Une mosaïque de conflits Les ministres de Ouyahia, sérieusement secoués par la gravité de la situation, ont décidé de montrer leurs «griffes» et d'afficher leur fermeté. Grève des résidents, grogne des souscripteurs de logement, mécontentement des usagers des transports et agitation au sein de la famille de l'éducation et de l'enseignement supérieur...La scène sociale en Algérie est belle et bien en ébullition. Et cette effervescence donne des sueurs froides aux membres de l'Exécutif de Ouyahia qui sont à la tête de ces secteurs. Ces derniers, sérieusement secoués par la gravité de la situation, accourent au front, haussent le ton et prennent des mesures fermes. Le ministre de la Santé, la ministre de l'Education et celui de l'Enseignement supérieur, le ministre des Transports et celui de l'Habitat font face à des troubles dans leurs secteurs respectifs. Une agitation qui aurait dû être réglée par le dialogue, mais qui pour certains cas, n'a que trop duré laissant croire que la gestion des conflits dépasse ces responsables. Pour rattraper le coup et éviter que les choses ne dégénèrent encore plus, les ministres de Ouyahia ont décidé de montrer leurs «griffes» et d'afficher leur fermeté. Le premier à le faire est bien Mokhtar Hazbellaoui. Ce professeur en médecine et pas moins ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, d'habitude calme, vit au rythme des pics de tension et des coups de gueule depuis que son secteur est secoué par l'imposante grève des médecins résidents. Ignorant pendant presque deux mois la grogne des médecins résidents, le ministre a fini par hausser le ton non pas contre les grévistes, mais ses directeurs de la santé de wilayas à qui il a reproché la non-prise en charge des revendications des médecins résidents! «Les directeurs de santé des wilayas doivent alerter le ministère au bon moment dès qu'une revendication leur soit soumise (...) Le secteur de la santé ne doit pas être livré à une gestion irresponsable», a martelé le ministre, premier responsable du secteur et des gestionnaires locaux. En fait, Mokhtar Hazbellaoui semble avoir échoué dans son dialogue non pas par manque de bonne volonté, mais le ministre qui s'est engagé publiquement à «trouver des solutions aux revendications soulevées par les médecins résidents dans le cadre d'un dialogue responsable et constructif», n'a en finalité, et après plus de deux heures de rencontre à huis clos avec les représentants des médecins résidents, pas réussi à désamorcer la crise sous prétexte que certaines revendications «n'étaient pas des prérogatives du ministère de la Santé». Etant le premier interlocuteur dans ce dialogue, n'est-ce pas son rôle que de poser les problèmes soulevés à qui de droit et d'y apporter des réponses? Plus ferme, Tahar Hadjar a annoncé la couleur avant même l'entame d'un débrayage dans son secteur. Réunissant les organisations estudiantines, Tahar Hadjar a averti contre toute tentative d'entraver le fonctionnement normal des campus universitaires. Il a menacé de poursuivre en justice toute personne qui tentera d'interdire l'accès à l'université. Cette détermination de sévir en cas de blocage a également été affichée par Mme Nouria Benghabrit. La ministre de l'Education a brandi la menace non seulement de recourir aux vacataires et aux retraités en cas de perturbation de la scolarité des élèves, mais aussi de faire «introduire un texte de loi pour demander que la grève soit interdite au niveau de l'Education nationale». Chez Nouria Benghabrit, l'intention est bonne, il n'y a pas lieu d'en douter. Cependant, le procédé préconisé est erroné. Car a-t-on le droit de remettre en question la lutte de millions d'ouvriers et fonctionnaires, qui a consacré le droit à la grève? Chez Temmar, il n'est plus question de menaces, mais de sanctions. Le ministre, décidé à balayer d'un revers de la main tous ceux qui entravent la réussite du programme de l'habitat cautionné par le chef de l'Etat, a résilié des contrats de certaines entreprises et a envoyé des mises en demeure. Une décision qui vise bien évidemment à apaiser le mécontentement des souscripteurs dont l'attente n'a que trop duré. Chez Abdelghani Zaalane, la tension est également perceptible dans le secteur, mais à moindre degré puisque le ministre a réussi à trouver un dénouement au conflit annoncé avec les transporteurs en cédant à l'augmentation des prix des transports. Une augmentation, faut-il le rappeler, justifiée par la hausse décidée par la loi de finances 2018 des prix du carburant. Le ministre a réussi son dialogue et ne doit contrôler aujourd'hui que les augmentations anarchiques du prix des billets, constatées dans différentes wilayas. Cependant, les conséquences de ce dialogue réussi représente un cadeau «empoisonné» pour son chef de l'Exécutif. Car, c'est Ahmed Ouyahia qui reste au front pour faire face à la grogne du citoyen. Ce dernier voit sa maigre bourse se rétrécir, non pas uniquement avec la hausse du ticket du transport, mais en raison de la flambée sauvage et inexpliquée des prix de l'ensemble des produits et services. Face à cette flambée des prix, la perturbation de la scolarité des enfants, l'attente interminable d'un toit ou encore la paralysie des secteurs clés tels que la santé, la colère du citoyen risque vite de monter. Et en cette période très fragile et même si les conflits reflètent la bonne santé d'une société, il est fondamental de préserver la paix pour dépasser l'actuelle crise financière.