L'Algérie s'est dotée de moyens colossaux pour ne plus manquer d'eau. Sauf que des anomalies grèvent cet acquis inestimable. Ce qui «engraisse» le marché parallèle. La justice est saisie. Entre mauvaise gestion et complicités... Plongée. Deux ministres, Hocine Necib et Nouredine Bedoui, se sont réunis, mardi dernier, pour arrêter «un plan d'urgence» de l'alimentation en eau potable qui devra être soumis au prochain Conseil des ministres. «Pour être validé, mais aussi pour bénéficier des moyens pour son application» a précisé Necib. Pourquoi un plan d'urgence? 24 wilayas, soit la moitié du pays, enregistrent un déficit dans l'alimentation de cette matière vitale. C'est le constat du ministère des Ressources en eau. Les causes sont diverses. La plus importante étant que l'Algérie est un pays semi-aride. A tel point qu'en l'an 2000, l'importation de ce précieux liquide était sérieusement envisagée. Les ports d'Alger et d'Oran devaient être aménagés à cet effet. Le président Bouteflika, qui venait d'arriver à la tête du pays en décida autrement. Il inscrivit sa solution dans son programme. Des investissements en masse (plus de 50 milliards de dollars toujours selon Necib) pour la mobilisation, par tous moyens, de l'eau. A l'époque le pays comptait 41 barrages. Grâce au programme du président, aujourd'hui il y en a 80 en fonction avec une capacité de mobilisation de plus de 8 milliards de m3. D'autres barrages sont en cours de réalisation. Aux 80 barrages, il faut ajouter pas moins de 11 stations de dessalement d'eau de mer qui produisent plus de 2 millions de m3 par jour. D'autres stations du même type sont en cours de réalisation, notamment à El-Tarf et à Zéralda pour 300.000 m3/j supplémentaires. Ce n'est pas fini, 128 nouvelles stations d'épuration renforcent le dispositif avec 400 millions de m3/an. Pour le Grand Sud, il y a le mégatransfert d'eau In Salah-Tamanrasset. Des milliers de châteaux d'eau, des dizaines de milliers de forages, etc... Pour distribuer le tout, des dizaines de milliers de km de canalisations qu'il faut entretenir, voire même renouveler. Pour éviter les fuites d'eau qui sont intolérables dans un pays comme le nôtre où les prières pour avoir plus de précipitations sont courantes. Il est une autre cause encore plus intolérable qui est le vol de l'eau. On aura beau les désigner comme étant des «branchements illicites» leurs auteurs ne sont rien d'autre que des voleurs d'eau. Au forum d'El Moudjahid où il était invité le 6 novembre dernier, Necib a annoncé que ses services avaient enregistré pas moins de 8230 de ces branchements illicites entre janvier et fin octobre de l'année passée. A ce nombre il faudra ajouter les branchements non encore découverts. On peut présumer qu'ils sont nombreux. Car et c'est le ministre qui le dit, certains de ces voleurs en ont fait une profession, celle de revendre l'eau qu'ils «piquent» des conduites. Ils réussissent même la prouesse de vendre plus cher que l'Etat. Pour un prix de revient de 60 DA le m3, l'Etat subventionne à hauteur de 40 DA pour le vendre aux citoyens à 20 DA. Le prix des voleurs est fixé par citerne de centaines de litres. Pas moins de 1000 DA le contenu d'une citerne. Selon les régions d'éloignement supposées du lieu de la «source». Ceux qui ont vécu la période des années 1970 savent combien est précieuse cette eau qui coulait chichement des robinets et que l'on attendait durant toute la nuit. Souvent en vain. Ce qui les obligeait au lever du jour de partir, bidons à la main, à la recherche d'un hypothétique point d'eau. Pas question d'être exigeants sur l'absence d'analyses microbiologiques. Advienne que pourra. Pas de santé qui tienne. C'était ainsi et sans exagération aucune. Alors et quand on constate l'effort considérable consenti par l'Etat, dont nous avons décrit une partie plus haut, et la persistance du problème d'alimentation en eau, on se pose forcément des questions. Necib lui-même le confirme. «Il est inadmissible que les habitants des localités enregistrant des carences en termes d'alimentation en eau ne soient pas desservis, alors que les ressources hydriques et les moyens existent» a-t-il dit hier. Plus direct, il a ajouté: «Les walis possèdent toutes les prérogatives pour mettre fin au piquage illicite d'eau provoquant 40% de perte.» Sans prendre de détours, on peut affirmer à notre tour que ces responsables locaux se font les complices, involontaires sans doute, des voleurs d'eau. Ce qui explique la présence du ministre de l'Intérieur à la réunion d'hier. Il est temps, en effet, que des mesures draconiennes soient prises pour mettre fin au pillage en cours. Nul n'a le droit d'assoiffer la population. Le plan d'urgence en question viendra certainement, après avoir été validé par le Conseil des ministres, mettre fin à ce phénomène. Il faut y croire puisque la volonté politique est affichée clairement. 2700 voleurs d'eau ont été présentés à la justice. Il serait pédagogiquement utile de médiatiser les décisions des tribunaux! [email protected]