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«Les mots ont des yeux qui donnent à voir»
ENTRETIEN AVEC LE REALISATEUR SAMIR ABDALLAH
Publié dans L'Expression le 26 - 06 - 2005

Apporter une solidarité concrète aux Palestiniens, est le but fixé par ce réalisateur à travers son documentaire Ecrivains des frontières.
Samir Abdallah est un réalisateur français qui ne conçoit pas sa vie sans engagement. «Je suis dans la vie comme au cinéma», dit-il. Ses origines égypto-danoises ont fait peut-être qu'il soit impliqué davantage auprès des siens en épousant l'universel. Rencontré à la 3e édition des rencontres cinématographiques de Béjaïa, le réalisateur nous parle dans cet entretien de la genèse et du parcours de son documentaire Ecrivains des frontières, coréalisé avec José Reynès et de son «combat» pour la cause palestinienne. Infatigable globe-trotteur, bouillonnant de projets, Samir Abdallah fait sienne cette terrible phrase extraite d'un poème de Mahmoud Darwich: «Nous sommes porteurs d'un mal incurable, la maladie de l'espoir». Ecoutons-le:
L'Expression: Parlez-nous de la genèse de votre documentaire Ecrivains des frontières.
Samir Abdallah: Nous avons voulu lancer une dynamique qui soit différente des initiatives habituelles dans le genre rassemblement en France et compagnie, qui initierait des avis plus larges. En allant sur place, les gens se rendent compte d'une réalité concrète, tangible. De plus, on voulait apporter une solidarité concrète aux Palestiniens. Puisque nous représentons l'Etat, les politiques, on voulait créer un mouvement qui à son tour, puisse peser sur les instances internationales. Ceci est la 1re délégation. Donc, moi, je fais mon 1er film, le Voyage en Palestine. On commence à tourner avec ce film un peu partout, en France et en Europe... Cette dynamique-là développe plusieurs missions. Pratiquement chaque semaine, il y a différentes gens qui partent en Palestine. La 1re mission date du 16 juin 2001, quelques mois après le début de la 2e Intifadha qui a eu lieu en septembre 2000. Il y a eu beaucoup de personnes d'origine maghrébine ou arabe et juive. Au début de l'année 2002, il y a eu une accélération de la réflexion israélienne et une série d'invasions dans les camps de réfugiés et dans les villes palestiniennes qui culminent avec l'opération nommée Rempart en fin mars 2002. A ce moment-là, le parlement des écrivains qui réunit une centaine d'écrivains du monde entier, décide à son tour d'envoyer une délégation. D'une part, il y a la volonté de participer à cette dynamique mise en place de missions civiles en Palestine et qui a comme mot d'ordre la mise en place d'une forme de protection internationale, d'apporter une solidarité concrète aux Palestiniens. D'autre part, un des membres du parlement des écrivains, Mahmoud Darwich, le grand poète, est bloqué à ce moment-là à Ramallah sous le siège. Il ne pouvait se rendre sur une invitation de ses confrères en Europe et aux Etats-Unis. Donc, ses confrères doublement motivés, allaient en Palestine pour apporter une solidarité concrète d'écrivains et pouvoir ainsi retranscrire la réalité qu'ils découvraient sur place. Ils décident donc d'aller aussi pour rencontrer Darwich sur le lieu du siège à Ramallah. Comme ils connaissaient mon travail avec les missions précédentes, comme cinéaste, ils m'ont proposé de les accompagner. C'est bien eux qui, préalablement au film, ont décidé de monter la délégation pour ces raisons-là et sur impulsion de ce parlement des écrivains qui, en deux mots, est une instance créée en 1993 notamment et pour beaucoup suite à l'assassinat de Tahar Djaout, et avec comme objectif de développer un réseau de solidarité entre écrivains qui permettra aux autres écrivains persécutés dans leur pays de pouvoir trouver refuge dans des maisons d'écrivains. A la suite d'un appel pour la paix en Palestine, il y a eu 650 signataires d'écrivains du monde entier dont 8 qui se sont rendus là-bas.
