Le maréchal Haftar n'a pas paru depuis un mois Il n'en faut pas plus pour éclairer d'un jour nouveau les tractations intenses qui ont lieu dans les principales villes libyennes... Un site spécialisé dans les enjeux du Moyen-Orient affirmait hier, se référant à une source diplomatique ayant souhaité garder l'anonymat que le maréchal Khalifa Haftar serait dans «un état végétatif» et qu'il «ne possède ni l'usage de la parole ni celui de la motricité». Cette source «européenne» aurait même précisé que la cause exacte de son hospitalisation, dans des conditions rocambolesques voici une quinzaine de jours, serait due à «un cancer des poumons qui s'est métastasé et qui a atteint le cerveau». «Incapable de parler, ni même de comprendre pleinement, de s'asseoir ou de se lever», il serait selon Meadle East Eye, dans un état qui a rendu impossible à tenir la promesse de son entourage proche qui affirmait dernièrement qu'il allait faire «une apparition dans les médias». Ainsi, ce serait bien un AVC irréversible dont souffre le maréchal Haftar, contrairement aux déclarations répétées de ses proches et de responsables de l'Armée nationale libyenne qui affirment qu'il «est en bonne santé» et qu'il «est simplement en train de passer quelques examens médicaux en France». Il n'en faut pas plus pour éclairer d'un jour nouveau les tractations intenses qui ont lieu dans les principales villes libyennes, malgré les efforts de la France, de l'Italie et des Emirats arabes unis qui se sont efforcés de maintenir le black-out sur cette maladie dont un expert médical proche du dossier estime que «même si Khalifa Haftar retrouve grâce aux médicaments administrés la faculté de parler, ce sera un effet temporaire». On se souvient que, la semaine dernière, l'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, avait démenti la rumeur sur le décès de Haftar et déclaré qu'il s'était «entretenu» avec lui. Selon le site anglais, il y aurait eu des pressions de la part des trois pays précités, soucieux de barrer la route à une guerre de succession. Or, le branle-bas de combat a bel et bien commencé, d'abord à Tobrouk où siègent les autorités de l'Est qui soutiennent le maréchal Haftar et l'Armée nationale libyenne, un conglomérat de milices disparates où prédominent les salafistes rigoristes, mais aussi à Benghazi où les prétendants à la succession sont en train de fourbir leurs armes et à Tripoli où toute la stratégie mise en oeuvre dans le cadre de la feuille de route onusienne adoubée par le Conseil de sécurité risque d'être compromise à tout moment. Si la donne à Tobrouk est simple à gérer, puisqu'elle oppose les députés que conduit Saleh Aguila, aux salafistes miliciens qui ont apporté un soutien décisif à Haftar dans la conquête de Benghazi au détriment des terroristes de Daesh, tel n'est pas le cas pour Benghazi et Tripoli. Dans la seconde ville du pays, plusieurs généraux sont déjà sur le qui-vive. Le successeur «désigné», le général Abderrezak al Nadhouri, chef d'état-major, dirige l'ANL depuis l'hospitalisation forcée de Khalifa Haftar. Il vient d'échapper miraculeusement à un attentat à la voiture piégée, dans la localité de Sidi Khalifa, à la périphérie de Benghazi, la semaine dernière, attentat officiellement attribué à Daesh. Face à lui, un autre général, plus proche des salafistes madkhalis, Abdesselam al Hassi, qui bénéficie des faveurs de l'Egypte et surtout des Emirats arabes unis hostiles, comme chacun sait, aux Frères musulmans présents à Tripoli. Le général al Hassi aurait toutes les chances d'être consacré s'il n'y avait l'hostilité de la tribu des Ferdjani, qui voit d'un mauvais oeil un candidat issu de la tribu rivale des Hassa. Du côté de Tripoli, justement, un événement majeur s'est produit voici une quinzaine de jours, même s'il est passé inaperçu pour bon nombre d'observateurs. La soudaine et spectaculaire réconciliation des influentes milices de Misrata et de Zintan! Dans la ville éponyme située sur le versant du djebel