S'il est vrai que le MJS a le droit de rétablir l'autorité publique, cela ne saurait se faire au détriment d'un autre texte de loi. Un nouveau décret sur les fédérations sportives a été approuvé la semaine dernière en Conseil de gouvernement. Encore un, devrions-nous dire, puisque depuis la promulgation de la loi 89/03 en 1989, c'est le troisième texte qui est élaboré en direction de ces structures sportives. Celui qui vient de sortir l'a été suite à la promulgation de la loi 04-10 du 14 août 2004 sur le sport et il prête déjà à discussion car s'il est du droit du MJS de rétablir l'autorité publique, cela ne saurait se faire au détriment d'un autre texte de loi, la loi 90-31 sur les associations qui a consacré le mouvement associatif en tant que partenaire actif et engagé de la vie sociale en Algérie. Lors de son intervention, dimanche soir, au forum du quotidien El Youm, le ministre de la Jeunesse et des Sports, M.Yahia Guidoum, a indiqué que du fait que ces fédérations vivaient de l'argent des subventions publiques, il était normal que les pouvoirs publics aient un droit de regard sur la gestion courante de ces instances. Le ministre a entièrement raison sur ce point puisqu'il s'agit de contrôler où va cet argent qui émane du Trésor public. On aurait voulu que le ministre aille plus loin et dise que la même rigueur sera appliquée pour les clubs. Car il s'agit d'être réaliste. Si gabegie il y a en matière de financement de sport, elle se situe, tout d'abord, au niveau des clubs. C'est chez ces derniers que l'argent coule à flots sans aucun contrôle. Il est certainement vrai que tout n'est pas clair en matière de gestion dans les fédérations sportives. Mais celles-ci sont constamment l'objet de contrôles tant par l'inspection du MJS que par les services de l'inspection des finances. Chez les clubs, il n' y a rien de tout cela et M.Guidoum a souligné dimanche soir que ce ne sont pas les écrits d'un commissaire aux comptes qui feront croire que ces clubs baignent dans l'honnêteté. Pour les contrôler, le ministre compte sur les DJS auxquels il voudrait donner plus de prérogatives. C'est prendre ces DJS pour plus que ce qu'ils sont en réalité, à savoir de simples commis de l'Etat qui ont peut-être une certaine autorité mais sûrement pas sur les présidents de nos grands clubs. Le ministre pourra leur donner la prérogative qu'il veut, ces DJS seront démunis face aux « pontes » de la division 1. N'oublions pas , en effet, que ces DJS dépendent aussi des walis et au nom de la paix sociale, ces walis ne veulent aucun problème avec les clubs. En tout cas, l'on remarquera que de 1990 à nos jours, l'Algérie a consommé près d'une dizaine de ministres de la Jeunesse et des Sports alors que des présidents de club sont toujours en poste, certains depuis plus de dix ans. Comme quoi celui qui est appelé à appliquer une politique sportive, le ministre, s'en va très facilement alors que ceux qui contribuent à la dérive du sport, les présidents de clubs du moins certains d'entre eux, sont toujours en place. Pour revenir au nouveau décret sur les fédérations sportives, le ministre a indiqué qu'il s'articule autour de trois axes, à savoir qu'un bureau fédéral ne saurait exercer plus d'un mandat de quatre ans, que le MJS nommera 30% des membres qui doivent assister à l'AG fédérale et que les subventions seront fixées en fonction d'un contrat programme que chaque fédération signera avec le MJS. Pour le troisième axe, il n'y a rien de nouveau. Jusqu'à aujourd'hui, une fédération ne reçoit (et encore avec beaucoup de retard sur ses prévisions et son programme) de l'argent qu'après en avoir discuté avec les services compétents du ministère de la Jeunesse et des Sports. En ce qui concerne les deux autres axes, il nous semble qu'il n'y a pas eu assez de réflexion dessus. Imposer un seul mandat de 4 ans à un bureau fédéral ne répond à aucune logique. Les règles de la démocratie supposent que lorsqu'on est au pouvoir, après avoir gagné des élections, et que l'on réussisse dans sa politique, on ait la possibilité de postuler pour un second mandat. Là, avec de la réussite ou pas, vous êtes prié de plier bagage au bout de 4 ans. Imaginons