Parmi lesquels Breytenbach connu pour être un écrivain de très haut niveau et traduit en plusieurs langues. Il a été, en outre, durant plusieurs années emprisonné lors de la période de la lutte contre l'Apartheid, en Afrique du Sud. Je citerai aussi Russel Banks qui est le président du Parlement à ce moment-là, Juan Goytisolo, un auteur espagnol très engagé et apprécié notamment dans le monde arabe, Vincenzo Consolo qui est Italien, Bei Dao, un Chinois qui vit en exil aux Etats-Unis et qui est un des leaders de ce qu'on appelle La poésie obscure, Christian Salmon, le Français et Wole Soyinka le Nigérien, prix Nobel comme Saramago. Ils nous contactent donc et proposent de les accompagner. Nous rencontrons Leila Chahid, l'ambassadrice de la Palestine en France et Elias Sanbar, un historien palestinien qui vit à Paris et est une grande référence dans la connaissance de l'histoire de la Palestine aussi bien dans le passé que dans le présent. Nous faisons le voyage ensemble avec uniquement comme plan, le programme.
Quel était ce programme?
Le programme consistait en des rencontres avec Darwich, avec les auteurs, créateurs et artistes palestiniens à Ramallah et à Gaza. Une 3e rencontre plus importante était prévue avec les intellectuels israéliens et palestiniens.
Une partie de ces derniers n'est pas venue, prétextant la déclaration de Saramago, comparant la situation des Palestiniens à Ramallah à Auschwitz. Nous avons rencontré de plus, une dizaine de militants anticolonialistes israéliens qui ne sont pas très représentatifs de la société israélienne, malheureusement. Nous avons débarqué à Tel-Aviv et nous avons été accueillis par le représentant du consulat de France à Jérusalem et qui, il faut le dire, a été vraiment pour beaucoup pour que cette délégation puisse se rendre sur place.
Il nous a accompagné avec le bus que vous voyez dans le film tout au long du voyage. Sans la présence du consul de France de Jérusalem, un diplomate engagé d'une très grande valeur, on n'aurait jamais pu passer tous les barrages. Le soir même, on était à Ramallah et on rencontre Darwich. Nous avons commencé une tournée infernale qui a duré 3 jours, sans s'arrêter une seconde. Il fallait être partout. Le film s'est fait dans ces conditions-là, trois jours dans les territoires palestiniens et normalement deux jours à Israël...
Comment s'est déroulé le tournage?
On s'est réparti, José et moi. On avait chacun une caméra. A chaque fois qu'on tournait, il y avait une caméra qui tournait dans le groupe des écrivains collée au plus près d'eux. La deuxième, plus en retrait parmi les Palestiniens. Pendant tout le voyage, on faisait pratiquement tout le temps des interviews avec les écrivains. On voulait leurs réactions à vif. Au montage, on s'est rendu compte que toute cette matière-là, n'était pas très forte. C'était un peu trop banal. Il n'y avait pas le recul de l'écriture. Tous ont écrit de textes qui ont été publiés dans des journaux nationaux à leur retour mais aussi dans un recueil commun qui s'appelle Un voyage en Palestine (s), en français, italien, portugais et anglais. Le recueil a été publié dans une maison d'édition ultra-marginale.
Malheureusement, il y a eu à leur retour un boycott systématique de la part des maisons d'édition pour ne pas faire caisse de résonance à leur récit. Ils ont été publiés dans les journaux mais le livre lui-même a été édité en à peine 2000 exemplaires. L'éditeur déjà n'avait pas les moyens. Pour revenir aux commentaires, ce sont des textes qui ont été écrits à leur retour et avec du recul.
Pour nous, c'était la matière, la colonne vertébrale du poème de Darwich. Et chacun dans sa langue, portait le texte comme pilier du film. Ce ne sont pas des commentaires d'ailleurs. Ce sont des textes que nous avons utilisés pour structurer le film et pour garder cette idée d'un espace de polyphonie des langues qui nous a beaucoup plu à Ramallah. On ne comprenait peut-être pas la langue, mais il y avait quelque chose qui passait, une émotion. On dirait que les mots ont des yeux qui donnent à voir.
Nous n'avons pas fait de commentaires. Le film s'est structuré comme un carnet de voyage. Vu l'obstruction des chaînes de télé, notamment en France où il y a un soutien fort à Israël, nous avons décidé, José, Djamel Sellani, le producteur et moi, de faire sortir le film en salle. Il est sorti en mars 2004 dans une salle parisienne au départ. A l'origine, il était programmé pour deux semaines, cela a duré en fait 4 mois. Au final, dans trois salles. Du jamais vu. On a arrêté la sortie du film en été. On aurait pu continuer... Après, le succès inattendu est venu notamment grâce aux affiches, relayées par le public. Avec des invités à chaque fois, cela donnait envie de venir voir le film et après, voir l'intervenant qui devait en parler. Nous avons été soutenus par ailleurs par les radios associatives, comme Radio Beur...
