Dix jours après l'attentat perpétré, mercredi 2 mai, par Daesh contre la commission électorale à Tripoli, l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, est à Alger pour des consultations avec le ministre des AE, Abdelkader Messahel. La conjoncture libyenne s'avère, au lendemain de cet attentat, toujours aussi compliquée et les accords passés entre les milices et le gouvernement d'union conduit par Fayez al Serraj se heurtent toujours aux intransigeances des autorités de l'Est, soutenues par l'ANL du maréchal Haftar. L'avertissement de l'EI aura été suffisamment brutal pour comprendre que le groupe terroriste a conservé sa capacité de nuisance, même chassé de Syrte, fin 2011. Ce n'est donc pas par hasard que le siège de la commission électorale a été visé car l'objectif de Daesh, comme celui des autres factions, consiste à empêcher le bon déroulement des élections présidentielle et législatives. Or, la convocation de ces deux scrutins est un objectif majeur dans l'agenda de la médiation onusienne qui parie sur leur succès afin de rendre viable le processus de Réconciliation nationale. Ce sont là les thèmes examinés par Messahel et Salamé, sachant que l'Algérie a constamment et puissamment soutenu la médiation onusienne. L'action de la diplomatie algérienne est certes discrète mais efficace, dès lors qu'elle milite pour un dialogue interlibyen sans ingérence extérieure aucune. Elle a, dans cette optique, entraîné l'adhésion active du Haut comité de l'Union africaine pour la Libye ainsi que du Groupe des pays voisins. Cependant, on ne saurait ignorer les agissements et les interférences de certains pays du Golfe qui tentent de saper la dynamique onusienne avec un soutien à des ambitions personnelles. Ce genre de manoeuvre est d'autant plus pernicieux qu'il contribue au travail de sape des groupes terroristes comme Daesh, revenu frapper au coeur même de la capitale, trois ans après y avoir commis l'attaque de l'hôtel Corinthian et causé la mort de dix personnes, en janvier 2015. C'est incontestablement un mauvais coup pour le gouvernement de Fayez al Serraj alors que la sécurité de la capitale semblait assurée, depuis plus d'un an. Cela justifie le doute qui plane désormais sur la validité de l'entente milicienne, conclue récemment à la faveur d'une remarquable réconciliation entre les milices de Misrata et celles de Zintan. Le contexte paraît de ce fait problématique puisque la sécurité de Tripoli, comme celle des autres régions libyennes, dépend en grande partie du processus de normalisation des milices, en l'absence d'une véritable armée nationale capable de mettre fin à l'embouteillage des appétits et des conflits d'intérêts. Quatre brigades miliciennes sont dominantes à Tripoli, la Rada Force (d'Abdul Raouf Kara), la Brigade des révolutionnaires de Tripoli (de Haythem Tajouri), Nawasi (de la tribu Gaddour) et Ghneiwa (d'Abdel Ghani Al-Kikli). Si les trois derniers groupes ne se réclament d'aucune idéologie, Rada Force est affiliée au mouvement salafiste dit «madkhaliste» (non terroriste). Elles ont toutes soutenu Fayez al-Sarraj et son gouvernement en avril 2016, misant sur la reconnaissance de la communauté internationale. Contrairement à Fadjr Libya qui a voulu lui interdire l'entrée à Tripoli, elles ont accompagné les efforts de normalisation. D'ailleurs, elles ont contribué à la mise en place d'une garde présidentielle, premier maillon de l'armée républicaine future. Mais elles ne peuvent rivaliser avec les milices de Misrata et de Zintan, surtout unifiées, et le duel qui se profile va nécessairement profité à Daesh dont les réseaux dormants paraissent de nouveau opérationnels. Plus que jamais, la feuille de route de Fayez al Serraj et de Ghassan Salamé est confrontée à cette double menace, sachant que toutes ces milices contrôlent l'aéroport de Tripoli, les banques, les ministères et diverses autres institutions pour en tirer les profits recherchés. On voit mal, dans ces conditions, comment la Libye pourrait retrouver miraculeusement le chemin de la paix et de la reconstruction.