Le gouvernement turc a lancé vendredi un «dernier appel» aux autorités kurdes d'Irak pour qu'elles annulent leur référendum d'indépendance jugé «illégitime» par Ankara, affirmant étudier «toutes les options» au cas où le scrutin se déroulerait. A l'issue d'une réunion présidée par le chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan, le Conseil de sécurité nationale turc (MGK) a exhorté l'administration du Kurdistan irakien «à renoncer à cette décision tant qu'il est encore temps». Ce référendum d'indépendance prévu demain est «illégitime et inacceptable», a déclaré le MGK dans un communiqué. S'exprimant dans la nuit de vendredi à samedi après un Conseil des ministres qui s'est réuni dans la foulée du MGK, le porte-parole du gouvernement turc Bekir Bozdag a affirmé que ce vote «(menaçait) directement la sécurité nationale de la Turquie». Lors de la réunion du cabinet, «nous avons mis toutes les options sur la table, nous les avons étudiées une par une», a ajouté M. Bozdag, sans autre précision. «Nous, la Turquie, adressons un dernier appel au gouvernement régional kurde d'Irak: faites preuve de bon sens, annulez ce référendum», a lancé le porte-parole du gouvernement turc lors d'une conférence de presse à Ankara. Ankara a multiplié ces derniers jours les avertissements envers le dirigeant kurde irakien Massoud Barzani, qui a jusqu'ici martelé son intention de tenir le référendum lundi, en dépit des appels internationaux à annuler ou repousser le scrutin. «La Turquie ne veut pas que le référendum soit remis à plus tard (...) Il faut qu'il soit annulé de manière irrévocable», a indiqué M. Bozdag. La Turquie, dont la population compte au moins 15 millions de Kurdes, voit d'un mauvais oeil toute ébauche d'un Etat kurde même hors de ses frontières, de crainte que l'émergence d'une telle entité ne galvanise les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mènent une sanglante rébellion dans le sud-est du pays. Le Parlement turc devait se réunir hier pour examiner une requête du gouvernement en vue de prolonger d'un an le mandat autorisant des opérations de l'armée turque en Syrie et en Irak qui arrive à expiration le 30 octobre. L'opposition de la Turquie à l'indépendance du Kurdistan irakien est susceptible de compromettre la viabilité d'un éventuel Etat kurde, notamment parce que le Kurdistan irakien tire ses principales recettes de l'exportation du pétrole qui se fait via un oléoduc débouchant dans le port turc de Ceyhan. Lors d'un discours à la tribune de l'ONU mardi, M. Erdogan avait mis en garde les autorités du Kurdistan irakien: «Ignorer la position claire et résolue de la Turquie sur ce sujet pourrait mener à un processus qui priverait le gouvernement régional du Kurdistan irakien des opportunités dont il bénéficie actuellement», avait-il déclaré. Revenant sur la question hier encore, le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a averti que la réponse de la Turquie au référendum d'indépendance du Kurdistan irakien aura des volets «sécuritaire» et «économique», pendant que l'armée turque intensifiait ses manoeuvres à la frontière. «Les mesures que nous prendrons (...) auront des dimensions diplomatique, politique, économique et sécuritaire», a déclaré M. Yildirim à des journalistes pendant un déplacement à Kirsehir (centre). Interrogé sur la présence d'une «opération transfrontalière» parmi les options envisagées, M. Yildirim a répondu: «tout naturellement. Lequel de ces volets entrera en vigueur à quel moment? Ce sera une question de timing en fonction de l'évolution de la situation». Ankara a multiplié les avertissements ces derniers jours, et l'armée turque, qui mène jusqu'à mardi des manoeuvres à la frontière avec l'Irak, a annoncé hier dans un communiqué que cet exercice se poursuivait «avec des troupes supplémentaires.»