Quelle est la position de Samir Abdallah?
Je suis très hostile à ce discours qui dit: «nous sommes victimes et les héritiers de gens qui ont été bafoués, humiliés et ont souffert...» Moi, j'affirme mon héritage, celui de gens qui ont lutté contre la colonisation, contre l'humiliation et les oppressions... Pour moi, la solidarité avec les Palestiniens est celle qui se traduit avec un peuple, non pas victime, mais qui résiste, se bat et affirme sa dignité. C'est dans cette optique-là que je me reconnais. C'est mon interprétation de la relation à la Palestine, peut-être pour des raisons personnelles mais qui a le mérite de vous tirer vers le haut au lieu de vous plonger dans un pessimisme général.
Acceptez-vous qu'on vous qualifie de cinéaste engagé?
Je trouve toujours un peu ennuyeux cette espèce de catégorisation qu'on fait des uns et des autres. Tous les cinéastes, quels qu'ils soient, tous les écrivains, vous les journalistes qui écrivez, vous êtes engagés. Cela n'existe pas la posture pseudo-fictive, neutre, «dégagée». Et même cette posture-là est en elle-même très politique. Bien évidemment, je suis une personne très impliquée dans le monde dans lequel je vis. De ce fait, je participe avec mon savoir-faire qui est de faire du cinéma à de tas de combats qui sont les miens et que je partage avec d'autres. De ce point de vue, c'est cela mon engagement. Moi, je suis dans la vie comme je suis au cinéma, une personne active, faisant partie d'un combat dans une réalité à laquelle je ne peux y échapper et que j'espère de tout mon souffle pouvoir, à mon modeste niveau, faire évoluer et transformer, d'où la présence systématique dans mes films, de cette espèce d'énergie que je veux transmettre. C'est pour cela que je me retrouve entièrement dans le poème de Mahmoud Derwich qui dit: «Nous sommes porteurs d'un mal incurable, la maladie de l'espoir». Malgré tout, c'est cela qui nous fait tenir. J'espère pouvoir transmettre cette énergie-là.
Des projets en perspective?
Je viens de terminer un documentaire avec mes enfants. Ils sont deux garçons, ils ont maintenant 19 et 17 ans. Ils sont de mère marocaine mais sont nés et ont grandi en France, de père égypto-danois. Je les accompagne dans leur quête de soi depuis leur enfance, dans ce voyage de «retour aux sources» au Danemark, Maroc et Egypte, une manière de connaître leurs origines, d'où ils viennent. Le film s'appelle Covadis (où allons-nous en latin). C'est le nom de la 1re exposition de mon père qui était un des pionniers de l'art arabe moderne. Je suis très content de ce film. Sinon, j'ai un projet d'une série de films documentaires et un autre de fiction. C'est un peu autobiographique mais dans le sens collectif. Cela permet de comprendre comment des enfants de l'émigration arabe en France ou en Europe, ont pu être éveillés à la conscience, notamment à travers la cause palestinienne.
Celle-ci m'a amené moi-même à agir sur le cours des choses dans le monde dans lequel je vis, notamment dans l'émigration en France. J'ai aussi commencé un documentaire sur les danseuses orientales qui se multiplient en Europe. Je sors à la fin de l'automne un documentaire sur les dernières heures, à l'hôpital, de Arafat.
C'est à la fois un hommage à Arafat et un compte-rendu de cette dynamique qui a entouré sa mort. Je suis en train de mettre en place un projet. C'est à la fois une collection DVD et un festival itinérant. Cela s'appelle Films re Belles. L'idée est de réunir des films qui ont comme point commun, un regard sur le monde contemporain, porté sur une certaine expérience humaine. L'idée est de sortir cette collection tous les ans, adossée à un festival itinérant qui démarrera en automne prochain dans des villes du monde et qui tournerait après le reste de l'année, le plus possible. J'espère compter les Algériens et les Algériennes parmi les premiers à répondre présents, parce que c'est un projet génial.


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