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La paix: une perspective de sortie de crise
REFERENDUM SUR LA CHARTE POUR LA PAIX ET LA RECONCILIATION NATIONALE
Publié dans L'Expression le 29 - 09 - 2005

Il y a des raccourcis malencontreux et en même temps ambigus.
La paix est elle monnayable, comme une vulgaire marchandise? Un simple sondage au sein de la population et des électeurs potentiels montrerait que les citoyens dans leur majorité ont une très forte aspiration au retour à la normale, à la paix, à la sécurité. Le raisonnement qui consiste à dire qu'il y a en Algérie deux camps opposés et que la charte consacrera la victoire d'un camp sur un autre est fallacieux et tendancieux. Car, qu'on le veuille ou non, l'islamisme, qui a donné naissance à l'intégrisme est le résultat d'un long processus historique au cours duquel fut usurpée la volonté populaire. On ne peut comprendre la période actuelle, et notamment la décennie noire, si on fait l'impasse sur le fait que la violence n'est pas en Algérie tombée un jour du ciel, que l'intégrisme n'est pas le fruit d'une génération spontanée, et qu'il suffirait de l'extirper pour que les choses redeviennent normales.
Il y a des raccourcis malencontreux et en même temps ambigus. La campagne pour le référendum, qui a donné l'occasion aux différentes parties de s'exprimer, n'a pas permis de délivrer, et partant de décoder, ce qui se cache derrière des idéologies présentées comme antagonistes, alors qu'en fait elles se rejoignent, pour certaines, dans leur extrémisme. Où était donc le véritable enjeu ? S'agissait-il de mettre un terme à l'effusion de sang ou bien de compter les coups pour savoir quels sont les perdants et les gagnants?
Malheureusement, il y eut près de 150.000 victimes sinon plus, et le fait est que toutes ces victimes, ou presque, étaient algériennes. Le texte de la charte parle bien d'une tragédie nationale, mais malheureusement, en reprenant ce terme du théâtre grec antique, nous ne sommes pas en représentation. Ce n'est pas du sang fictif qui a coulé. Les victimes ne jouaient pas une comédie, et c'était loin d'être une parodie. Néanmoins, comme toute tragédie, elle a sa part de catharsis, et c'est là que le projet de charte innove. Tous les sujets qui ont été considérés comme tabous ont été abordés par les acteurs politiques dans les meetings ou les interviews publiées par les journaux, on regrettera seulement qu'il y ait eu des faux-fuyants, voire des fuites en avant. Par conséquent, il serait juste d'affirmer que le référendum en lui-même n'est qu'une étape, qui permettra à terme, si les dispositions qui s'ensuivent arrivent à libérer le champ d'expression, d'aller vers d'autres étapes. A ceux qui avaient voulu que la réconciliation aille trop loin, englobant les messalistes, le coup d'Etat de 1965, l'interruption du processus historique de 1992, voire même les harkis, il ne fait aucun doute qu'ils ne seront pas satisfaits, mais le fait d'aborder les problèmes de front ouvre une nouvelle période et permet de tourner la page. Comme on l'a entendu souvent au cours de cette campagne on pardonne mais on n'oublie pas! Il y a donc bien un devoir de mémoire qui est corollaire au projet de charte. Beaucoup d'opposants à la charte, et c'est normal, lui ont reproché de passer outre l'étape de justice et vérité. C'est-à-dire qu'il est demandé aux victimes de pardonner sans aucun procès.
D'autres voix, celles justement qui défendent le projet de charte rétorquent que l'Algérie n'est pas l'Afrique du Sud. Là-bas, il s'agissait de faire le procès de l'apartheid. En Algérie, le combat contre le terrorisme s'est déroulé de deux manières. D'abord par les armes, et là il faut rendre hommage aux services de sécurité, aux patriotes, à l'armée. Pourtant, il y a un autre combat. Celui qui est mené contre l'intégrisme. Ce combat est d'abord le combat des idées. Or ce que nous constatons, c'est que de nombreuses voix qui prétendent à juste titre mener ce combat occultent la dimension sociale, économique, historique, politique et culturelle de l'intégrisme.
Peu de forces politiques en Algérie mènent ce combat en saisissant toutes ses caractéristiques et toute sa dimension. La formule choc de Reda Malek, à savoir «la peur doit changer de camp», place le débat sur le strict terrain des armes et de la lutte sécuritaire. Il fallait mener ce combat, mais en même temps, il fallait aussi mener une lutte sans merci contre la propagande intégriste d'abord, et contre la marginalisation et la misère sociale ensuite. La première opération , à savoir la lutte pour contrer la propagande intégriste, ne se mène avec de la haine et des formules incendiaires, mais en développant un discours cohérent et moderniste, pour offrir aux élites algériennes, en même temps qu'à toute la population, des horizons et une alternative politique, idéologique, culturelle. Le deuxième volet, à savoir la lutte contre la pauvreté, repose à la fois sur un programme de développement économique et sur la lutte contre la corruption. Un discours exclusiviste, basé sur la haine et sur des appels enflammés, est de lui-même disqualifié, puisqu il n'offre pas au pays des perspectives de sortie de crise. En toute état de cause, en l'état actuel des choses, seul le projet de charte, permet d'entrevoir cette perspective. Tourner le couteau dans la plaie, renouveler l'appel à la confrontation n'apportera pas de bien au pays. Apaiser les esprits et ramener la paix et la sécurité restera la meilleure voie.
Reste l'islamisme. Faut-il le combattre ? Question très cruciale. Si l'islamisme est un courant politique qui représente des pans entiers de la société, il doit donc tout naturellement être intégré au jeu politique normal. S'il y a quelque chose à disqualifier, c'est bien l'extrémisme sous toutes ses formes. Dès lors que les islamistes dénoncent eux-mêmes l'extrémisme, et notamment l'intégrisme et le terrorisme auquel il donne naissance, il n'y aucune raison de les considérer comme des ennemis. L'Algérie est un grand pays et il y a de la place pour tous ses enfants.


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