En plein marasme économique, le Soudan est le théâtre depuis le 19 décembre de manifestations quasi quotidiennes. Le président soudanais Omar el-Béchir a annoncé vendredi le limogeage du gouvernement et décrété l'état d'urgence dans tout le pays, secoué depuis deux mois par des manifestations réclamant son départ. «Je décrète l'état d'urgence dans tout le pays pour un an», a déclaré le président soudanais, 75 ans, dans un discours télévisé à la nation. «J'annonce la dissolution du gouvernement aux niveaux fédéral et provincial», a ajouté l'homme fort du pays, qui compte briguer un troisième mandat en 2020. «Notre pays traverse une situation difficile et compliquée, la plus difficile de son histoire», a affirmé M. Béchir. «Les problèmes économiques doivent être traités par des gens qualifiés et à cette fin, je formerai un gouvernement composé de personnes aux qualités» requises, a-t-il ajouté. Cinq ministres du gouvernement sortant, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, conserveront leur portefeuille, a annoncé quelques heures plus tard le président soudanais, qui a aussi nommé à la tête des 18 régions du pays 16 officiers de l'armée et deux responsables de la sécurité. En plein marasme économique, le Soudan est le théâtre depuis le 19 décembre de manifestations quasi quotidiennes, déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain. La contestation s'est vite transformée en un mouvement réclamant la chute du président Béchir, qui tient le pays d'une main de fer depuis 1989. D'après des experts, ce mouvement est son plus grand défi en trois décennies. Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le 19 décembre. L'ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts, dont des enfants et des personnels médicaux. Le président, qui impute les violences à des «conspirateurs», avait déclaré en janvier que la seule façon de changer le pouvoir en place était de passer par les urnes. En dépit de la répression, l'Association des professionnels soudanais, qui regroupe notamment des médecins, enseignants et ingénieurs, maintient la pression en appelant à des manifestations quotidiennes à travers le pays. Jeudi encore, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays dont la capitale Khartoum, où des militants et membres de l'opposition soudanaise ont été arrêtés. Le principal chef de l'opposition, Sadek al-Mahdi, a dit soutenir le mouvement. Dernier Premier ministre élu, il avait été chassé du pouvoir par le coup d'état fomenté en 1989 par M. Béchir. La répression des manifestations a suscité des critiques à l'étranger. Un haut responsable américain a notamment prévenu mercredi que l'usage de la «violence excessive» par les forces de sécurité soudanaises était inacceptable et pourrait menacer les discussions pour retirer le Soudan de la liste américaine des «états soutenant le terrorisme». Les Etats-Unis ont peu à peu repris leurs relations diplomatiques avec le Soudan après des décennies de tensions. Khartoum avait notamment accueilli le chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden dans les années 1990. Le gouvernement de Donald Trump a décidé en 2017 de lever certaines sanctions imposées au Soudan depuis 1997. Les états-Unis ont en revanche maintenu le Soudan sur leur liste des états soutenant «le terrorisme».