Le pont piétonnier reliant les deux agglomérations de Sidi Aïch finira sans doute un jour par être baptisé «le pont de la mendicité». En effet le pont qui connaît une affluence quotidienne de par le nombre de passants semble être le lieu privilégié de certaines femmes et enfants venus de nulle part pour squatter les deux entrées de l'ouvrage à la recherche de pathétiques pièces de monnaie. Tous les moyens sont bons pour provoquer un déclic chez le passant pour mettre la main à la poche et lancer une pièce à l'intérieur de l'assiette soigneusement posée sur le trottoir. Mercredi passé, le jour du marché hebdomadaire un fait insolite s'offre aux yeux des passants. Une gamine d'environ quatre ans, visiblement réveillée tôt, est déposée à l'intérieur d'un carton au milieu du pont. Sur sa poitrine un écriteau ou plutôt une épitaphe où il est écrit en rouge «A tous mes frères, je vous supplie de m'aider, je suis une orpheline. Aidez-moi, Dieu vous le rendra». Pour capter les regards des passants, des boîtes d'Aspégic, Clamoxyl et Ventoline sont éparpillées devant l'enfant. Une manière de dire que l'enfant est souffrant et incapable de s'acheter les médicaments nécessaires. A l'autre bout du pont, ce sont des nuées d'enfants qui vous ceinturent pour vous persuader à glisser une pièce dans une des boîtes de conserve qu'ils vous tendent. Tout ça sous le regard malicieux d'une femme habillée en noir tendant la main aux regards baissés. Décidément les efforts que fournit l'Etat à travers le ministère de la Solidarité n'ont pas provoqué l'effet escompté alors que la pauvreté continue de gagner du terrain. Des pans entiers de la société sont livrés à eux-mêmes en ce mois sacré, devenu par l'absurde le mois où les uns s'enrichissent et où les autres s'endettent. Le mois aussi où le fossé se creuse entre ceux qui se gavent jusqu'à saturation alors que d'autres ne trouvent même pas de quoi manger.