Le président sortant angolais, José Eduardo dos Santos, déposant son bulletin dans l'urne, hier. Les Angolais votaient hier pour choisir un successeur au président José Eduardo dos Santos, qui a décidé de prendre sa retraite après un règne autoritaire de trente-huit ans à la tête de son pays, en pleine crise économique. Au pouvoir depuis 1975, le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (Mpla) doit conserver, sauf coup de théâtre, sa majorité absolue au Parlement et installer son candidat et dauphin désigné, l'ex-ministre de la Défense Joao Lourenço, dans le siège laissé vacant par le «camarade numéro 1». Dès les premières heures du jour, les électeurs angolais se sont pressés dans les bureaux de vote de tout le pays, qui sont restés ouverts jusqu'à 17h00 GMT. M. dos Santos, bientôt 75 ans, a déposé son bulletin dans l'urne en début de matinée dans une école du centre de la capitale, sous les flashes des photographes. Son très probable successeur l'a imité une heure après dans un autre bureau de Luanda, confiant. «Je suis serein. Je vais rester calmement chez moi en attendant que mes collègues du parti m'informent des résultats», a déclaré Joao Lourenço. «Le scrutin se déroule en ordre et dans le calme», s'est-il félicité. Très matinal lui aussi, le chef de l'Unita (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola), le principal parti d'opposition, Isaias Samakuva, a glissé son bulletin dans l'urne dans le quartier de Talatona, en appelant les 9,3 millions d'électeurs inscrits à «voter en conscience, pour la démocratie». Tout au long de la campagne, l'Unita et le troisième parti du pays, la Casa-CE, ont demandé aux électeurs de mettre un point final à la domination sans partage qu'exerce le Mpla sur l'Angola depuis son indépendance du Portugal en 1975. Malgré une décennie de forte croissance depuis la fin de la guerre civile en 2002, l'Angola reste un des pays les plus pauvres de la planète. Il y a trois ans, la chute des cours de l'or noir a précipité le pays dans la tourmente. Sa dette publique s'est creusée, sa monnaie a dégringolé, l'inflation et le chômage ont explosé. Ecartée des bénéfices du boom pétrolier, la majorité des 28 millions d'Angolais a subi le choc de plein fouet et exprime de plus en plus ouvertement son ras-le-bol. «Je suis venu voter pour le changement», a confié José Manuel, 23 ans, qui a voté dans un bureau du quartier de Talatona. «Je n'ai pas de travail, nous avons beaucoup de choses qui manquent ici». «Nous ne pouvons pas continuer à être un pays potentiellement riche mais habité par des citoyens pauvres», a martelé pendant la campagne le chef de la Casa-CE, Abel Chivukuvuku. «Nous avons besoin d'un gouvernement sérieux et patriotique, qui ne pratique pas la corruption et la mauvaise gouvernance». Ses adversaires reprochent à José Eduardo dos Santos d'avoir mis en coupe réglée des pans entiers de l'économie du pays, confiés à sa famille ou des proches. Sa milliardaire de fille Isabel, considérée comme la femme la plus riche d'Afrique, est devenue le symbole de cette «privatisation de l'Etat», selon le mot du journaliste d'opposition Rafael Marques de Morais. Son père en a fait l'an dernier le P-DG de la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol. Apparatchik du Mpla, Joao Lourenço, 64 ans, un général à la retraite sans grand charisme, a fait campagne en promettant de «corriger ce qui va mal». Conscient du mécontentement ambiant, le Mpla a inondé ces derniers mois le pays de toute sa puissance financière de parti-Etat et multiplié les inaugurations de ponts ou de barrage. «Ma mission sera de relancer l'économie du pays», a-t-il déclaré à la presse à la veille du scrutin. «Si j'y parviens, j'aimerais être reconnu dans l'histoire comme l'homme du miracle économique en Angola». M. Lourenço a aussi promis de «combattre la corruption». Mais beaucoup doutent de sa volonté de s'attaquer au «système» mis en place par son prédécesseur. Même usé par la maladie, M. dos Santos doit rester président du Mpla jusqu'en 2022. Il a verrouillé sa sortie en faisant récemment voter des lois qui lui assurent une large immunité judiciaire et gèlent pour des années toute la hiérarchie dans l'armée et la police. Dans ce contexte d'usure du pouvoir et de crise économique, les analystes tablent sur un net recul électoral du Mpla, qui avait réuni 72% des voix il y a cinq ans. Mais pas au point de le priver de sa majorité absolue au Parlement. Les premiers résultats du scrutin sont attendus d'ici demain.