Nul doute que l'ancien chef de l'Etat Liamine Zeroual aura, en effet, brillé hier par son absence à la cérémonie solennelle d'investiture du président Bouteflika, et nombre d'observateurs se sont interrogés sur cette dérobade qui s'assimilerait à une indélicatesse pour le moins incompréhensible. Cette entaille portée aux règles élémentaires de la bienséance s'expliquerait-elle par l'existence d'un conflit d'ordre quasiment personnel ? Aucun élément vraiment sérieux ne vient confirmer cette hypothèse. Dans un communiqué, l'ancien général avait justifié son refus de se présenter à la présidentielle par sa décision irrévocable de se retirer définitivement de la scène politique, et le texte ne portait pas la moindre animosité contre quiconque. “Lorsque j'ai quitté le pouvoir en 1998, c'était pour permettre une alternance au pouvoir”, expliquait-il dans le document. Une phrase qui s'apparentait à une réponse à ceux qui l'accusaient d'avoir “fui ses responsabilités”, et qui résumait sa position de principe. En outre, un meeting de Bouteflika durant la récente campagne électorale a été rehaussé par la présence très remarquée du fils de Zeroual, présence qui, si l'on s'en tient aux règles d'usage en la matière, équivaut à un soutien en bonne et due forme ; et l'on doute fort qu'il se passerait comme une mésentente aussi tranchée à ce sujet entre Zeroual père et fils. L'éclipse totale de Liamine Zeroual de la scène politique et médiatique algérienne est une réalité, et devrait donc suffire à répondre aux interrogations que l'on est en droit de se poser. Mais pour cela, il faudrait qu'une invitation de seulement assister à une investiture du premier magistrat du pays puisse être considérée comme un geste susceptible d'entraîner machinalement des prolongements ou obligatoirement des enchaînements politiques majeurs. Or, il est de tradition que les anciens présidents soient simplement les premiers conviés à ce genre de cérémonie, très vraisemblablement par respect. Les anciens présidents Ahmed Ben Bella et Chadli Bendjedid étaient d'ailleurs bien présents hier, quoiqu'ils ne fussent pas toujours magnifiés par Bouteflika. Ainsi, au lieu d'opérer son come-back politique à la faveur de l'élection présidentielle d'avril 2009 en se portant candidat comme le laissa entendre une persistante rumeur, l'ancien chef de l'Etat a plutôt fini par s'enfoncer encore plus dans l'anonymat en fuyant même les honneurs officiels d'une manifestation de très haute facture historique comme celle d'hier. Image d'un homme peut-être déçu par son propre destin politique au point de ne plus se montrer sous les lumières des projecteurs et à la noble place qui était la sienne hier aux côtés de Ben Bella et Chadli ? Rien ne le dit expressément, sauf que l'on pourrait y avoir recours comme une explication qui s'impose, quand toutes les autres ne tiennent pas la route. Y compris celle ayant trait à des raisons de santé, car alors le fils Zeroual aurait très bien pu le remplacer dans ce cas.