Le chef du Pentagone Jim Mattis évoquait hier avec les responsables turcs le soutien américain aux milices kurdes syriennes, considérées comme terroristes par la Turquie, et la prochaine tenue d'un référendum dans le Kurdistan d'Irak qui inquiète Washington et Ankara. M. Mattis a rencontré à Ankara son homologue turc Nurettin Canikli en fin de matinée et devait être reçu par la suite par le président Recep Tayyip Erdogan. La Turquie, membre important de l'Otan, reproche aux Etats-Unis de soutenir les Unités de protection du peuple kurde (YPG), principale composante des Forces démocratiques syriennes (FDS), fer de lance de la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique en Syrie. Washington a annoncé en mai avoir commencé à livrer des armes à ces forces qui mènent actuellement l'assaut contre Raqqa, principal bastion de l'EI en Syrie. Mais la Turquie considère les YPG comme une «organisation terroriste», émanant du Parti des travailleurs du Kurdistan turc (PKK), lui-même classé «organisation terroriste» par Ankara et ses alliés occidentaux. Le président Erdogan, cité par le quotidien Hürriyet, a estimé mardi soir que plus de 1.000 camions d'aide américaine acheminés depuis l'Irak étaient parvenus aux milices kurdes dans le nord de la Syrie. La Turquie craint que ces armes ne parviennent ensuite au PKK et se retournent contre elle. Ankara redoute également la création d'un Etat kurde en Syrie à sa frontière et a mené entre août 2016 et mars 2017 une offensive terrestre dans le nord de la Syrie, afin de repousser l'EI de sa frontière mais aussi d'empêcher la jonction des différentes zones contrôlées par les YPG. «La Turquie n'autorisera pas l'ouverture d'un corridor terroriste en Syrie vers la mer Méditerranée», a déclaré mardi le président turc, selon des propos recueillis par Hürriyet à bord de l'avion qui le ramenait d'une visite en Jordanie. «Quel que soit le prix à payer, nous interviendrons», a-t-il ajouté. La Turquie a ainsi menacé à plusieurs reprises ces dernières semaines d'intervenir militairement, notamment dans le «canton» kurde d'Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie. «Notre détermination à propos d'Afrin est la même. Nos plans se poursuivent comme prévu», a assuré M. Erdogan, selon Hürriyet. Il a également fait allusion à une opération potentielle dans la province syrienne d'Idleb (nord-ouest), actuellement sous le joug des jihadistes, sans donner de détails. M. Mattis doit également aborder à Ankara le référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien qui doit se tenir le 25 septembre, auquel s'opposent fermement Washington et Ankara. Le secrétaire américain à la Défense était mardi en Irak où il a rencontré le leader kurde irakien Massoud Barzani, notamment au sujet de ce référendum. Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu était à son tour en Irak hier où il devait rencontrer les responsables irakiens à Baghdad, mais aussi M. Barzani à Erbil. «Nos attentes à ce sujet sont claires: ce référendum doit être annulé», a déclaré M. Cavusoglu, qualifiant ce scrutin d'«erreur», lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue irakien Ibrahim al-Jaafari. M. Cavusoglu avait estimé la semaine dernière que ce référendum pouvait «mener jusqu'à une guerre civile» en Irak. Washington est par ailleurs inquiet du rapprochement entre Ankara et Téhéran, notamment après la visite en Turquie du chef d'état-major iranien la semaine dernière. Affirmant que la Turquie et l'Iran ont alors décidé de lutter ensemble contre le «terrorisme», M. Erdogan a déclaré que cela «peut être à Qandil, cela peut être à Sinjar», deux localités du nord de l'Irak où les rebelles kurdes turcs et iraniens disposent de bases arrières. «Les discussions se poursuivent», a ajouté le chef de l'Etat turc, toujours selon Hürriyet. Mais les Gardiens de la révolution en Iran ont démenti mardi soir tout projet d'opération hors des frontières iraniennes.