Deux ans déjà depuis le début du processus transitoire au Congo démocratique, et les choses tardent à se décanter Un retard préjudiciable a été pris par la RD Congo dans l'organisation des élections générales, rendez-vous électoral qui devait parachever le processus transitoire engagé le 30 juin 2003 lequel aurait dû connaître son terme deux ans après. Or, si effectivement des améliorations ont été apportées dans la gestion des affaires publiques, l'efficacité reste absente, compromettant tout le processus de transition actuellement en cours, d'autant plus que la persistance de la guerre dans les provinces du Kivu (fief depuis l'indépendance de toutes les insurrections ayant déstabilisé le Congo-Kinshasa) et d'Ituri menace le processus mis en branle par la communauté internationale sous l'égide de l'ONU. Certes, la relative sécurité qui règne sur le reste du pays, a permis aux autorités de Kinshasa de reprendre en main de nombreux secteurs jusqu'alors demeurés en déshérence et de procéder au désenclavement de régions alors soumises aux rebelles, par la remise en état de routes, l'ouverture de services publics. Mais cela restait insuffisant, tant du fait des lenteurs dans la mise en application des accords de transition que par les difficultés, objectives, qui apparaissaient au fur et à mesure que l'Etat reprenait ses prérogatives, dans un pays jusqu'alors livré à une totale anarchie. En effet, en deux ans, l'administration a réussi à réunifier la RDC, le plus vaste territoire du continent africain après le Soudan, tant aux plans monétaire et administratif que militaire, avec l'installation en septembre 2003 d'un nouvel état-major général des armées et la nomination en mai 2004 des gouverneurs des onze provinces du pays. Cet effort de reprise en main du pays, qui peut être estimé gigantesque, n'a pas eu cependant les effets escomptés sur le processus transitoire et singulièrement sur l'organisation des élections générales qui connaissent un grand retard. Ces retards sont dus d'une part à la lenteur de l'Exécutif, qui n'a promulgué qu'en juin 2004 la loi instituant la Commission électorale indépendante (CEI), d'autre part au fait que les législateurs n'ont adopté la future Constitution que le 13 mai dernier, provoquant un décalage dans le processus électoral. La CEI s'est vue donc contrainte de demander la prolongation de la transition, dont le terme initial (30 juin 2005) a été repoussé de six mois par le Parlement et le sera sans doute à nouveau jusqu'en juin 2006, comme l'autorise l'Accord global de gouvernement signé par l'ensemble de la classe politique congolaise en décembre 2002. En effet, beaucoup estiment, en RD du Congo, que les élections n'ont aucune chance de se dérouler en automne prochain, même si le recensement des électeurs a débuté le 20 juin dernier. Outre les difficultés propres au processus électoral, des opposants congolais remettent en cause la gestion de la transition en mettant en exergue la corruption et le «manque de volonté» des dirigeants. Ce qui n'est pas l'avis du président Joseph Kabila qui se félicitait lui du «chemin parcouru». Ainsi, tout en appelant à «une nouvelle impulsion du processus» en cours, le président de la RDC, a rappelé dans un discours à la nation, prononcé le 16 mai, «le chemin parcouru alors que le pays était, au début de la transition, au bord de l'éclatement, occupé par des troupes étrangères». Mais ce satisfecit cache mal tout ce qui reste encore à faire, quand la RDC manque de tout, les routes restant impraticables, des villes et villages enclavés alors que les hôpitaux et les écoles demandent encore à être remis en état pour pouvoir fonctionner. Ce paradoxe fait dire à l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Kinshasa, Andy Sparkes qui, évoquant les immenses potentialités de la RDC (richesses minières, forestières, hydro-électriques), résumait sèchement à la mi-juin: «Ce pays ne peut pas se développer (...) lorsque quelques individus qui sont au pouvoir ne pensent qu'à s'enrichir pendant que d'autres crèvent de faim». En effet, selon les statistiques de l'ONU et de la Banque mondiale, 75% des Congolais continuent de vivre sous le seuil de pauvreté, disposent de moins d'un dollar par jour et n'ont pas accès à l'eau potable. Le taux de mortalité infantile, selon les mêmes sources, de 128 pour 1 000 naissances, est l'un des plus élevés du monde. Si l'opposition, qui s'impatiente, remet en cause la manière avec laquelle la transition est menée, la communauté internationale, -qui finance à hauteur de 58% le budget de l'Etat-, ne voit pas d'autre «alternative» à cette transition, qui reste, selon elle, le seul moyen en mesure de sortir la RDC de sa «crise de légitimité». Mais la remise en ordre du pays est aussi mise en péril par le talon d'Achille de la RDC qu'a été, de tout temps, la restructuration de l'armée, minée, outre par les appartenances ethniques différentes -qui font que beaucoup de soldats refusent de rejoindre des unités nationales préférant leurs régions natales-, par l'indigence qui est celle des soldats de l'armée chichement payés et souvent affamés, ce qui les conduit à commettre des actes de vandalismes et de terroriser la population. Du fait de sa composante ethnique très diversifiée, l'armée congolaise a toujours posé problème ne parvenant pas à se constituer en véritable armée nationale mettant, dès lors, en stand-by l'unité et la stabilité du pays. Reste aussi l'autre péril, celui les provinces des Kivu (Kivu-Nord et Kivu-Sud) et le district d'Ituri, près de la frontière avec le Rwanda, véritables poudrières, toujours en activité, et menaçant le fragile consensus d'un pays à la recherche de la paix et de la stabilité.