La solidarité ne peut être conjoncturelle. Selon des statistiques non encore rendues publiques, mais concordantes et de source fiable, dont l'ONS (Office national des statistiques), l'abandon des personnes âgées dans notre société, bien qu'en pleine mutation socio-économique, ne serait pas aussi alarmant qu'on ne le laisse croire. C'est ce qu'a, du moins, confirmé la «journée d'étude sur la protection des personnes âgées», organisée hier à l'hôtel El Djazaïr (ex-Saint Georges) à Alger, sur initiative de l'Association d'aide et de soutien aux personnes âgées, dont la création remonte à 1988. cette dernière est dirigée par Mme Zerrouki, secrétaire générale. Ont également pris part à cette journée d'étude, ponctuée par des communications sur le sujet de la part d'universitaires, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, M.Ould Abbès, ainsi que la représentante du ministère délégué chargé de la famille et de la condition féminine. Toutefois, et d'après les interventions des responsables de foyers pour personnes âgées, à l'instar de Mme Si-Larbi qui gère le foyer de Sidi Moussa, qui abrite quelque 210 personnes, une tendance néfaste semble s'installer au détriment de leur véritable vocation qui est celle d'admettre uniquement ces êtres au crépuscule de leur vie, à savoir le recours à ces établissements spécialisés pour y «laisser» des personnes handicapées ou parfois malades mentaux qui finissent par coexister avec les vieilles personnes. Ces centres demeurent concentrés, pour la plupart, dans l'Algérois et se comptent au nombre de quatre, implantés par ordre d'importance, à Sidi Moussa, Dely Ibrahim et Bab Ezzouar, auxquels s'ajoutent quelques «diar errahma». Pour sa part, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, qui a rappelé les lois qui existent et qui régissent la situation de ces personnes vulnérables, a beaucoup insisté sur cette nouvelle orientation des pouvoirs publics qui est celle d'encourager les familles démunies à garder chez elles leurs parents et grands-parents en âge avancé. «Rien ne remplace la chaleur familiale, et je suis prêt à financer la prise en charge de ces personnes, mais dans leur milieu naturel qu'est leur famille, qu'aucune infrastructure ni aucun budget au monde ne peuvent remplacer.» Il n'en demeure pas moins que les associations caritatives restent la seule «fenêtre sur le monde extérieur pour nombre de vieilles personnes internées dans ces centres». Toutefois, ces associations, fonctionnant pour la plupart grâce au bénévolat et manquant souvent de moyens, ne peuvent assurer à elles seules le bien-être de ces êtres fragiles, car isolés des leurs. Ce qui a fait dire à Mme Benhabylès, également présente à cette journée et qui s'occupe présentement de la condition des femmes rurales: «Je dénonce la solidarité conjoncturelle!» Comme pour rappeler que l'oeuvre de soutien moral et matériel à ces citoyens est avant tout quotidienne, pérenne. Des juristes ont, par ailleurs, précisé que la loi protège totalement les personnes du troisième âge, sur le plan tant civil que pénal, notamment les articles 330 et 331 qui condamnent fermement l'abandon des ascendants. L'on invite pourtant le législateur à faire preuve de plus de recherche afin d'adapter encore les textes à certaines situations particulières. Que ce soit en ville ou en milieu rural, les observateurs, bien au fait de certaines réalités qu'endurent les familles algériennes, font état d'un vécu commun des personnes âgées. L'on dénonce particulièrement cette attitude à vouloir coûte que coûte cacher la maladie mentale ou l'infirmité dans certaines régions du pays, où parfois des personnes humaines sont enchaînées, châtiées, empêchées de sortir au seul critère de la honte... de la maladie mentale ou de l'incapacité physique... au demeurant, lot potentiel, naturel, de la condition humaine sur terre. Encore des tabous donc à briser.