un seul instant qu'un président de fédération et son bureau fédéral parviennent à remporter une coupe du monde dans la discipline qu'ils gèrent, ils devront quitter les lieux comme de vulgaires bandits. Et puis n'est-ce pas là un encouragement au laisser-aller? Si un président et son bureau fédéral savent qu'ils ne sont en poste que pour 4 ans quels que soient les résultats obtenus, comment peut-on les motiver à travailler? Leur unique souci consistera à profiter de ces 4 années pour servir leurs propres intérêts plutôt que ceux de la discipline pour laquelle ils ont été élus. En tout cas, cela porte un coup terrible à la souveraineté de l'assemblée générale fédérale, une souveraineté consacrée par les dispositions de la loi 90-31 sur les associations. Car un président et son bureau fédérale ne peuvent être jugés dans leur travail que par l'assemblée générale qui les a élus. Cette souveraineté est également mise à mal par les 30% des membres que le MJS compte injecter dans l'assemblée fédérale. Il s'agit là d'un retour en arrière vers le fameux tiers bloquant des années 90 par lequel le ministère voulait avoir le contrôle de la fédération. Seulement les choses ont évolué pour certaines fédérations, notamment pour la plus puissante d'entre elles, celles du football. C'est parce que le MJS s'était trop mêlé des histoires de celle-ci en 1996 et 1997 que le sport algérien avait vécu l'une des plus grosses humiliations de son histoire. C'était à cette période-là qu'une organisation étrangère, la Fifa, était venue contrôler les travaux de l'AG d'une association authentiquement algérienne, la FAF. L'homme que celle-ci avait choisi pour président, Mohamed Laïb, avait été prié, trois mois plus tard, de quitter son poste par l'instance de Zurich qui avait demandé aux autorités politiques du pays de tout reprendre à zéro. Lorsqu'il était à Alger pour assister à l'AG élective qui avait porté Mohamed Laïb à la présidence de la FAF, le représentant de la Fifa, le secrétaire général, Michel Zen Rufinen avait été tout miel indiquant que tout s'était déroulé dans la transparence la plus parfaite. Mais une fois à Zurich, il avait dressé un tableau noir de la situation et souligné que le MJS s'était trop occupé de cette AG. Résultats des comptes, la FAF a eu le président le plus éphémère de son histoire et enlevé sur instruction de la Fifa. Selon M.Guidoum, les décisions prises dans le décret sur les fédérations sportives relèvent de la souveraineté algérienne et la Fifa n'a rien à y voir. C'est vrai mais n'oublions pas que la FAF adhère à cette Fifa et de ce fait notre football peut participer aux compétitions internationales. Maintenant si l'on veut qu'il vive en autarcie, sans aucun contact avec l'extérieur, c'est une autre histoire. Il est vrai que les lois algériennes sont prioritaires mais ces lois sont rédigées en fonction des accords internationaux que nos dirigeants ont signés. Le ministre a cité le Maroc et la Tunisie, qui, d'après lui, sont des fédérations dirigées par des personnalités désignées par leur ministère des Sports. Il faudrait être plus précis sur ce point car si l'on ne conteste pas le fait que les ministères des Sports , marocain et tunisien, sont partie prenante dans la désignation des responsables des fédérations sportives, ils s'y prennent d'une manière que la Fifa ne peut contester. En tout cas, à ce jour, il n'y a eu que l'Algérie dans la zone maghrébine (l'Egypte n'est pas concernée) à avoir eu la Fifa sur le dos pour une histoire d'élections à la FAF. Il s'agit donc de faire preuve de prudence et ne pas s'aventurer dans des affaires qui nuiraient au mouvement sportif national surtout que le CIO a instruit les fédérations internationales de son souci de voir des représentants non-gouvernementaux dans les assemblées générales des associations nationales qui leurs sont affiliées. Ce que l'on retiendra, c'est qu'on est à des années lumière du discours prôné par Guidoum lorsqu'il venait d'être installé. A l'époque, il parlait d'un partenariat avec les fédérations sportives. Là, elles sont priées de se mettre au pas et d'obéir. Le parler d'un jour n'est pas toujours celui du lendemain.