Après que les pistes marocaine et syrienne eurent tourné court, on évoquait hier un possible lien entre le chef d'Al Qaîda en Irak et l'attaque contre Londres. A défaut d'une autoroute, les services de sécurité britanniques empruntent des chemins de traverse sans doute plus ardus, pour tenter de voir clair dans les attentats de jeudi et trouver un premier fil conducteur vers les auteurs, et/ou commanditaires du forfait. La piste de l'intégriste marocain Mohamed Al-Guerbouzi, désigné à la vindicte générale, semble avoir fait long feu et nombreux sont aujourd'hui les experts qui s'accordent à dire que c'était là un coup monté des services marocains qui tenaient à l'arrestation du chef de la cellule djihadiste marocaine du Groupe islamique combattant marocain (Gicm). La piste du Syrien Moustapha Setmariam Nasar (dit Abou Moussab Al-Souri, considéré par la justice espagnole comme le fondateur de la première cellule d'Al Qaîda en Espagne), s'est aussi dégonflée s'avérant un faux indice. Ainsi, les Espagnols n'ont pas caché leur scepticisme, le secrétaire d'Etat espagnol à la Sécurité, Antonio Camacho, déclarant même que «l'implication» du Syrien, naturalisé espagnol, évoquée dimanche par la presse britannique, «n'était pas le moins du monde avérée». M.Camacho a indiqué à cet effet: «A l'heure actuelle, c'est un fait qui n'est pas du tout corroboré», avant d'ajouter: «Les autorités britanniques ne nous ont pas fait part de cela». Il semble que la police britannique doive voir ailleurs plutôt que de suivre la piste «traditionnelle» des islamistes compilés et archivés par les services de sécurité européens. Le cul-de-sac où ont mené les pistes Al-Guerbouzi et Setmariam devra sans doute inciter à plus de prudence d'autant plus que l'enquête, qui ne fait que commencer, n'a pas encore exploré tous les aspects liés à ce crime délibéré. De fait, une nouvelle piste est explorée, celle du possible lien du chef d'Al Qaîda en Irak, Abou Moussab Al-Zarqaoui, avec les attentats de Londres de jeudi. En fait, l'attention des enquêteurs britanniques a été retenue par la nature des explosifs employés dans les attaques du métro, laquelle laisse perplexe les experts en explosifs, qui cherchent à en déterminer l'origine. Ainsi, un officier de Scotland Yard, Brian Paddick, s'interrogeait dimanche sur la nature des explosifs utilisés, indiquant: «Explosif militaire, explosif industriel, plastic? Nous ne voulons pas l'affirmer pour le moment». Aussi, pour la police, déterminer si ces explosifs proviennent d'Irak - ils pourraient avoir été fournis par Abou Moussab Al-Zarqaoui - et auraient été utilisés lors des attentats meurtriers de Londres est important, indiquait hier le Time. De fait, c'est le texte d'un responsable américain, publié dimanche sur le site Internet du magazine qui a éveillé l'attention sur Zarqaoui, et dans lequel il était estimé qu'«Al-Zarqaoui est un fournisseur potentiel du fait qu'il contrôle des quantités illimitées d'explosifs et d'armes en Irak» indiquant toutefois que «toute la question est de faire sortir (les explosifs) d'Irak et de les remettre aux bonnes personnes». Tout compte fait, rien de précis jusqu'ici et, en l'absence de faits probants, l'hypothèse Zarqaoui reste une possibilité parmi d'autres, ni à rejeter ni à amplifier outre mesure, du moins en l'état actuel de l'enquête et de ce que les enquêteurs veulent bien dire ou laisser entendre. Ce sont les déclarations du secrétaire américain à la Sécurité intérieure, Michael Chertoff, lequel a indiqué que les autorités américaines étaient «inquiètes» d'une éventuelle implication de Zarqaoui dans les attentats de Londres, qui ont ouvert le débat sur une telle supposition. M.Chertoff a toutefois relativisé sa déclaration indiquant: «Je souhaite réserver mon jugement. Nous n'avons pas d'indications précises (sur une implication de Zarqaoui). C'est évidemment quelque chose que nous voulons vérifier. Cela nous inquiète». Par ailleurs, les trois suspects arrêtés dans la soirée de dimanche ont été vite relâchés après vérification. Ainsi, les trois personnes arrêtées, dimanche, à l'aéroport londonien d'Heathrow dans le cadre de la loi antiterroriste, ont été relâchées sans charge en fin de soirée, selon des sources proches de la police. «Ce genre d'arrestations arrive toutes les semaines», avait indiqué, après les arrestations, Brian Paddick, officier de Scotland Yard qui souligne: «Il serait inapproprié et ce serait de la pure spéculation d'établir un lien direct avec les attentats». Les choses en étaient là hier, l'enquête piétine quelque peu. Il semble, selon des sources américaines, qu'un Pakistanais aurait été arrêté vendredi à l'aéroport Stansted, dans la banlieue de Londres, en possession d'une carte du métro de Londres avec, entourés, les noms des trois stations où les trains ont été soufflés par des bombes. Mais hier, aucune confirmation n'a été donnée par les autorités sécuritaires britanniques. En revanche, ces mêmes autorités ont déploré hier des actes racistes et xénophobes, Ainsi, Scotland Yard a révélé que plusieurs «actes motivés par de la haine raciale ou religieuse» avaient été enregistrés depuis les explosions de jeudi. «Nous prenons ces faits très, très au sérieux», a déclaré Brian Paddick, indiquant qu'une personne a été «sérieusement blessée». Cette montée de la haine raciale a fait réagir hier les chefs des communautés chrétienne, juive et musulmane de Londres appelant ensemble les Britanniques à rester unis, quelle que soit leur confession, face au terrorisme.