La coalition aurait négocié avec Daesh l'exfiltration de près de 250 de ses combattants et de 3500 membres de leurs familles de la ville de Raqqa, en Syrie. Les terroristes de Daesh sont de retour. Ces derniers, qui ont choisi le Sahel comme zone de repli, menacent la sécurité de l'ensemble des pays de la région. Alger ne cesse d'attirer l'attention sur ce danger, appelant à renforcer la coopération régionale. Pas plus tard qu'en fin de semaine, Abdelkader Messahel, le ministre des Affaires étrangères, l'a encore rappelé. Lors d'une réunion au Caire avec ses homologues égyptien et tunisien sur la crise libyenne, le chef de la diplomatie algérienne a averti: «L'Afrique du Nord est menacée par le retour de combattants étrangers». Après les défaites de Daesh en Irak et en Syrie, «les informations indiquent que le retour se fera dans notre région», a insisté le ministre. L'inquiétude de l'Algérie est justifiée surtout si l'on indique que la coalition aurait négocié avec Daesh l'exfiltration de près de 250 de ses combattants et de 3 500 membres de leurs familles de la ville de Raqqa, en Syrie. L'information rapportée par la chaîne britannique BBC fait état d'un accord tacite qui aurait été passé entre les Forces démocratiques syriennes (FDS) et Daesh. D'après le même média, alors que la ville de Raqqa était sur le point de tomber sous le contrôle des FDS, plusieurs terroristes de Daesh, notamment étrangers, ont été évacués de la capitale autoproclamée de Daesh sous les yeux des soldats de la coalition. Le convoi aurait été composé d'une cinquantaine de camions, une dizaine de bus et une centaine de véhicules. Des armes et des munitions auraient également été transportées. La chaîne d'information se fonde dans son enquête sur les témoignages de plusieurs conducteurs de camions qui ont reconnu avoir transporté les terroristes. La révélation de la BBC est alarmante car l'Algérie, qui doit déjà garder un «oeil» sur ses 80 terroristes de retour du fief de Daesh, devra faire face au retour de près d'un millier de terroristes originaires des deux pays voisins. Mais pas seulement. A en croire les affirmations données par de nombreux spécialistes des questions sécuritaires, les combattants de Daesh qui restent très engagés dans un terrorisme violent ne vont pas choisir de retourner dans leurs pays respectifs mais plutôt se regrouper dans les zones de conflits où des groupes terroristes déjà existants ont fait allégeance à El Baghdadi. Autrement dit, Daesh change de stratégie en redéployant son action en Afrique. Les combattants de Daesh vont donc choisir l'Afrique comme nouvelle cible pour leurs activités et plus précisément la région sahélo-saharienne afin de se recomposer. Au nombre de 5600 combattants et originaires de 33 pays différents, les combattants de Daesh de retour de Syrie et d'Irak vont, dans leur majorité, choisir de renforcer la secte de Boko Haram, qui sévit dans la région du lac Tchad (Nigeria, Tchad, Cameroun et Niger) et qui a prêté allégeance à l'EI en mars 2015, les groupes terroristes de Misrata en Libye, ceux qui activent dans plusieurs repaires montagneux reculés du centre-ouest de la Tunisie (monts Chaambi, Semmama, Selloum ou Mghila) ou encore dans le Sud algérien et le Sahel, où ils pourraient faire la jonction avec les sections locales de l'EI. Les terroristes de l'organisation d'El Baghdadi vont sûrement repasser à la clandestinité, comme en Irak après 2007, le temps de reconstruire leurs réseaux et dans l'espoir de lancer une nouvelle insurrection. Une partie d'entre eux pourrait choisir de rejoindre Al Qaîda, qui devrait tenter de capitaliser sur les difficultés rencontrées par l'EI. Quelles que soient ses intentions, Daesh va menacer la sécurité de toute la région et ne va pas manquer surtout de souffler sur les braises de la guerre civile libyenne, cherchant à maintenir le chaos dans ce pays. C'est la raison pour laquelle Abdelkader Messahel insiste sur le règlement de la crise libyenne et le renforcement de la coopération régionale et internationale afin de se préparer au retour éventuel des combattants de Daesh. Alger qui ne participe pas à la force militaire conjointe de cinq pays du Sahel, le G5 (qui regroupe le Mali, le Tchad, le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie), maintient cependant un haut niveau de vigilance à l'intérieur de son territoire et sur toutes les frontières tout en réitérant sa disponibilité à renforcer sa coopération frontalière et policière avec l'ensemble des pays de la région. En fait, la doctrine d'Alger, qui donne la priorité à l'action diplomatique pour une solution politique de la crise globale du Sahel, lui interdit l'ingérence directe (présence militaire), en dehors de ses propres frontières. Malgré son absence donc dans le G5, l'Algérie continue de jouer un rôle essentiel dans les dynamiques politique et sécuritaire de l'ensemble de la région. Le pays s'impose comme acteur clé sur la scène régionale.