Le marché de gros de la pêcherie d'Alger, a été déserté pour cause de la présence d'un marché informel qui s'est implanté dans ses environs immédiats. Les mandataires sont fortement pénalisés. Il était 5 heures du matin hier. En face du marché de gros de la pêcherie d'Alger (sous les voûtes), des camions frigorifiques de petit tonnage étaient en stationnement. Les propriétaires, ou collecteurs-livreurs, adossés à l'arrière de leurs véhicules dont les plaques minéralogiques renseignent d'où ils viennent, attendent d'éventuels clients qui pourraient prendre possession de leurs cargaisons de poisson frais et de fruits de mer. Nous nous sommes rapprochés des camionnettes pour en savoir un peu plus sur la raison de leur présence alors que les mandataires d'en face chôment. Selon Kadri Ahmed, mandataire de longue date au niveau du marché de gros, que nous avons rencontré en cette matinée sur son carreau, «cette activité parallèle nous pénalise grandement. Constatez de vous-mêmes où nous en sommes: tous les carreaux sont déserts et pourtant, les commissions que l'on prélève quand les collecteurs ou marins-pêcheurs nous sollicitent sont minimes, contrairement à ce que l'on croit. Un marché parallèle a été intronisé A ce train-là mes collègues et moi nous nous voyons contraints de baisser rideau». Kadri ajoutera dans ce sens: «Ce n'est pas avec les faibles quantités de pêche que nous ramènent de temps à autre les patrons de pêche domiciliés au port d'Alger que nous pouvons tirer des bénéfices. Après avoir payé nos charges, il ne nous reste plus grand-chose». Et de nous lancer enfin: «L'activité d'en face nous cause problème car les gros et habituels acheteurs que sont les restaurateurs, les grands hôtels et les poissonniers des quatre coins de la capitale sont devenus de fidèles clients des collecteurs de poisson. Nous espérons donc que les pouvoirs publics interviennent pour mettre fin à cette activité parallèle». Du côté des collecteurs de poisson, on estime que c'est sur ce lieu qu'ils ont de plus grandes chances d'écouler leurs poissons blancs et leurs fruits de mer, et de surcroît en un temps record et avec en sus d'intéressants bénéfices. Hamid, un des collecteurs, la trentaine passée et originaire de Annaba s'est prêté facilement au jeu de nos questions, contrairement à ses collègues stationnés près de lui: «Je fais en moyenne depuis quelques années deux allers-retours par semaine entre Annaba et Alger. Des clients me sont fidèles de par le fait que je réponds à leurs exigences, à savoir leur procurer, à leur demande, les quantités de poissons blancs et crevettes de qualité dont ils ont besoin pour leurs restaurants, ce qui permet de ne pas trop tarder à Alger». Comme il nous a fait remarquer également que «le poisson est devenu si cher que seuls les restaurateurs et les grands hôtels arrivent à suivre les cours pratiqués. Alger est devenue d'ailleurs dans notre profession une sorte d'eldorado car tout ce que nous n'arrivons pas à écouler dans les ports de pêche que nous fréquentons à l'est du pays, nous le vendons aisément ici. Un point de vente que les collecteurs de Annaba ont fini par surnommer «la décharge». Interrogé sur les prix actuels du poisson, Hamid nous a indiqué tout de go: «Le volume des pêches est, en cette période, en nette croissance par rapport aux mois passés, ce qui a engendré une baisse des prix, tant la demande va enregistrer une chute en cette période de Ramadhan car les ménages sont disposés à consommer des produits de la mer. Nous aussi en cette période, nous allons être contraints de réduire notre activité». Hamid a par contre refusé de nous réponde sur les prix des divers poissons qu'il a ramenés de Annaba se limitant à nous rapporter que «toute ma cargaison est réservée à trois clients qui préfèrent que je ne divulgue pas le prix convenu entre eux et moi». Abdelkader, un autre collecteur qui s'est prêté au jeu de nos questions, lui aussi la trentaine passée, qui fait à longueur d'année des allers-retours entre Béni Saf à l'aide de son camion frigorifique qu'il a acquis par le biais d'un crédit Ansej, nous a indiqué qu'il lui arrive de transporter de la sardine. «Quand je juge que je pourrais facilement l'écouler à Alger à un prix intéressant, du fait de la qualité de la sardine venant du port de pêche de Béni Saf», a souligné Abdelkader. Les poissonniers de la capitale, clients invétérés A notre question de savoir s'il en avait ramené ce matin, ce dernier nous a signalé «une faible quantité car ces jours-ci les quantités ramenées par les sardiniers du port de pêche de Béni Saf sont maigres». Interrogé à quel prix il a vendu sa sardine ce matin, il nous a informé qu'«un poissonnier d'El Biar a acheté mes 30 cageots de sardines à raison de 10.000 DA chacun». Concernant les prix des variétés de poisson (rouget, merlan et faux merlan, crevettes et espadon notre interlocuteur nous a répondu «Ce sera au plus offrant». Notons que des poissonniers de la capitale venus s'approvisionner auprès des collecteurs et que nous avons pu interpeller, nous ont donné leur avis sur les cours pratiqués par les collecteurs. Ils nous ont répondu à l'unisson «aucune augmentation sensible. Cela tient au fait qu'à partir d'aujourd'hui (mercredi) la demande des consommateurs en la matière sera faible, car préférant les viandes rouge et blanche pendant les 10 premiers jours du mois de Ramadhan». Nos interlocuteurs qui, du reste sont bien au fait de tout ce qui concerne le circuit de la commercialisation des produits de la mer, nous ont rapporté que la pratique du fardage s'est généralisée, notamment dans le commerce de la sardine. «Pour écouler leurs sardines de taille non marchande et pour éviter la saisie par les agents de contrôle, des marins-pêcheurs pratiquent le fardage. Un procédé puni par la loi puisqu'il consiste à cacher la très petite sardine par la plus grosse, autrement dit un maquillage tout au détriment du consommateur.» A propos de la cherté des produits de la mer, dont les poissons blancs et les crustacés devenus depuis fort longtemps inaccessibles pour la majorité des consommateurs, ils admettent la thèse que cela résulte de la stagnation depuis quelques années de la production de la pêche en mer. Autre raison invoquée à l'unanimité par les poissonniers: «La kyrielle d'intermédiaires». Selon eux, entre l'arrivée au port d'une chaloupe et la mise sur les étals des détaillants, on peut compter au moins trois intermédiaires avec à chaque étape une ristourne importante. «Voilà ce qu'il en est sur le terrain» a martelé l'un deux, pressé de rejoindre sa poissonnerie sise à Bab Ezzouar. Il est neuf heures, plus aucune trace de camionnette. Hamid et Abdelkader ont pris chacun le chemin du retour. La poissonnerie, qui fait dans la vente au détail, vient d'ouvrir ses portes. Les étals sont bien fournis en diverses variétés de produits de la mer, où l'on trouve aussi le poisson d'élevage qui, selon un vendeur, «demeure boudé par la clientèle». Les prix ne sont pas encore affichés. Pourquoi? On entend dire qu'à l'occasion du Ramadhan les prix vont être revus à la baisse. Une bonne nouvelle pour du moins les amateurs de friture de poisson et autres plats à base de produits de la mer.