Après son élection à la présidence française le 7 mai, la Une de l'hebdomadaire britannique The Economist le montrait marchant sur l'eau. Cent jours plus tard, Emmanuel Macron s'enfonce dans les sondages, confronté à un scepticisme croissant. Les dernières enquêtes sonnent comme un avertissement: seuls 36% des Français se disent satisfaits de l'action du chef de l'Etat, contre 62% il y a trois mois, selon l'institut de sondages Ifop. Un décrochage d'une ampleur inédite depuis celui de Jacques Chirac en 1995. «Emmanuel Macron sort de l'état de grâce pour rentrer dans l'atmosphère et assumer le coût politique de ses arbitrages», analyse Jérôme Fourquet, de l'Ifop. Si plusieurs promesses de campagne ont bien été tenues, comme le vote d'une loi de moralisation de la vie politique après une campagne électorale émaillée de scandales, des mesures visant à limiter le déficit budgétaire ont irrité nombre de Français. Les fonctionnaires sont ulcérés par le coup de frein annoncé à leur rémunération, les retraités furieux de la hausse programmée d'un impôt qui entamera leurs pensions, les ménages modestes déçus par le rabotage d'une aide au logement. Un tour de vis dans le budget de la Défense a par ailleurs poussé le chef d'état-major des armées à démissionner après un recadrage brutal du chef de l'Etat qui a crispé les militaires. «Macron face au désamour des Français», titrait samedi le quotidien conservateur Le Figaro. Quasi-inconnu du public il y a encore cinq ans, Emmanuel Macron suscite depuis son entrée en politique autant d'engouement que de rejet: espoir de changement pour les uns, incarnation de l'élite économique et politique pour les autres. Son tout jeune parti «La République en Marche» a conquis en juin la majorité des sièges à l'Assemblée, mais l'inexpérience de ses députés a été brocardée. Et le socle électoral du plus jeune président de France, élu à 39 ans face à la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, après avoir obtenu 24% des voix au premier tour de la présidentielle, paraît fragile. Sa ligne centriste avec un programme «et de gauche et de droite» est pilonnée aux deux extrémités de l'échiquier politique. «Rien de difficile n'a encore été fait», tacle un des ténors de l'opposition de droite Eric Woerth quand les socialistes épinglent à l'envi un programme «ni de gauche ni de gauche». Chacun mesure «l'ampleur de la tâche à accomplir» mais ces 100 premiers jours «ont permis de jeter les bases d'une transformation profonde de notre pays», a répliqué le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner, dans une tribune publiée dimanche sur Facebook. La rentrée s'annonce toutefois mouvementée avec une refonte annoncée du Code du travail sur une ligne pro-entreprises. Deux syndicats ont déjà appelé à une journée d'action le 12 septembre et la gauche radicale prévoit un «rassemblement populaire», le 23. Le bouclage du budget 2018 promet aussi d'être ardu avec la promesse d'une baisse de 11 milliards des prélèvements obligatoires qu'il faudra conjuguer avec de nouvelles économies. Le président français a connu moins d'embûches sur la scène internationale où il s'est imposé face aux ogres de la diplomatie mondiale, Vladimir Poutine et Donald Trump, tous deux reçus avec succès à Paris, malgré des critiques. Européen fervent, il affiche sa complicité avec la chancelière allemande Angela Merkel et espère parvenir à relancer une Union européenne encalminée par le Brexit. Son positionnement «pragmatique» sur la Syrie, sa proposition de créer des «hotspots» pour les migrants en Libye ont suscité plus de réserves. La France est «replacée au centre du jeu», s'est félicité M.Castaner. La communication très étudiée du président, qui fait la part belle aux images, est diversement appréciée. Après son hélitreuillage spectaculaire à bord d'un sous-marin, son apparition façon «Top gun», moulé en combinaison de pilote sur une base aérienne du sud de la France, a déchaîné les railleries sur les réseaux sociaux. Le risque est «que les Français passent progressivement du il est brillant et réussit tout ce qu'il entreprend'' à en fait, tout ça, c'est de la com''», a souligné Jérôme Fourquet.