La ministre a assuré hier, que toutes les mesures appropriées seront prises «dans les plus brefs délais» pour la réintégration des enseignants licenciés Entre les tenants de l'action syndicale et les tenants de l'action politique, le Cnapeste se fissure. Le Cnapeste est en conclave depuis quarante-huit heures. Il a été amené à prolonger la session extraordinaire de son conseil national à une seconde journée. Le syndicat ne semble pas arriver à prendre une décision sur l'arrêt ou la poursuite de sa grève illimitée, observée depuis près d'un mois. Est-ce les prémices d'une fracture qui s'annonce? Tout porte à le croire. En direct sur Dzairnews, le porte-parole de ce syndicat, Messaoud Boudiba, avait assuré que la décision finale allait tomber dans la soirée de lundi, non sans admettre que la situation est «délicate» et que le Cnapeste allait se prononcer en toute connaissance de cause sur l'issue de ce bras de fer. Cependant, la décision n'a pas été prise et les membres du conseil national, partagés entre les «jusqu'au- boutistes» et les partisans de la raison, ont été amenés à entamer entre eux, une seconde journée de «négociations». Il s'agit bien d'un bras de fer «interne». La fissure du Cnapeste va, à ne pas en douter, s'étendre encore plus avec le nouvel appel au dialogue lancé hier par la ministre de l'Education. Un appel appuyé, faut-il le souligner, par des orientations fermes du président de la République au renforcement du dialogue et de la concertation. La ministre, Nouria Benghebrit, a assuré hier, que toutes les mesures appropriées seront prises «dans les plus brefs délais» pour la réintégration des enseignants licenciés. «Sensible à la situation des enseignants et en droite ligne des orientations du président de la République sur le renforcement du dialogue et de la concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, le ministère de l'Education nationale confirme, encore une fois, que les portes sont ouvertes pour tous les enseignants désireux de déposer un recours auprès des directions de l'éducation, et que toutes les mesures appropriées seront prises dans les plus brefs délais», a-t-elle soutenu sur sa page Facebook. Il faut dire que l'obstination de certains syndicalistes de poursuivre le débrayage, non pas pour des raisons relevant des revendications socioprofessionnelles, sont loin de faire l'unanimité chez les partisans du syndicalisme classique. Ces derniers défendent l'approche que le déclenchement d'une grève doit obligatoirement répondre à une stratégie visant à faire valoir des revendications professionnelles. Ils savent pertinemment que la grève ne doit pas être utilisée comme moyen de chantage et de surenchère et que la négociation a toujours été le credo de l'action syndicale en tant qu'instrument de défense des droits des travailleurs. Les «jusqu'au-boustistes», eux, sont dans une autre logique. N'étant plus inscrits dans le sillage revendicatif, ils cherchent à donner un cachet politique à leur action. En fait, depuis le début de son agitation, le Cnapeste s'est inscrit dans une action plus politique que syndicale, visant l'écartement de la ministre de l'Education, Nouria Benghebrit. Sinon comment expliquer que les simples «malentendus» de Blida et Béjaïa, des «faits divers», ont poussé un syndicat à appeler à une grève nationale illimitée? La réalité est que les animateurs du Cnapeste ont trouvé le moyen de faire durer le malaise jusqu'au pourrissement. La ponction sur les salaires et les procédures de radiation des enseignants grévistes, une réaction attendue et légale de la tutelle après la décision de justice, a été une occasion pour ce syndicat de généraliser le débrayage. Et loin de toute action syndicale traditionnelle, le Cnapeste n'a pas cherché à dialoguer avec la tutelle, mais s'est empressé de faire cavalier seul sur une action extrême et sans fondement syndical, qui n'est autre que la grève illimitée. Il s'agit bien d'une aventure qui ébrèche l'authenticité de l'action syndicale car recourir à une action aussi extrême quand les portes du dialogue ne sont pas fermées ne se justifie point. A la place du dialogue avec la tutelle, le Cnapeste a appelé à une médiation. Encore une preuve que l'objectif des animateurs de cette organisation s'inscrit dans une action politique. Mieux encore, le Cnapeste vient d'affirmer que la «réintégration» des enseignants licenciés est une «humiliation»! Que cherchent donc les partisans de la grève au sein du Cnapeste? A faire licencier des milliers d'enseignants? L'obstination du Cnapeste risque de lui faire perdre l'ensemble de ses adhérents qui seront, pour certains révoqués et pour d'autres, déserteurs des rangs du syndicat. Pris à son propre piège, le Cnapeste va se pousser à l'autodissolution. En confondant grève et obstination et en s'éloignant de la pratique du syndicalisme responsable et constructif, le syndicat avance à grands pas vers un suicide programmé.