La détérioration de la situation dans la bande de Ghaza fait craindre la rupture de la trêve et même un report du retrait israélien. Vendredi, l'armée israélienne a lancé une vaste offensive héliportée contre les mouvements palestiniens Hamas et Jihad islamique, faisant plus de onze morts, au moment où de sérieux affrontements opposaient la police palestinienne à des militants islamistes. Ainsi, en quelques jours, un complet retournement de situation s'est opéré, mettant en péril la fragile trêve qu'observent les groupes islamistes du Jihad et de Hamas. Face à cette nouvelle donne sécuritaire, les Etats-Unis appellent à raison garder, envoyant la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, en pompier dans la région pour calmer les esprits et sauvegarder le retrait qu'Israël doit opérer à la mi-août dans la bande de Ghaza par le désengagement de son armée et le rapatriement de ses 8000 colons. Tout semble être parti de l'attentat, mardi dernier, à Netanya, dans la banlieue nord de Tel-Aviv, lequel a fait cinq victimes israéliennes. Toutefois, deux jours plus tôt, le dimanche, le cabinet Sharon avait pris la décision, lourdes de conséquences, de reprendre la construction du mur par l'approbation d'un nouveau tracé qui coupe El-Qods (Jérusalem-Est) en deux parties, excluant de fait plus de 55.000 Palestiniens. Cette décision peut avoir été perçue comme une provocation qui incita les groupes palestiniens, les plus extrémistes, à agir. Il n'en reste pas moins que ces deux faits -la reprise de la construction du mur et l'attentat de Netanya-, même si au final il n'apparaît pas de liens entre eux, ont sérieusement perturbé la donne proche-orientale, fragilisant la trêve et remettant en cause le processus de paix du fait de l'agissement unilatéral et condamnable d'Israël qui, dans l'affaire du mur, préfigure de ce que sera le statut final de la Ville Sainte, allant à l'encontre de tous les plans de paix mis sur pied jusqu'ici, prévoyant que le statut de Jérusalem-Est, notamment, sera négocié. Le deuxième point préoccupant reste l'affrontement violent qui eut lieu vendredi entre des militants islamistes de Hamas et la police de l'Autorité palestinienne. Ces heurts inter-palestiniens ont occasionné la mort de deux personnes et des blessures pour une vingtaine d'autres dont neuf policiers, alors que les raids israéliens ont coûté la vie à douze Palestiniens, dont un jeune homme mort hier des suites de ses blessures. Par ailleurs, l'armée israélienne a massé hier des blindés au nord de la bande de Ghaza menaçant de frapper beaucoup plus fort si les tirs de roquettes ne cessaient pas. Toutefois, sous la pression de Washington, qui reste soucieux de préserver des chances au retrait, le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, tempère quelque peu en décidant de ne pas lancer d'opérations terrestres d'envergure dans l'immédiat. Tel-Aviv et Washington semblent attendre beaucoup d'une Autorité palestinienne qui n'a qu'un pouvoir théorique, neutralisé en sus par une armée israélienne omniprésente et ayant la haute main sur les affaires des territoires palestiniens. De fait, pour un oui ou un non, l'armée israélienne est prompte à réoccuper les villes palestiniennes sur lesquelles l'Autorité palestinienne du président Abbas n'a en réalité aucune emprise. Il est à la limite de l'absurde d'attendre des responsables palestiniens qu'ils agissent contre le «terrorisme» quand eux-mêmes sont l'objet d'assassinat ciblés de la part de snipers de l'armée et du Mossad israéliens. De fait, Sharon n'a pas bougé le petit doigt pour renforcer, un tant soit peu, l'autorité du président Abbas, par une «autorisation» de mettre sur pied de véritables forces de sécurité capables de maintenir l'ordre et en rapport avec la situation dans les territoires. C'est quelque peu spécieux d'exiger d'une Autorité palestinienne aux pouvoirs limités, et surtout désarmée, de mettre un terme à un «terrorisme» -en admettant qu'il s'agisse bien de « terrorisme »- qu'Israël, malgré toute son armada, est restée impuissante à neutraliser. C'est dans ce contexte quelque peu bouleversé que Mme Rice va entreprendre son troisième voyage dans la région qui, selon le département d'Etat américain, «entre dans le cadre de nos efforts pour encourager la coopération entre les (deux) parties dans le contexte du désengagement (israélien) de Ghaza et de certains endroits de Cisjordanie». «Toutes les parties doivent faire le maximum d'efforts. Il faut que cet effort soit fait maintenant», a souligné d'autre part le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack.