Les soldats turcs occupent Afrine Les YPG kurdes qui sont une émanation explicite du PKK, organisation terroriste contre laquelle la Turquie combat depuis de nombreuses années, rêvent de légaliser, dans un premier temps, une enclave autonome destinée à cristalliser l'Etat auquel ils aspirent dans la région. La Turquie a décidément très mal pris la récente déclaration de la France sur son intervention en Syrie, dans le cadre de l'opération «Rameau d'olivier», même s'il est connu que Paris a toujours manifesté un soutien aux Kurdes en tant que carte politique à exploiter pour maintenir une influence qui remonte à la période coloniale bâtie sur les décombres de l'Empire ottoman. Le président Macron s'inscrit dans une logique de continuité évidente quand il interpelle son homologue turc, le président Recep Tayyip Erdogan, pour lui reprocher une démarche «aventureuse» dans le nord de la Syrie. Il se trouve que cette réaction française n'a pas les moyens d'aller au-delà d'une position de «principe» et que l'initiative, au sein de la coalition internationale conduite par les Etats-Unis, reste largement tributaire de la stratégie américaine qui ne brille pas par sa limpidité. Par-delà l'aspect spectacle des échanges aigre-doux entre Ankara et Paris, il n'y a donc rien d'important qui puisse métamorphoser la situation actuelle dans le nord de la Syrie. Ankara entend mener son offensive jusqu'à Manbij, ville dont la population est majoritairement arabe, mais qui est sous le contrôle des Kurdes des YPG, entraînés et armés par les Etats-Unis. C'est cette cible qui inquiète tout particulièrement la France car sa chute entraînerait la fin des illusions kurdes dans le pays. Les YPG qui sont une émanation explicite du PKK, organisation terroriste contre laquelle la Turquie combat depuis de nombreuses années, rêvent de légaliser, dans un premier temps, une enclave autonome destinée à cristalliser peu à peu l'Etat auquel ils aspirent. Pour cette raison, et quelques autres annexes, la Turquie a modulé sa stratégie en se rapprochant de l'Iran et de la Russie, avec lesquels elle a élaboré un plan dont le fondement vise à garantir la souveraineté et l'intégrité de la Syrie, avec bien sûr des visions divergentes sur la nature du régime dont le choix appartient avant tout au seul peuple syrien. Si pour la Russie, l'objectif majeur est de défendre la base navale de Tartous et sa présence en Méditerranée alors que pour l'Iran, il s'agit d'étendre son influence chiite sur une grande partie de la région, le but de la Turquie est et reste de protéger ses frontières contre une menace terroriste incarnée hier par Daesh et aujourd'hui par des appétits kurdes dont le PKK est le porte-étendard. Membre de l'Otan, Ankara doit cependant faire face à de sérieuses contradictions dans sa démarche, surtout que les dirigeants turcs peinent à convaincre leurs partenaires occidentaux dont le souci ne prend pas en ligne de compte leurs inquiétudes. Après la prise d'Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie, l'armée turque garde en ligne de mire Manbij et doit, estime Erdogan, poursuivre l'offensive «Rameau d'olivier» jusqu'au «nettoyage complet» de la zone frontalière. Une option qui fait frémir les YPG, en accointance avec le PKK, au point que les Kurdes sont en train d'ameuter Bruxelles et Washington auxquelles ils réclament une protection armée. Jeudi dernier, une délégation des FDS (Forces démocratiques syriennes, l'autre branche kurde appuyée par les Etats-Unis qui l'ont lancée contre l'armée syrienne à Deir Ezzor) a été reçue par le président français, déclarant à la sortie de l'Elysée que la France allait envoyer des troupes pour protéger les Kurdes de Manbij. Une annonce aussitôt démentie par les dirigeants français, mal à l'aise. Pourtant, un communiqué de l'Elysée avait indiqué alors qu' «il (M. Macron) a assuré les FDS du soutien de la France, en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité dans le nord-est de la Syrie, dans le cadre d'une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toutes résurgence de Daech et dans l'attente d'une solution politique du conflit syrien». Aussitôt, la Turquie a réagi vivement pour mettre en garde Paris contre toute immixtion dans le conflit, le ministre turc de la Défense Nurettin Canikli avertissant clairement contre ce qui serait une «invasion» française dans le nord de la Syrie. Il sera suivi par le chef de l'Etat qui, dans un discours télévisé samedi dernier à Istanbul, a rappelé que l'opération Rameau d'olivier «n'est pas une invasion, mais vise à sauver la région de gangs sanguinaires». Le président Erdogan en a profité pour balayer d'un revers de main la proposition française d'un «dialogue» entre la Turquie et les Kurdes des FDS «avec l'assistance de la France et la communauté internationale». Et pour clore le chapitre des «recommandations» aussi bien françaises qu'américaines en faveur des Kurdes en Syrie, la Turquie a révélé via l'agence Anadolu une carte indiquant les positions exactes des forces françaises et états-uniennes dans le nord et le nord-ouest de la Syrie. L'inquiétude grandissante des Kurdes et la sollicitude française à leur égard sont la conséquence directe des récents propos du président américain Donald Trump qui a affirmé que les Etats-Unis «allaient bientôt quitter la Syrie», après la défaite de Daesh. Cette sortie est en rupture totale avec les affirmations quelques semaines auparavant du secrétaire d'Etat Rex Tillerson qui affirmait, quant à lui, que l'armée américaine va rester «indéfiniment» en Syrie. Même si cette intervention de Trump, dans l'Ohio, est à prendre avec prudence, compte tenu du déploiement ultérieur des troupes et des chars américains à Manbij, en vue d' impressionner l'armée turque, déterminée à aller jusqu'au bout de sa mission. Le pari du président Erdogan est dramatiquement engagé et nul ne saurait prévoir les conséquences d'un affrontement américano-turc à Manbij où la population attend avec impatience l'arrivée de l'armée syrienne pour en finir avec la présence armée des FDS.