Nefoussa, à 170 km au sud-ouest de la capitale libyenne où fut «détenu» jusqu'à l'été 2017 le fils de Maâmar al Gueddafi, Seïf al Islam, une rencontre a eu lieu entre les principaux chefs des deux milices qui se sont violemment combattues en 2014 pour le contrôle de Tripoli et de ses infrastructures portuaires et aéroportuaires, scellant des retrouvailles dont on mesure mieux aujourd'hui les tenants et les aboutissants. Paradoxalement, la situation pourrait évoluer favorablement de sorte que Abdelkader Messahel pourrait réussir son pari! En se rendant, voilà presque un an, dans les différentes places fortes de la Libye, que ce soit Misrata, Zintan, Benghazi, Tobrouk ou Derna, il avait esquissé les contours d'une démarche diplomatique dont la stratégie n'était pas visible pour tout un chacun. Des voix s'étaient même élevées à l'époque pour s'interroger sur le gain réel d'une tournée dont elles ne voyaient pas «l'utilité». Et pourtant! En consultant sur place, et dans des conditions sécuritaires peu rassurantes, la quasi-totalité des parties engagées dans le conflit, il avait, d'une part, explicité la position immuable de l'Algérie partisane d'une Réconciliation nationale fondée sur le dialogue inclusif et, d'autre part, rassuré de sa volonté d'oeuvrer inlassablement au retour de la paix dans la région, grâce à un consensus qui ne concerne que les seuls Libyens, à l'exclusion de toute ingérence étrangère. La médiation onusienne, portée à bout de bras par la diplomatie algérienne, a trouvé peu à peu sa voie, de sorte qu'en quelques mois à peine, l'envoyé spécial pour la Libye, Ghassan Salamé, et l'ensemble des cadres de la Manul, ont enfin pu activer à Tripoli même, ce qui a profondément modifié la donne. C'était déjà là une avancée majeure qui consacrait la place et l'importance de cette médiation, balisée par celle du Groupe des pays voisins sous l'égide du Haut Comité pour la Libye de l'Union africaine. La feuille de route du médiateur Salamé a été avalisée par le Conseil de sécurité de l'ONU en décembre 2017 et la mise en place des conditions préalables à la tenue d'élections législatives et présidentielle engagée, malgré quelques vicissitudes. Autant de gains qui ont contribué à conforter, de plus en plus, le gouvernement issu de l'accord de fin 2015 que conduit le président du Conseil présidentiel Fayez al Serraj. Sans doute, le chemin est encore long pour parler d'une solution à la crise, mais une réconciliation entre deux milices parmi les plus importantes du pays signifie, bel et bien, que quelque chose d'encourageant est en train de se produire pour le plus grand bien du processus auquel Abdelkader Messahel a consacré presque toute son énergie. Déjà, on sait que Zintanis et Misratis se sont engagés à ne plus laisser parler les armes et cela, ce n'est pas rien de la part de milices habituées à imposer leurs choix et défendre leurs intérêts manu militari. Représentants des groupes armés et dignitaires des deux villes ont donc scellé un pacte de non agression et, dans la foulée, prôné des efforts pour la «réconciliation avec d'autres régions et d'autres tribus». Ils se sont ainsi mobilisés, dans le cadre d'une commission ad hoc, pour résoudre ensemble le problème des prisonniers et des disparus et pour entreprendre, selon la déclaration du chef du conseil militaire de Misrata, Mohamed Rajjab, des démarches de bonne volonté en direction de Benghazi et de Tobrouk. Mieux encore, ils se sont prononcés en faveur d'une unification de l'armée et de la police, sous une seule et même autorité civile afin de combattre plus efficacement le terrorisme. Et cela va totalement dans le sens de la stratégie algérienne, rendant plausible la conduite, sous l'égide du gouvernement d'union de Fayez al Serraj, le processus électoral à même de conférer à la Libye des institutions légitimes et de permettre une lutte organisée contre tous les maux que sont le terrorisme, la contrebande et les trafics de drogue et d'armes aux frontières.