«Tout le monde était au courant de nos prévisions», dira d'une façon brève et concise M.Ali Tounsi Les émeutes qui ont éclaté dans la région de Kabylie en avril 2001 étaient prévisibles deux années avant, soit depuis 1999, par les services des renseignements généraux relevant de la Sûreté nationale. C'est ce qu'a déclaré hier M.Ali Tounsi. Il ajoutera, en outre, que les prévisions auxquelles ont abouti les éléments de la Dgsn, en guise de symptômes ou bien de signes avant-coureurs d'une crise inévitable en Kabylie, étaient transmis à qui de droit. «Tout le monde était au courant de nos prévisions», dira-t-il d'une façon brève et concise. Comment la Dgsn, en tant que département, a-t-elle pu prévenir, deux années auparavant, le mouvement de troubles qui a ensanglanté la région de Kabylie? A cette question, M.Ali Tounsi répondra qu'il s'agit d'un travail d'analyse de la situation, opéré sur le terrain par les éléments des renseignements généraux. «En tenant compte de notre analyse, dira-t-il, et d'après les préparatifs qui avaient lieu alors en Kabylie, on avait des raisons de croire que la situation était réellement tendue.» Et d'ajouter: «On n'attendait que l'étincelle». Cette étincelle est survenue, rappelle-t-on, en date du 18 avril 2001, lorsque le jeune Guermah Massinissa fut criblé de balles à l'intérieur de la brigade de la gendarmerie implantée dans la localité de Beni Douala. Ainsi, l'assassinat du jeune Massinissa, âgé de 19 ans, a été le coup de starter à une crise qui s'est traduite partout en Kabylie par des affrontements meurtriers entre la population et les forces de l'ordre. Lesquels affrontements ont causé la mort de 123 manifestants auxquels il faudrait ajouter plusieurs dizaines de blessés. La crise de Kabylie est certes aujourd'hui quasiment résolue suite à un processus de dialogue entamé entre le gouvernement et le mouvement des archs. Mais elle est loin, semble-t-il, de révéler tous ses secrets. Intervenant au lendemain d'une décision du gouvernement d'entamer le processus de la dissolution des APC et APW de Tizi-Ouzou et Béjaïa, la révélation de M.Ali Tounsi est de nature à relancer le débat sur la gestion des crises, voire sur leur prévention. En effet, les propos du Dgsn amènent à penser, qu'alertée, l'autorité politique n'a pas jugé utile de lancer des initiatives concrètes sur le terrain pour éviter un pourrissement de la situation de la Kabylie qui, en plus du «gouffre» politique où elle a plongé pendant plusieurs années, a connu un phénomène de désinvestissement, économiquement préjudiciable pour toute la région. Aujourd'hui, il y a lieu de relever que le gouvernement est en passe de consacrer un programme spécial dans le cadre du plan quinquennal de relance économique, initié par le président Bouteflika. Aussi et à la lumière des déclarations du Dgsn, l'on comprend que l'Etat a réagi, tant au plan politique que socio-économique ave emps de retard. Il s'agit de savoir présentement si les mesures prises dernièrement pour normaliser la situation en Kabylie sont assez bonnes pour éviter à la région d'autres épreuves douloureuses. En tout état de cause, pour la question de la crise de Kabylie, il est clair que les instances habilitées à agir à temps pour épargner à la Kabylie un cycle d'émeutes qui a coûté la vie à plus d'une centaine de jeunes, étaient toutes alertées par les prévisions de la Dgsn. Mieux encore, le patron de cette institution n'exclut personne parmi ceux qu'il fallait avertir, notamment la sphère du pouvoir et ses relais siégeant en plusieurs institutions de l'Etat.