa base de lancement vers les pays limitrophes, la Tunisie et l'Algérie étant les premières cibles. Pour le GNA et Fayez al Sarraj, en outre, la reprise d'une ville devenue le symbole du bras de fer avec les groupes terroristes est synonyme de triomphe et elle arrive à point nommé pour redorer le blason d'un gouvernement d'union nationale qui peinait pour imposer son autorité dans le pays. Le porte-parole militaire des milices, Redha Aïssa, a constaté «un effondrement total» de l'EI, des dizaines d'éléments s'étant rendus avec armes et bagages dont des femmes et des enfants. Comme il a justifié de nouveau la lente progression des troupes du GNA par la volonté d'épargner les civils pris au piège dans certains quartiers de Syrte, comme à Giza el bahria où ils servaient de boucliers humains, et aussi de limiter leurs propres pertes. Le rêve de Daesh qui, parti de Derna dans le sud-ouest du pays en 2014, voulait poursuivre son expansion au Maghreb en frappant des villes en Tunisie et en fomentant des attentats en Algérie, s'écroule en apparence. Mais en apparence seulement, car ses cellules dormantes restent nombreuses, particulièrement dans la région tunisienne de Ben Guerdane, frontalière de la Libye. Et les informations s'accumulent qui disent toutes que les évènements en Irak, où Mossoul va tomber incessamment et en Syrie où l'emprise de l'EI est réduite de jour en jour, vont avoir une incidence grave sur le retour des prétendus jihadistes dans leur terre de prédilection. Si les Tunisiens prédominent, il faut compter également de nombreux Marocains et quelques centaines de Sahéliens. Comme on n'a pas d'informations précises sur les pertes dans les rangs de l'EI, les forces loyalistes du GNA ayant comptabilisé pour leur part environ 700 morts et 3000 blessés, la menace est donc à prendre très au sérieux. C'est ce qui explique le déploiement de moyens humains et matériels importants tout au long de la frontière algéro-libyenne depuis de nombreux mois, l'ANP ayant anticipé la manoeuvre et mis en branle tout un dispositif d'interception des candidats à l'infiltration en territoire algérien. Ce travail de longue haleine est également accompagné par d'intenses efforts diplomatiques pour permettre au GNA d'asseoir pleinement sa légitimité et ainsi d'étendre son autorité à l'ensemble de la Libye. Car seul un gouvernement reconnu par toutes les factions est en mesure de mener sur son propre territoire une lutte efficace contre les organisations terroristes, Daesh en premier lieu, mais aussi les groupes qui infestent plusieurs pays du Sahel et se livrent au trafic d'armes et à la contrebande, y compris dans le Sud libyen. L'urgence est donc bien de relancer la dynamique du dialogue inclusif et d'amener à la table de discussions les représentants du Parlement de Tobrouk avec leur allié le général Khalifa Haftar et ceux du GNA pour aboutir à une solution consensuelle. Un travail auquel s'emploie méthodiquement Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, africaines et de la Ligue arabe, en toute discrétion. L'enjeu est fort simple, sans un progrès tangible dans le sens d'une reconstruction du GNA qui intégrerait toutes les composantes au dialogue, les groupes terroristes dont l'EI vont encore profiter de l'absence d'Etat et des conflits à la fois politiques et tribaux pour reconstruire une nouvelle base nourrie par le mouvement incessant des «jihadistes» dans l'ensemble de la région sahélo-maghrébine. D'ailleurs, maintenant que Syrte est reprise, tous les regards se braquent sur Sebha, dans le sud de la Libye, et dans la zone dite «triangle du Salvador» où les frontières de la Libye, de l'Algérie et du Niger se rejoignent et où prospèrent tous les trafics qui financent le terrorisme.