Un drame effarant a eu lieu hier à Baghdad où plusieurs centaines de personnes ont trouvé la mort suite à une panique collective. Ce qui s'est passé hier à Baghdad, où au moins 841 personnes ont trouvé la mort, lors de bousculades parmi la foule, est tout simplement incroyable, ahurissant. Une foule compacte allait en pélerinage pour la commémoration de l'anniversaire de la mort de l'imam Moussa Al-Kazem, septième des chiites duodécimain, qui sont au nombre de douze, dont six sont enterrés en Irak, haut lieu du chiisme avec les villes saintes de Najaf et de Kerbala. Ce genre de procession, a été remis au goût du jour depuis la chute de Saddam Hussein, dont le régime interdisait aux chiites de tels pèlerinages. La communauté chiite, qui commémorait hier la mort de l'imam Moussa, jour qui devait être celui du deuil et du souvenir, a vécu une nouvelle tragédie ajoutant à des blessures toujours béantes. Le drame a eu lieu au moment où les pèlerins traversaient le pont séparant les deux quartiers d'Adhamiyah et de Kazimiyah au nord de la capitale de Baghdad, pour rejoindre le mausolée du saint imam chiite. Un millier de personnes se pressaient alors sur le pont dont les barrières ont cédé sous la poussée de la foule prise soudain de panique après la rumeur de la présence de kamikazes parmi la foule, indiquent des témoins. Que s'est-il passé sur le pont? Personne ne semble le savoir avec exactitude, mais le fait est que des centaines de personnes, dans leur tentative d'échapper au piège qu'est devenu le pont, ont basculé dans les eaux du Tigre dont des centaines, parmi les quelque 650 morts comptabilisés, mourront noyés et d'autres piétinés et étouffés par la foule qui essayait de se dégager de cet étroit lieu de passage. Par ailleurs, lors de cette journée de deuil en l'honneur de l'imam Moussa Al-Kazem, sept personnes ont été tuées dans une attaque du mausolée consacré au saint homme et plusieurs autres ont trouvé la mort par empoisonnement par l'absorption d'aliments et de l'eau frelatés. C'est du moins la version donnée par le ministre irakien de la Santé, Abdel Moutaleb Mohamed Ali. Celui-ci, qui a qualifié de «terroristes» les attaques au mortier contre le mausolée Al-Kazem, a confirmé les cas d'empoisonnement mortels parmi les pèlerins, en soulignant qu'ils avaient été «mis en garde contre la consommation de produits alimentaires offerts par des inconnus». Cet effroyable accident (?), qui s'est soldé par un véritable désastre humain, est le plus sanglant, depuis la chute du régime baasiste en 2003, enregistré en Irak lors des deux dernières années. Comme quoi, en Irak, même la panique tue. Hier le temps ne semblait pas toutefois aux explications de cette tragédie que personne ne comprenait. Selon les premières indications, c'est vers 10h30 locales (07h30 GMT) que la panique s'est déclenchée parmi les pélerins lorsqu' a circulé une rumeur selon laquelle des kamikazes étaient présents parmi la foule. A ce moment ils étaient des milliers à emprunter, dans les deux sens, le pont sur le Tigre, les uns se rendaient au mausolée, les autres en revenaient. La majorité de ces pèlerins venaient des cités chiites de Chaab, Al-Qahira, Baghdad Al-Jadidah et Sadr-City au nord de Baghdad, cette dernière ayant défrayé la chronique l'an dernier en résistant farouchement aux GI et aux marines américains. La situation s'est encore aggravée quand s'est répandu le bruit de l'attaque du mausolée de l'imam Al-Kazem par des inconnus, attaque qui s'est soldée par la mort de 7 personnes et de blessures pour 31 autres, ajoutant à l'affolement qui s'est emparé de la foule suite aux rumeurs sur les empoisonnements des pélerins qui étaient déjà sur place au mausolée de l'imam Moussa qui, s'ajoutant à celles indiquant la présence de kamikazes, a fini par déboussoler la foule qui a échappé au contrôle des services d'ordre dès lors dépassés par l'affolement de la foule. Ce sont les vieillards et les , gênées par leurs lourdes abayas, qui ont été les premières victimes de la frayeur qui s'est emparée des pélerins. Un témoin a ainsi affirmé que «quelqu'un a crié qu'il y avait des kamikazes avec des ceintures d'explosifs dans la foule et tout le monde a commencé à courir dans tous les sens». A partir de ce moment, c'était la débandade et chacun cherchait à quitter les lieux engendrant un chaos indescriptible débordant les services d'ordre mis en place autant par les organisateurs du pélerinage, que par les autorités sécuritaires de la capitale. Très remonté par cet incroyable accident, qu'il soit provoqué ou dû à des circonstances exceptionnelles, le ministre irakien de la Santé, M. Mohamed Ali, proche de la mouvance du chef radical chiite Moqtada Sadr, s'en est pris hier, publiquement, à ses collègues de l'Intérieur et de la Défense, les rendant responsables des tragiques événements du mausolée Al-Kazem. Abdel Moutaleb Mohamed Ali a déclaré, dans une conférence de presse: «Je rends mes homologues de l'Intérieur et de la Défense responsables de ce qui s'est passé aujourd'hui -hier- (...) et je demande en conséquence à mes deux collègues, soit d'assumer leur entière responsabilité dans ce qui s'est passé, soit de démissionner». Le ministère de l'Intérieur est détenu par Bayane Baqer Soulagh, un représentant du principal parti chiite, le Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak (Csrii) de Abdel Aziz Al-Hakim, alors que le portefeuille de la Défense est occupé par le sunnite Saadoun Al-Doulaïmi, rappelle-t-on. Cette tragédie qui s'ajoute aux drames que vit l'Irak depuis deux ans n'est pas faite pour apaiser la tension interethnique surgie après l'adoption par le Parlement, dominé par les chiites et les Kurdes, du texte constitutionnel controversé, rejeté par les sunnites, lequel sera soumis au référendum le 15 octobre prochain.