En Libye, Misrata est «le principal garant militaire du processus de réconciliation» Contrairement aux autres villes libyennes plus ou moins infestées par les éléments des groupes terroristes comme Daesh et Al Qaïda, Misrata a la réputation d'une ville sûre, compte tenu de l'omniprésence des milices majoritairement proches des Frères musulmans... Le maire de Misrata, troisième ville et base arrière des milices islamistes qui régentent le nord de la Libye, a été enlevé puis tué dimanche soir, non loin de l'aéroport de la ville. Déjà, l'aéroport de Tripoli était aux mains de Fadjr Libya depuis 2014, une milice dont le soutien va au CGN de Khalifa Ghweil, mais il a été repris l'an dernier, en avril 2016, par une autre faction favorable au GNA de Fayez al Serraj. Sporadiquement, des combats ont eu lieu entre les partisans de l'un et de l'autre, mais avec la montée en puissance de la Garde présidentielle dirigée par le général Najmi el Nakoua, l'ensemble de la zone a été sécurisée au cours de l'année 2017. Ce qui n'est pas encore le cas de l'aéroport de Misrata. Aussi, cet enlèvement suivi d'assassinat revêt-il des zones d'ombre et amène un certain nombre de questions. Mohamad El Chetwi a été poursuivi et enlevé à sa sortie de l'aéroport de Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli, a affirmé aux agences de presse une source sécuritaire sous couvert de l'anonymat, précisant que le cadavre avait ensuite été abandonné dans une rue. L'hôpital de la ville a confirmé avoir reçu le corps du maire qui portait des impacts de balles. Le frère de la victime, qui se trouvait dans le même véhicule au départ de l'aéroport, a été blessé, mais ses jours ne sont pas en danger, a-t-on précisé. M. El Chetwi était de retour d'un voyage officiel en Turquie, avec d'autres membres du conseil municipal, tous élus en 2014 et dont le mandat arrivera à expiration à la fin de l'année prochaine. L'envoyé spécial de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, a exprimé «sa profonde tristesse et sa ferme dénonciation» de ce meurtre sur son compte Twitter. Contrairement aux autres villes libyennes plus ou moins infestées par les éléments des groupes terroristes comme Daesh et Al Qaïda, Misrata a la réputation d'une ville sûre, compte tenu de l'omniprésence des milices majoritairement proches des Frères musulmans dont la figure de proue, Abdelhakim Belhadj, pèse depuis Istanbul sur les évènements dans le pays. Avec ses 400 000 habitants, elle a joué les premiers rôles dans l'effondrement du régime de Mouamar El Gueddafi puis ses milices considérées à juste titre comme les plus puissantes en Libye, toutes ralliées au gouvernement d'union nationale de Fayez al Serraj, ont gagné la bataille contre Daesh expulsé de la ville de Syrte l'année dernière, après de durs combats. Des informations ont circulé ces jours derniers sur un retour des éléments de Daesh dont des camions ont été observés remontant en direction de Syrte. Mais il n'y a pas eu depuis la moindre confirmation, ce qui n'exclut pas la présence du groupe autoproclamé Etat islamique qui a revendiqué en octobre un attentat-suicide faisant quatre morts dans le complexe judiciaire de Misrata. Ces incidents sporadiques montrent bien que la situation n'est guère clarifiée, que ce soit à Misrata même, ou entre Tripoli et Benghazi, soutenue par Tobrouk. Le bras de fer, depuis deux ans au moins, entre le maréchal Khalifa Haftar dont l'appétit féroce obstrue toute perspective de solution consensuelle en Libye et le GNA de Fayez al Serraj aurait dû déboucher avec une feuille de route proposée par la médiation onusienne à laquelle l'Algérie apporte un soutien et un travail décisifs. La dernière réunion à Tunis devait ainsi ouvrir la voie à une recomposition du Conseil présidentiel et du gouvernement nés de l'accord de décembre 2015 puis, dans la foulée, à des élections législatives et présidentielle. Mais Haftar et le Parlement de Tobrouk qui a validé ladite feuille de route font traîner les choses en longueur, suscitant l'ire d'al Serraj et de l'envoyé spécial de l'ONU. Et le hasard faisant toujours bien les choses, revoilà les regards braqués sur Alger pour que la diplomatie algérienne engage tout son poids auprès des membres du Groupe des pays voisins, en général, et l'Egypte, en particulier, pour forcer la relance du processus inclusif. Une démarche qui intervient dans un contexte particulier puisque la menace terroriste n'est pas circonscrite au seul territoire libyen, mais affecte, comme l'indiquent les multiples alertes des services de renseignements, la Tunisie et l'Algérie voisines tout autant que l'Egypte dont les raids aériens n'ont pratiquement aucun effet. Il est clair qu'il faudra des efforts gigantesques pour mener à bien une telle médiation, d'abord entre Tripoli et l'axe Benghazi-Tobrouk, ensuite entre Tripoli et le CGN de Ghweil et enfin entre les milices de Misrata et celles des autres villes comme Derna. Sans compter les rivalités qui sont en train d'émerger entre les diverses milices de Misrata elles-mêmes!