Le vide laissé par Mohand Akli Haddadou est d'autant plus difficile à combler qu'il intervient au moment où l'Etat algérien a commencé à réhabiliter la langue amazighe. Le décès de Mohand Akli Haddadou, professeur universitaire, écrivain et chercheur, survenu avant-hier à Alger, laissera un vide immense dans le monde de la culture et de la langue amazighes. Mohand Akli Haddadou était l'un des chercheurs les plus compétents et les plus prolifiques dans tout ce qui a trait à cette culture ancestrale. Le vide laissé par Mohand Akli Haddaou est d'autant plus difficile à combler qu'il intervient au moment où l'Etat algérien a commencé à réhabiliter la langue amazighe en lui conférant le statut de langue nationale et officielle et à la veille du lancement historique de l'Académie algérienne de langue amazighe. Mohand Akli Haddadou n'a pas hésité à exprimer haut et fort toute sa satisfaction, voire sa joie à chaque fois que tamazight enregistrait des acquis incommensurables après des décennies de déni volontaire. Mohand Akli Hadaddou a qualifié la reconnaissance de tamazight comme langue nationale en 2001 de révolution, autant que son officialisation en 2016 sur décision du président de la République après un long combat qui a poussé des hommes et de grands militants à sacrifier toute leur vie pour que ne disparaisse pas l'amazighité, langue, culture et histoire. Mohand Akli Haddadou n'a jamais été tenté par l'usage politicien à outrance de la cause amazighe dont c'est le cas de pas mal de «spécialistes» de l'amazighité autoproclamés. Mohand Akli Haddadou faisait, à chaque fois, preuve de réalisme et de positivisme étant convaincu que tamazight a parcouru un chemin énorme depuis, notamment le début des années quatre-vingt dix avec le lancement des deux départements de langue et culture amazighes des universités de Béjaïa et Tizi Ouzou. Mohand Akli Haddadou s'est plutôt investi à fond dans le travail de recherche dans le domaine de la culture, la langue et l'histoire amazighes de l'Algérie et de l'Afrique du Nord de manière générale. Il a d'ailleurs exploré plusieurs aspects de la langue et culture amazighes comme les noms des lieux et les prénoms dont il n'a pas cessé de creuser pour retrouver l'origine berbère et prouver de ce fait, à ceux qui osaient en douter encore, que tout, en Algérie, était à l'origine, amazigh. Mohand Akli Haddadou menait donc à sa manière le combat pour l'identité berbère. C'est à travers la recherche, presque tous azimuts, que Mohand Akli Haddadou a apporté sa contribution incommensurable au combat identitaire. Il fallait bien que des chercheurs accompagnent le combat mené sur le terrain, notamment dans les rues et les prisons, pour la reconnaissance politique et institutionnelle de l'histoire, culture et langue berbères. Hadaddou a compris cet enjeu même si, pendant les années soixante-dix et quatre-vingt, il était difficile d'être optimiste au point de croire qu'un jour, tamazight allait devenir langue nationale et officielle en Algérie, la répression que subissaient tous les militants de cette cause faisant foi. Mohand Akli Haddadou a compris cet enjeu: si le pouvoir algérien venait à «prendre de court» les militants du mouvement culturel berbère en satisfaisant leur revendication, il fallait qu'il y ait impérativement de la matière sur le terrain scientifique. Autrement, le combat aura été vain. C'est pourquoi, Mohand Akli Haddadou n'a pas cessé de faire des recherches sur le terrain et d'écrire des centaines puis des milliers de pages afin que le jour où tamazight allait être enseignée un certain mois de septembre 1995, puis devenir une langue nationale en 2002 puis langue officielle en 2016, l'élève, le lycéen et l'étudiant qui se présentera à la bibliothèque trouvera quelques livres en tamazight et sur tamazight à «se mettre sous la dent». Mohand Akli Haddadou est, certes, parti très tôt. Il n'avait que 63 ans. Mais il a eu la chance de voir la langue et la culture pour lesquelles il a voué sa vie réhabilitées entièrement dans son pays. Même Yennayer, le jour de l'An berbère est devenu une journée de fête nationale chômée et payée. Mohand Akli Haddaddou a assisté pleinement à cette victoire du combat identitaire en Algérie. Il aurait tant aimé voir l'Académie algérienne de langue amazighe installée enfin. Mais le destin en a décidé autrement. Toutefois, le nom de Mohand Akli Haddadou restera éternellement gravé à côté de ceux d'au tres monuments de la recherche et de l'écriture amazighes comme Mouloud Mammeri, Younès Adli, Salem Chaker, Si Amar U Said Boulifa, Amar Mezdad, Kamel Nait Zerrad...