Dans quelques jours, commencera en France une grande consultation dont le président Emmanuel Macron a établi les quatre grands thèmes, lors de son allocution télévisée de mi-décembre, en réponse aux revendications des Gilets jaunes. Parmi ces thématiques, a été évoquée de manière quasi furtive celle de l'identité nationale, comme en écho aux déclarations grandiloquentes de Nicolas Sarkozy lorsqu'il fustigeait à longueur de temps l'immigration, «source de tous les problèmes des Français». Ce faisant, Macron a donc choisi d'ouvrir une brèche pour l'extrême droite qui n'en demandait pas tant, loin des attentes ou des réclamations des manifestants qui, depuis le 17 novembre, ont un seul et unique leitmotiv, celui du pouvoir d'achat dont l'érosion a atteint, voire dépassé, les limites du supportable. On se demande, dès lors, à quoi joue le chef de l'Etat français, au moment où les foules réclament de vraies mesures économiques et la restitution de leur souveraineté sur les instances censées les représenter, à travers le référendum d'initiative citoyenne, le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune, la revalorisation franche et nette du SMIC, et l'indexation des retraites et autres pensions sur le taux de l'inflation... Sous prétexte de mettre en adéquation le pays avec son «identité profonde», le voilà qui occulte les réponses tant attendues sur l'état d'urgence socio-économique à l'origine du mouvement des Gilets jaunes dont on ne voit pas comment il pourrait s'en dépêtrer s'il s'obstine à suivre la politique de l'autruche. Bien plus qu'étrange, son laïus à la fin de son allocution sur les «malaises» de la société française accolés à la question de la «laïcité bousculée», constitue, à bien des égards, un glissement plus que sémantique, mais contrôlé jusqu'à quel point? Son discours était visiblement soupesé, milligramme par milligramme, et il n'est donc point question de revendiquer un quelconque hasard, quand il invoque un «débat sans précédent sur tous les changements de fond» que réclameraient, à son sens, les Gilets jaunes. Ce serait lui faire injure que de croire son verbe approximatif et la conjugaison de mots si particuliers au règne de son conseiller Nicolas Sarkozy («débats» sur la laïcité, l'identité, l'immigration, le karcher, etc....) paraît annonciatrice du retour à une thématique inscrite dans un ministère en charge de cette stratégie. Exit, ainsi, le rempart progressiste des premières heures du macronisme, nimbé des auréoles d'une culture française à tout venant et laudateur à souhait d'Angela Merkel qui était, alors, «l'honneur de l'Europe». La vague populiste déferle sur le Vieux Continent et il semble que la seule parade que puissent trouver Macron et d'autres consiste, hélas, à s'asseoir sur le banc qu'occupe déjà Marine Le Pen.