Chahed a recadré son rival au sein de Nidaa Tounès Hafedh Caïd Essebsi a réuni le comité politique de Nidaa Tounès sans discontinuer, depuis mardi dernier, et il a obtenu, vendredi, le gel de l'adhésion de Youssef Chahed au parti assorti de la présentation de son «dossier» à la commission de discipline. On savait que le torchon brûlait depuis plusieurs mois au sein de Nidaa Tounès, le parti fondé par le président Béji Caïd Essebsi et grâce auquel il a accédé au pouvoir avec le soutien décisif de la formation islamiste «modérée» Ennahda de Rached Ghannouchi. Plus exactement, on savait que les couteaux étaient définitivement tirés entre Hafedh Caïd Essebsi, fils du chef de l'Etat et nuitamment directeur exécutif du parti après le départ de bon nombre de «compagnons» du président durant la campagne électorale, et Youcef Chahed, son parent plus ou moins proche et par ailleurs Premier ministre. L'inimitié fratricide avait franchi les grilles du palais de Carthage, lors de la réunion, en juin dernier, des signataires du pacte éponyme. HCE avait alors réclamé le départ de Chahed assorti d'un remaniement ministériel conséquent, mais il s'était heurté à un manque flagrant d'enthousiasme du chef de file d'Ennahda, Ghannouchi qui considérait à juste titre que la situation socio-économique était trop tendue pour l'aggraver par une minicrise politique. Mais Caïd Essebsi junior n'est pas homme à désarmer comme le prouve sa mainmise, patiemment conduite, sur le parti et l'éviction de tous ceux qui ne partageaient pas son programme. Fort du soutien du président Béji Caïd Essebsi qui a réitéré, voici deux semaines, la «nécessaire démission» du Premier ministre et de son équipe gouvernementale, eu égard à l'insuffisance de ses résultats et à la persistance de la crise économique, Hafedh Caïd Essebsi a réuni le comité politique de Nidaa Tounès sans discontinuer, depuis mardi dernier, et il a obtenu, vendredi, le gel de l'adhèsion de Youssef Chahed au parti assorti de la présentation de son «dossier» à la commission de discipline, faute d'une réponse sous vingt-quatre heures. Décision qui serait «justifiée» par le silence opposé par l'intéressé à un questionnaire dans lequel il lui était demandé de clarifier sa position par rapport au parti. C'est là une décision lourde de conséquences et qui s'explique en grande partie par le fait que Nidaa Tounès va tenir son congrès vers la mi ou, au plus tard, la fin janvier 2019. Et c'est à ce moment-là que l'investiture du candidat officiel du parti à l'élection présidentielle prévue qui interviendra quelques mois plus tard aura nécessairement lieu. Candidat ou pas, Hafedh Caïd Essebsi se devait d'écarter un rival aux dents longues, selon lui, pour le cas où la fortune pourrait lui sourire. La question qui se pose concerne, bien sûr, l'éventuelle candidature de Béji Caïd Essebsi qui n'a à aucun moment exclu qu'il ne serait pas candidat. Mais si, pour HCE, le choix n'est pas cornélien, tel ne semble pas le cas pour Youcef Chahed qui a pris ses distances vis-à-vis du clan présidentiel et s'est beaucoup rapproché de celui de Rached Ghannouchi, nécessité faisant loi. Or, le Premier ministre qui a ainsi résisté à la bourrasque venue de Carthage garde également dans son escarcelle quelques bottes secrètes grâce aux relations soutenues avec plusieurs personnalités dissidentes de Nidaa Tounès, victimes des ambitions de Hafedh Caïd Essebsi et dont «l'influence» pourrait lui être utile au moment opportun. Sauf que HCE a un argument de poids si l'on se réfère au contenu du communiqué relatif à «l'exclusion de Youcef Chahed» et à la préparation du congrès dont le chargé Ridha Charfeddine a été convié devant le comité politique pour désigner la commission ad hoc et rédiger le plan d'action. En effet, le même comité politique, piloté par Hafedh Caïd Essebsi, a redit sa «préoccupation (face à) la dégradation de tous les indicateurs économiques» avant d'exprimer son «entière solidarité avec la Centrale syndicale qui fait face à une campagne de dénigrement mettant en doute son rôle historique». Laquelle UGTT a descendu en flammes Youcef Chahed ces derniers mois et réclamé, à Carthage, son départ immédiat. Un appui de taille qui rend la tâche de HCE d'autant plus facile que Rached Ghannouchi, lors d'un tout récent tête-à-tête avec le président tunisien, a failli céder aux pressions et n'a dû son salut qu'à une volte-face devant les médias, comprenant l'appel à la démission de Chahed et plaidant pour donner du temps au temps. «Jusqu'à quand», lui dira sans doute Hafedh Caïd Essebsi?