Frappée par une série d'attentats, l'Egypte tente de retrouver un semblant de normalité avec le lancement de la campagne présidentielle. C'est en plein désarroi de la population, traumatisée par les sanglants attentats de Charm El-Cheikh, que la commission électorale indépendante égyptienne annonça dimanche les dates des enregistrements des candidatures à la présidentielle du 7 septembre prochain. La première en Egypte qui aura lieu au suffrage universel et à participation multiple. Ces deux événements sont aussi cruciaux l'un que l'autre, car le premier a frappé le pays des Pharaons en plein coeur et l'autre décidera de son devenir immédiat. Ces deux faits, qui se télescopent quelque peu, interviennent en une période charnière pour l'Egypte, incapable d'opter pour de véritables réformes propices à rallier au pouvoir les forces vives de la nation, ni de prendre les mesures appropriées qu'appelaient les précédents attentats qui ont meurtri le pays. Le pouvoir du président Moubarak observe un étrange attentisme au moment où il était attendu de lui des actes. Ainsi, les amendements apportés à la loi fondamentale égyptienne, très restrictifs, considérés comme un pis-aller, n'apportent aucune ouverture crédible à même de donner à la société civile et à la classe politique égyptiennes d'investir le champ politique, chasse gardée d'une oligarchie au pouvoir, à l'ombre du président Moubarak, depuis 24 ans. De fait, c'est sous les fortes pressions américaines que les autorités politiques du Caire ont fini par apporter des retouches -minimes et sans objet selon l'opposition- à la Constitution, amendements nécessaires, sans doute, mais qui ont laissé, en vérité, les choses en l'état. D'ailleurs, la tendance actuelle au boycott risque de se confirmer et de se conforter dans les prochains jours lors de la clôture des enregistrements des candidatures, fixés du 29 juillet au 4 août prochain. Il était attendu de fait, que le raïs, Mohamed Hosni Moubarak, 77 ans, brigue un cinquième mandat même si, jusqu'ici, il ne s'est pas prononcé sur son éventuelle candidature pour une nouvelle présidence. De fait, dans cette éventualité ou, plus probablement, celle de son fils Gamal Moubarak 43 ans, -le président Moubarak a estimé récemment que l'amendement de la Constitution donnait droit à son fils d'être candidat à la présidentielle- le candidat du pouvoir risque de se trouver bien seul. Ce qui n'est pas fait pour améliorer une démocratie de façade qui laisse des larges couches de la population égyptienne en marge des espaces politiques du pays. En fait, dès l'annonce de la date de la présidentielle (7 septembre 2005) un grand nombre de partis et de particuliers -dont les frères musulmans, la principale force d'opposition, mais non reconnue, le parti de gauche Tagammou, le parti nassérien, l'association Kefaya (Barakat) qui milite pour le changement et la démocratie, plusieurs figures de proue de la société civile, tels l'écrivaine et sociologue Nawal Saadaoui, le cinéaste Youssef Chahine, le militant des droits de l'Homme Saad Eddine Ibrahim- ont d'ores et déjà annoncé qu'ils boycotteraient le scrutin. Deux candidats seulement, l'opposant et président du parti Al Ghad, Ayman Nour, et le député Talaat Sadate, neveu du président assassiné Anouar Sadate, se sont mis sur les rangs. Ce qui laisse le champ libre au pouvoir en place pour continuer à régner sans partage sur l'Egypte, donnant à la future présidentielle «pluraliste» égyptienne les couleurs d'un simulacre. C'est dans ce contexte politique démobilisateur qu'intervient le second événement qui a installé l'Egypte dans la psychose. De fait, six jours après la sanglante série d'attentats à Charm El-Cheikh, l'enquête de la police égyptienne piétine, alors que la piste pakistanaise a été abandonnée aussi vite qu'elle est apparue. Sans doute excédé par les accusations contre les Pakistanais, qui ont afflué autant de Londres que du Caire, le président du Pakistan, Pervez Musharraf, est monté hier au créneau réfutant ces accusations affirmant devant la presse qu'il est «absolument et totalement sans fondement» de faire croire que le réseau Al Qaîda ait basé son centre de commandement au Pakistan. Après avoir expliqué que les structures de communication de l'organisation islamiste d'Oussama Ben Laden ont été anéanties par les forces de sécurité pakistanaises, le chef de l'Etat pakistanais de s'interroger. «Donc, eu égard à cette situation, est-il possible qu'un homme d'Al-Qaîda se trouvant ici contrôle des événements à Londres ou Charm El-Cheikh ou dans d'autres parties du monde? Cela est complètement faux» ajoute-t-il. Aussi, la piste pakistanaise aura fait long feu et les services de sécurité égyptiens se retrouvent à la case de départ, donnant plutôt l'impression de tâtonner et de ne pas disposer d'éléments fiables à même de les mettre sur la piste d'un terrorisme qui a décidé de frapper l'Egypte dans ce qu'elle a de plus précieux: le tourisme qui reste d'un apport primordial à la balance commerciale égyptienne grâce aux entrées en devises fortes. De fait, Le Caire n'a pas pris en considération les avertissements qu'ont été en fait les attentats de Louxor et de Taba, ce dernier remontant à moins d'un an, tout occupé qu'il était à museler l'expression populaire.