C'est du moins l'opinion émise par Jared Kushner, conseiller spécial et gendre du président des Etats-Unis, Donald Trump. Envoyé pour tâter le terrain au Proche-Orient et voir en quoi l'administration Trump pourrait aider à trouver une issue au conflit, Kushner ferme la porte à la paix en estimant qu'il «n'y avait pas de solution». Ainsi, une première visite en Israël aurait permis au gendre du président états-unien de se faire une conviction, assurant dans un enregistrement - dont les médias états-uniens s'en sont fait l'écho la semaine dernière - «qu'il n'y a peut-être pas de solution». Ainsi, sans autre forme de procès, un seul séjour au Proche-Orient, a donné à Jared Kushner de formaliser ce que d'illustres chefs de la diplomatie des Etats-Unis [qui ont fait moult navettes entre les Etats-Unis et le Proche-Orient] n'ont osé avancer: comme quoi, une solution au conflit entre Israël et les Palestiniens serait utopique. En fait, Kushner reprend à son compte la position d'Israël, laquelle considère l'ensemble de la Palestine historique - y compris Jérusalem-Est et la Cisjordanie occupées - comme partie de l'Etat hébreu. Pour Israël le statu quo est tout bénéfice qui lui permet d'accentuer la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupées. En fait, aucune administration états-unienne - même la plus pro-israélienne - ne s'est autorisée à valider une telle notion d'insolubilité du contentieux proche-oriental. En Israël on buvait du «petit-lait» ces derniers jours appuyant avec force «Jared Kushner a raison, il n'y a pas de solution de paix» (entre Israël et les Palestiniens). Or, pour l'administration états-unienne, la ligne verte - frontière entre les territoires palestiniens occupés et Israël reconnue et admise par l'ONU - est toujours la limite internationalement reconnue entre les territoires palestiniens et Israël. Pro-israélien actif, Kushner semble ainsi vouloir effacer cette délimitation, dès lors qu'elle identifie deux belligérants et, partant, deux entités différentes: Israël et les Palestiniens. C'est sur cette base que des négociations ont été menées ces dernières années, et les colonies israéliennes ne changent rien à la donne, car Israël - tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre - devra les abandonner pour ouvrir la voie à la paix. La solution, c'est-à-dire la paix, existe. Il suffit qu'Israël se retire des territoires palestiniens qu'elle occupe. Or, Israël veut la paix sans céder les territoires. Ce à quoi semble faire écho la déclaration du gendre du président états-unien, Donald Trump. Depuis des années, les Etats-Unis «parrains» du processus de paix, ont travaillé sur ce paramètre - occupants-occupés - pour trouver une solution équitable qui rétablisse le peuple palestinien dans ses droits tout en assurant la «sécurité» à l'Etat hébreu. Or, voilà-t-il qu'un jeune homme sorti tout droit du néant, qui sans doute n'a jamais entendu parler du conflit du Proche-Orient en général, israélo-palestinien, en particulier, a tout compris et se fait fort d'éliminer en une seule phrase un contentieux septuagénaire: «Il n'y a peut-être pas de solution.» En fait, Kushner précise: «Mais comment cela peut nous aider à obtenir la paix? Ne nous concentrons pas sur cela. Nous ne voulons pas de cours d'histoire. Nous avons lu suffisamment de livres.» Ainsi, d'une phrase, Jared Kushner croit pouvoir effacer 70 ans de déni de droit, 70 ans de spoliation du peuple palestinien, 70 ans d'un partage honteux de la Palestine historique, qui fait payer aux Palestiniens les crimes contre les juifs, commis par les Européens (1939-1945). Mais, la Palestine, qu'Israël [avec l'appui des Etats-Unis] a vainement tenté de gommer de la carte du Monde, est là, bien présente - quoique encore occupée - membre des organisations internationales, comme l'ONU et entretenant des relations diplomatiques avec plus de 150 pays. M.Kushner vient un peu tard, car le Rubicon est bel et bien franchi et la Palestine ressurgira envers et contre tous. Toutefois, notons que les Etats-Unis qui financent (indirectement) la construction des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés (Cisjordanie et Jérusalem-Est) ne se sont pas donné les moyens de jouer leur rôle sainement en clarifiant la position de Washington sur les données territoriales palestiniennes. Si les Etats-Unis reconnaissent la ligne verte, ils ne disent pas explicitement que d'un côté, il y a Israël, de l'autre les Territoires des Palestiniens. Et ce qui est palestinien ne pouvait être israélien. L'Union européenne a tranché cette question en juillet 2013 qui indiqua que les territoires délimités par les frontières de 1967 ne sont pas israéliens et que désormais les accords de coopération avec Israël ne doivent plus les mentionner. La paix au Moyen-Orient est réalisable, mais encore faut-il être deux pour la faire. Or, Israël ne veut pas de la paix avec les Palestiniens. Ou alors à ses seules conditions. En matière d'histoire, Jared Kushner a encore des cours de rattrapage à faire.