Vague d'attentats sans précédent, ces derniers jours, causant la mort de plus de 100 personnes. A vingt-cinq jours du scrutin du 30 janvier, la guérilla irakienne est passée au surmultiplié en commettant une série d'attentats meurtriers dont le dernier en date, celui d'hier a coûté la vie au gouverneur de la capitale irakienne, Ali Radi Al-Haidari, assassinat revendiqué par Abou Mosâb El Zerqaoui. Outre l'assassinats de son gouverneur, Bagdad a été secouée hier par une forte explosion qui s'est avérée être un attentat à la voiture piégée se soldant par la mort de dix personnes dont huit policiers, et des blessures pour 56 autres personnes, en majorité des civils. C'est hier matin que le gouverneur de Bagdad a été tué par un commando qui a ouvert le feu sur lui selon des sources policières, lesquelles indiquent «Un groupe d'hommes armés a ouvert le feu sur le convoi du gouverneur pendant qu'il se déplaçait entre les quartiers d'Al-Hourreya et d'Al-Adl, dans l'ouest de Bagdad». Après la sanglante journée de lundi, qui a connu une série d'attentats dont les cibles étaient des policiers et des gardes nationaux, hier a marqué une autre étape de l'escalade de la violence que connaît l'Irak à l'approche du scrutin du 30 janvier, attentats dont le bilan s'élevait hier à plus de 100 morts entre les journées d'hier et de mardi. Exprimant sa tristesse suite à l'assassinat du gouverneur de Bagdad, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, qui se trouvait à Phuket en Thaïlande -un des pays touchés par le raz-de-marée qui a suivi le séisme du 26 décembre - a déclaré: «Encore une fois, cela montre qu'il y a ces meurtriers et terroristes qui ne veulent pas voir les élections se tenir. Ils ne veulent pas voir la population irakienne choisir ses propres dirigeants», ajoutant: «Les assaillants veulent retourner en arrière. Ils veulent retourner vers la tyrannie du régime de Saddam Hussein et cela ne se produira pas». Toutefois les choses ne sont pas aussi manichéistes que les présente le chef de la diplomatie américaine, qui ne semble pas tenir en compte la réalité de la composante du peuple. La résistance irakienne n'est pas seulement un regroupement de «meurtriers» ou de «terroristes» comme le soutient M.Powell, mais une réalité que reconnaît d'ailleurs le général Mohamed Abdallah Chahwani, directeur du renseignement irakien selon lequel la résistance regroupe plusieurs milliers de combattants indiquant: «Je crois que le nombre de résistants est supérieur à celui des militaires en Irak. Je crois que la résistance compte plus de 200.000 personnes.» Il est à relever que, contrairement aux Américains, le général irakien a utilisé à plusieurs reprises le terme de «résistants» et non celui propre aux officiels américains, qui usent sans discernement du mot «terroristes». Il reste que le scrutin du 30 janvier est aujourd'hui au centre de la vague de violences qui a déferlé sur l'Irak, ce qui rend la participation de plus en plus incertaine, des sunnites à l'élection générale de la fin du mois. Outre la violence certes, la probable défection des sunnites préoccupe au plus haut point les autorités intérimaires irakiennes, au point que le ministre intérimaire de la Défense irakien, Hazem Chaalane, qui se trouvait au Caire, a avancé, lundi, la possibilité d'un report du scrutin au cas où les sunnites accepteraient d'y participer, indiquant que les élections prévues à la fin du mois en Irak «pourraient être reportées si les sunnites s'engagent à y participer». Ce qui a fait immédiatement réagir le département d'Etat américain, déclarant: «Nous croyons savoir que la commission électorale indépendante et le gouvernement intérimaire restent d'avis que ces élections doivent se tenir le 30 janvier, et nous restons sur cette base». Un aveu, indirect certes, qui montre néanmoins que le point de vue américain demeure prépondérant, dans la marche forcée vers des élections que l'environnement sécuritaire rend pourtant problématique. De fait, il est de l'intérêt des Etats-Unis que le scrutin se tienne le plus tôt possible quelles que soient les conditions sécuritaires existantes, Washi,ngton cherchant, à travers des élections «indépendantes» (?), à imposer le staff pro-américain qui dirige de facto l'Irak depuis le 1er juillet 2004 après le départ de l'administrateur en chef américain, Paul Bremer, le 30 juin dernier. Pour les Etats-Unis, c'est en fait dans une course contre la montre qu'ils sont engagés, en tirant profit du chaos qui règne actuellement et de la désorganisation de l'administration irakienne, pour imposer le profil politique qu'ils veulent pour ce pays gorgé d'or noir. Le renforcement probable de l'armée irakienne en gestation par des cadres militaires américains est un autre indice sur la mise en place par Washington de tout un système lui permettant le contrôle drastique du pays. Ainsi, le New York Time affirma dans son édition d'hier que les Etats-Unis envisagent d'envoyer en Irak, après les élections du 30 janvier, plusieurs centaines de conseillers militaires supplémentaires qui «travailleront directement dans les unités militaires irakiennes». Plus de 150.000 soldats américains sont stationnés en Irak, dont le départ de ce pays n'est pas prévu avant au moins une décennie si, d'ici là, la situation se décante.