Pour «historique» que soit qualifiée la visite de Bouteflika au siège de l'OTAN, jeudi dernier, et les mouvements de satisfaction affichée de part et d'autre, il n'en demeure pas moins que cette adhésion soulève plusieurs questions, dont la principale reste : que peut apporter l'Algérie à l'OTAN? Cette option stratégique d'adhérer à l'OTAN prise par Bouteflika, après plusieurs années d'observation, d'évaluation et de concertation, peut avoir des retombées heureuses ou malheureuses sur le pays «entrant» dans le Traité de l'Atlantique Nord. Tout est relié à l'apport, le poids, l'intérêt et l'influence que permet tout nouvel affilié à ce «cercle très fermé», malgré ses apparences d'institution ouverte et... Lorsqu'en 1966, le général De Gaulle remet en cause le fonctionnement de l'OTAN, il le fait parce qu'il a vu que son pays, fondateur du Traité, ne jouissait pas de toutes ses prérogatives et n'avait pas les mêmes pouvoirs qu'un pays tel que les Etats-Unis, qui n'est pas seulement un pays membre, mais certainement un superallié des autres pays. Car même si le siège se trouve à Bruxelles, les décisions sont souvent prises à Washington, avec des orientations précises et ciblées. La question que certains cercles avisés avaient soulevée était d'ordre purement stratégique et se résumait à cela : après la chute de l'URSS et la déchéance du Pacte de Varsovie, en avril 1991, deux motifs qui exacerbaient l'OTAN et justifiaient ses machines de guerre militaires, quel intérêt y avait-il à garder encore le Traité? L'intégration de pays de l'ex-Pacte de Varsovie, tels que la Hongrie, la Pologne ou la Tchéquie, en 1999, avait justifié la création du Conseil de coopération nord-atlantique (Cocona) dans le but d'établir des liens de confiance avec les Etats de l'Europe de l'Est et ceux issus de l'ex-URSS. Mais le rôle de l'OTAN dans les déchirements internes de ces pays n'a pas été d'un quelconque apport. De son côté, le Pacte de Varsovie, qui s'articulait autour de l'URSS, avait été créé dans une très large mesure pour faire pièce à l'entrée de la RFA dans l'OTAN, et tous les postes des commandements suprêmes des forces du Pacte étaient assurés par des généraux soviétiques. Les soubassements, qui ont émaillé et soutenu les orientations de l'OTAN, doivent être connus afin d'en apprécier les retombées et les mécanismes qui persistent à ce jour. De 1991 à 2001, l'OTAN ne s'est impliqué que dans la crise bosniaque. Les autres conflits ont été gérés soit par les Etats-Unis, soit par l'ONU, soit par les deux à la fois, mais toujours sous l'égide de la bannière étoilée. C'est dans ce contexte précis que l'Algérie intègre l'OTAN, avec, dans l'esprit du Président Bouteflika, des visées précises. A savoir être au courant du fichier sécuritaire, des imbroglios politiques qui secouent la région euroméditerranéenne et avoir, à portée de main, une aide, une logistique politique et militaire de première instance. Pour l'OTAN, et notamment depuis les attentats ébouriffants du 11 septembre dernier, l'Algérie est devenue une région trop importante, presque imposante, pour être délaissée. De par sa position géostratégique, ses potentialités, le capital maîtrise des dossiers terroristes... l'Algérie est devenue un allié incontournable. Les grands ensembles militaro-politiques ne peuvent ignorer l'apport d'un pays pareil. Reste à savoir si l'Algérie va tirer son épingle du jeu. Car en matière de jeu, il y en aura à satiété. La présence d'Israël, avec ceux avec qui le dialogue est amorcé, à savoir l'Egypte, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie et la Jordanie, prête à diverses lectures dans un espace euroméditerranéen qui reste encore à définir en matière d'hégémonie militaire des uns sur les autres. Autre question plus lancinante : les relations du couple triangulaire ONU- OTAN-Etats-Unis ne sont pas sans être ambiguës. La prépondérance de l'un de ces trois partenaires se fait souvent au détriment des autres. A l'Algérie de savoir tirer ses intérêts propres au clair si elle ne veut pas être uniquement une zone de transit ou une source d'information. Pour le moment, et depuis les attentats du 11 septembre 2001, elle a des atouts à faire valoir sur la table des négociations. Mais l'on sait que, en politique militaire comme en politique du couple, il y a toujours des concessions à faire.