La mort du Serviteur des Deux Lieux saints, le roi Fahd Ibn Abdelaziz, ouvre une nouvelle donne pour l'Arabie Saoudite. Fahd Ibn Abdelaziz qui succéda au pouvoir en juillet 1982 à son demi-frère Khaled aura été dans la longue lignée royale saoudienne le plus «américain» des descendants de Mohammed Ibn Saoud. Paradoxalement, le roi Fahd est celui des souverains saoudiens qui aura le moins régné, miné qu'il était par les maladies bien avant son accession au pouvoir, mais qui eut le plus de prépondérance sur la marche du royaume. En fait, le règne du Serviteur des Deux Lieux saints, nom que le roi Fahd s'est donné dès son accession au trône wahhabite, a été jalonné par la maladie qui, plus ou moins, a rythmé sa royauté. Nonobstant cet état de fait, Fahd Ibn Abdelaziz est arrivé au pouvoir en pleine crise libanaise marquée, par l'invasion du Liban en juin 1982 par l'armée israélienne, d'une part, par l'occupation de l'Afghanistan par l'armée rouge soviétique, d'autre part, par la guerre fratricide entre l'Irak et l'Iran enfin. Cette triple conjoncture des événements à son avènement au pouvoir va grandement influer sur les positions politiques et diplomatiques du nouveau souverain saoudien. Ce dernier mettra tout le poids de l'Arabie Saoudite dans la balance en soutien au régime de Saddam Hussein, lequel bénéficia, en sus, de l'aide des Etats-Unis et l'Europe dans sa guerre contre l'Iran. Par ailleurs la question afghane va donner à Fahd d'y jouer un rôle important, notamment, par l'appel aux volontaires arabes, -pris financièrement en charge par Riyad-, acheminés en Afghanistan pour combattre aux côtés des moudjahidine afghans l'occupation soviétique. C'est sous l'impulsion du richissime homme d'affaires saoudien, agent de la CIA américaine, Oussama Ben Laden, et avec l'accord du roi Fahd, que des milliers de jeunes Arabes, dont des Algériens, transiteront par l'Arabie Saoudite en allant faire le coup de feu en Afghanistan, avant de revenir mettre leur propre pays à feu et à sang. Donc, dès son avènement au trône saoudien, Fahd Ibn Abdelaziz a été confronté à des choix stratégiques qu'il a fais sans état d'âme approfondissant des relations déjà fort étroites entre le royaume wahhabite et les Etats-Unis. De fait, ces relations seront confortées et prendront une nouvelle dimension après l'occupation du Koweït par l'armée irakienne. En réalité les intérêts saoudiens et américains se trouvaient menacés par une éventuelle annexion du Koweït par l'Irak, notamment au plan énergétique en devenant un concurrent sérieux contre le monopole qu'exerce l'Arabie Saoudite sur le pétrole dont dépendent les Etats-Unis. Aussi, prenant fait et cause pour le petit émirat koweïtien, le Serviteur des Deux Lieux saints franchira le Rubicon en autorisant une armée infidèle, l'armée américaine, d'ouvrir une base et de stationner, pour la première fois dans l'histoire, dans le royaume abritant les Lieux Saints de l'islam. Donc contrairement au défunt roi Fayçal qui joua en 1973 un rôle de catalyseur dans le choc pétrolier qu'a connu le monde -dans le sillage de la guerre d'octobre 1973 entre Israël et les pays arabes (Syrie et Egypte)- Fahd facilitera les desseins américains sur la région du monde arabe. Toutefois la maladie ne laisse pas au roi Fahd de réellement régner sur le pays et d'imprimer son style au royaume. Une embolie, qui faillit l'emporter en 1994, le laissera impotent. Le pouvoir échut ainsi de facto au prince héritier Abdallah Ibn Abdelaziz, demi-frère de Fahd. De fait, sans prendre ses distances avec les Etats-Unis, le prince héritier Abdallah a commencé à infléchir les relations de l'Arabie Saoudite avec Washington notamment vis-à-vis d'une politique américaine de plus en plus impopulaire dans les pays arabes. De fait, ces relations tomberont au creux de la vague au lendemain des attentats de septembre 2001 contre New York et Washington, dont pas moins de 15 des 19 auteurs incriminés étaient des Saoudiens. Ce fait ne manqua pas de refroidir davantage des relations alors au beau fixe. Dans ce contexte, des spécialistes américains du terrorisme islamiste n'ont pas hésité à pointer du doigt l'intégrisme wahhabite. En fait, la convergence d'intérêts entre Riyad et Washington qui a trouvé à s'exprimer du fait de la manne pétrolière saoudienne, stratégique pour les USA, a fait que les relations entre les deux pays dépassaient l'hérésie qu'étaient les rapports entre la première démocratie libérale dans le monde et les tenants d'une autocratie absolue. Le fait que les Etats-Unis dépendent, dans une large part, du pétrole saoudien a fait tolérer par Washington l'un des pouvoirs les plus rétrogrades des temps modernes. L'Arabie Saoudite du roi Fahd était de fait le seul Etat qui entretenait des relations officielles avec le pouvoir des talibans en Afghanistan. Aussi, Fahd Ibn Abdelaziz restera sans doute dans l'histoire comme le roi saoudien le plus pro-américain, mais aussi celui, le seul, qui a reconnu le pouvoir des talibans. Un paradoxe qui n'en est pas un en réalité à l'instar en fait des relations, quelque peu contre nature, entretenues par la démocratie américaine avec la monarchie absolutiste des Saoud. Pour l'histoire, la mort du roi Fahd Ibn Abdelaziz a en vérité régularisé une situation de fait en léguant tout le pouvoir au prince héritier Abdallah qui, de facto, en était le dépositaire.