C'est quelque peu marri que le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, est revenu de son long périple moyen-oriental. Il a pu voir en temps réel, le retard abyssal dans lequel est plongé le Monde dit arabe et son annexe «politique» ladite «Ligue des Etats arabes». Pour Abdelkader Messahel la réforme de la Ligue arabe est désormais une condition sine qua non de son devenir. Il ne fait, en réalité que reprendre à son compte un diagnostic déjà énoncé, voilà quelques années, par un de ses prédécesseurs, Abdelaziz Belkhadem qui a d'ailleurs taxé ladite «Ligue arabe» d'annexe de la diplomatie égyptienne. Il n'avait pas tort eu égard à la tempête qu'a soulevée son propos au pays des Pharaons. Un fait avéré, depuis sa création, la Ligue arabe a été considérée par l'Egypte comme sa propriété, par laquelle elle module et instrumentalise la politique arabe. Pour ce qui est des réformes de la Ligue exigées par l'Algérie, qu'en est-il en vérité? Abdelkader Messahel l'a souligné à ses interlocuteurs arabes: dans le contexte qui est le sien, la Ligue arabe est incapable de régler ou de gérer les conflits et les crises régionaux, et doit impérativement se réformer. Certes! Mais ces réformes on en parle depuis au moins 13 ans, exactement depuis le sommet arabe de Tunis en mai 2004. Depuis, des réformes point! Mais, nous semble-t-il, le problème est mal posé. Ce n'est pas la Ligue arabe qu'il faut réformer - elle doit simplement être dissoute - mais bien les Etats arabes et changer leur concept de gouvernance. En fait, le défi est celui-ci: jusqu'où les souverains et chefs d'Etat arabes sont prêts à aller dans le délestage de leur part de pouvoir et de décision au profit d'une future Ligue arabe rénovée? Tout est là! Le reste, c'est de la poudre aux yeux sans impact sur la pesanteur qui annihile ledit Monde arabe, inapte à avoir droit de chapitre dans ses propres crises et conflits, monopolisés par des interventions étrangères. Aussi, avant de parler de réformer la Ligue arabe et de quelles dimensions seront ces mutations, il faut d'abord corriger les anomalies et carences dont souffrent les pays et Etats arabes, qui doivent changer eux-mêmes de l'intérieur pour parvenir à la maturité politique et culturelle indispensables pour dépasser les absolutismes dont sont affligées les gouvernances arabes. C'est donc celle-là la gageure du Monde arabe que les Etats arabes sont appelés à relever. Ce sont les dictatures arabes qui ont induit le blocage de l'émancipation des pays arabes et freiné une saine coopération inter-arabe. Il ne peut y avoir une organisation pan-arabe responsable et performante alors que la coordination inter-arabe a toujours été inexistante. En 2004 à Tunis, si le thème de la réforme de la Ligue a été inclus dans le programme du sommet arabe, c'est dû essentiellement à la prétention du président états-unien, George W. Bush, de vouloir «démocratiser» le Monde arabe avec son projet de «Grand Moyen-Orient». En fait, la question des réformes n'a jamais effleuré l'esprit des potentats arabes et était le cadet de leurs soucis. A Tunis on a donc parlé de réformes soutenues par deux projets: les réformes dans les pays arabes proprement dits, ce qui implique, à tout le moins, des révisions déchirantes dans les démarches politiques et sociales qui fondent actuellement les Etats arabes; la réforme de la ligue arabe, un dossier qui s'avère plus important que l'intérêt mitigé que lui accordent les dirigeants arabes. Or, le sommet de Tunis, à peine clôturé, ces réformes ont été oubliées et chacun de vaquer à ses occupations. En effet, pour une vraie réforme de la Ligue arabe, il aurait fallu que les dirigeants acceptent de limiter leurs mandats et l'instauration de monarchies constitutionnelles, le souverain régnant, mais ne gouvernant pas. Nous n'en étions pas là. Outre la révision des Constitutions arabes, il fallait ouvrir les champs médiatique, politique et syndical, dans le sens d'établir entre les pays arabes des passerelles propres à faciliter la coordination et la coopération entre eux. Cela n'a pas été fait. Cette donne, certes pas exhaustive, est essentielle, mais pas suffisante cependant, elle reste indicative de ce que les Arabes seront amenés à entreprendre si, assurément, ils veulent être sérieux dans leur dessein de réformes. Or, peut-on parler de réformes de la Ligue arabe sans remettre en cause les pouvoirs sans limite des dirigeants arabes, dans la mesure où, si réforme il y a, il faudra inévitablement que les Etats abandonnent une parcelle de leur pouvoir au profit de la Ligue arabe, (ce qui est le cas de l'Union européenne). Les dirigeants arabes sont-ils prêts à ce saut qualitatif dans la prise en charge des problèmes de la nation arabe? Il est permis d'en douter.