Tout le monde a perdu dans cette partie La grande déroute du Camra doit servir de leçon à tous ceux qui expriment des revendications démesurées. Défaite, retraite, grande débâcle. Les médecins résidents ont perdu la bataille. Au bout de sept mois de grève, ils n'ont pas réussi à imposer leur chantage. Conscients de leur cuisant échec, les résidents tentent de sauver les «meubles» en proposant de revêtir leurs blouses et de reprendre le chemin des hôpitaux pour assurer à nouveau les gardes. Et afin d'éviter de perdre la face, le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) va jusqu'à mettre une condition à sa propre proposition de reprise! En exigeant «des négociations fructueuses» avant la date de reprise des gardes, il est clair que le syndicat fait plus dans la forme que dans le fond. Car, les négociations avec la tutelle ne se sont jamais interrompues depuis le début du débrayage et le ministère de la Santé a déjà répondu à l'ensemble des revendications jugées recevables. Autrement dit, en accordant des concessions - celles que les pouvoirs publics peuvent offrir au jour d'aujourd'hui - le ministère a fait la moitié du chemin vers le syndicat des résidents et c'est ce dernier qui a refusé d'avancer. Son obstination d'arracher toutes les requêtes, en une seule protestation, est loin de s'inscrire dans une logique syndicale viable car le vrai syndicaliste sait parfaitement que dans l'action syndicale il n'est pas question d'avoir tout ou rien. Ce n'est pas une version du jeu «quitte ou double». En choisissant de faire du surplace, le Camra a choisi le pourrissement. Le syndicat des médecins résidents est allé sciemment droit dans le mur et son jusqu'au-boutisme ne peut s'expliquer que par l'absence du discernement et de la maturité. Aujourd'hui et tout en accomplissant cet acte de reddition, le Camra tente toujours de se voiler la face en exigeant des «négociations fructueuses» sachant pertinemment qu'il ne peut obtenir d'autres avantages que ceux qui lui ont déjà été accordés. Car l'inacceptable restera toujours du domaine de l'inacceptable. Refuser d'assurer le service civil demeurera une revendication irrecevable qui ne peut exprimer autre que le mépris affiché par les médecins résidents envers leurs concitoyens des régions reculées. En fait, en refusant de soigner les citoyens du Sud et des zones enclavées, les médecins résidents ont foulé au pied leur serment d'Hippocrate et ont manqué à leur engagement envers leur patrie qui, faut-il toujours le rappeler, a pris gratuitement à sa charge leur formation pendant vingt- cinq ans en leur assurant un enseignement gratuit. Les résidents n'ont pas ressenti qu'ils ont un devoir envers ce pays. Et c'est à cause de ce manquement à leur devoir que l'opinion publique les a condamnés considérant que l'Algérie ne peut être fière de ses enfants qui lui tournent le dos. Une élite, telle une aristocratie, qui ne cherche qu'à s'éloigner des couches populaires. En observant une grève pendant sept mois, les médecins résidents se sont-ils préoccupés, une seule fois, combien de malades n'ont pas pu être sauvés? Ont-il ressenti la souffrance des patients qui ne trouvent actuellement refuge que dans les prières pour apaiser leurs douleurs. L'attitude irresponsable des médecins résidents a écorné et à jamais, l'image du médecin. Le Camra, faut-il le rappeler, a obtenu des réponses favorables concernant la majorité de ses revendications dont l'attribution d'un logement, l'aménagement et l'équipement des plateaux techniques, le droit au regroupement familial, le droit à un billet d'avion par année vers les wilayas de l'extrême Sud, outre l'autorisation d'exercer une activité complémentaire dans le secteur privé et le droit à la formation continue. Reste les revendications à l'origine de la discorde, à savoir le service civil et le service militaire. Ces revendications, mêmes si elles n'ont pas été acceptées dans le fond et dans la forme voulus par le Camra, elles l'ont été partiellement dans une nouvelle forme proposée par le ministère de la tutelle. Simplement dit, à la place de l'annulation du caractère obligatoire du service civil et de la dispense du service militaire, le ministère propose la déduction de la durée du Service national de celle du service civil. Et la durée de ce dernier a été revue à la baisse selon les régions. Malgré toutes ces concessions, le Camra s'est entêté choisissant de corser le bras de fer avec le ministère de la Santé et d'arrêter toute activité, même les gardes. Le Camra ne s'est pas rendu compte que l'Etat ne pouvait offrir aux médecins résidents que ce qui était de l'ordre du possible. Et sa grande déroute doit servir aujourd'hui de leçon à tous ceux qui expriment des revendications démesurées.