Avec à la clé plus de 13 années d'expérience au sein même de la direction du Front des forces socialistes (FFS), Hakim Belahcel en qualité de chef de cabinet du présidium, de membre du comité d'éthique, du conseil national et de la commission administration du CN, et surtout de président de la commission de contrôle des finances, il y a à peine une semaine, Hakim Belahcel a été désigné, à l'unanimité, premier secrétaire national, donc, du premier et plus ancien partie d'opposition en Algérie. Le nouveau SG du FFS a d'emblée annoncé la couleur quant à la position de son parti: «La proposition de Bouteflika consistant à lancer un nouveau processus de redressement et d'ouverture ne trouve point d'interlocuteur au FFS». En effet, Hakim Belahcel s'interroge: «Pourquoi prêter l'oreille à un pouvoir autiste et opiniâtre qui a, à chaque opportunité, récupéré les slogans et les idées de la véritable opposition afin de les vider de leur sens et les utiliser à son profit, comme par exemple les lois relatives à la Réconciliation nationale, l'officialisation de la langue amazighe, le multipartisme, la liberté de la presse...» De là, cadres et militants du FFS sont dans la rue avec le peuple: «Nous disons à ces prophètes du malheur: dégagez.» L'Expression: Vous avez été nommé premier secrétaire national du plus vieux parti d'opposition, dans un moment crucial: les défis sont majeurs. Qu'en est-il de votre projet? Hakim Belahcel: En premier lieu et avant de répondre à vos questions, permettez-moi de saluer les lecteurs de votre quotidien et par la même occasion nos chers concitoyens d'ici et d'ailleurs. Comme vous l'avez rappelé, l'instance présidentielle du FFS vient de me nommer au poste de premier secrétaire du parti. Cette désignation a été effectuée, faudrait-il le signaler, dans le strict respect des statuts issus du 5ème congrès national et conformément au principe de collégialité qui régit le fonctionnement de l'instance exécutive suprême du Front des forces socialistes. J'ajouterai ici, que le principe de l'alternance est consacré dans nos moeurs politiques et ma nomination vient donc perpétuer une tradition démocratique instaurée par nos prédécesseurs et inspirée par notre père spirituel Hocine Ait Ahmed. Je profite aussi de cette opportunité pour remercier les camarades qui m'ont fait confiance pour mener cette noble mission et celles et ceux qui m'ont adressé de nombreux messages de soutien et d'encouragement. Mes remerciements sont chaleureusement destinés aussi à mon prédécesseur, à savoir le camarade Hadj Djilani Mohamed qui a consenti des efforts colossaux afin de mener à bien sa mission à la tête du secrétariat national du FFS. Effectivement, nous sommes en train de vivre un moment fondamental dans l'histoire contemporaine de notre pays. De l'avis de la majorité des observateurs de l'actualité nationale, d'ici et d'ailleurs, l'épisode que nous vivons avec stupéfaction aujourd'hui, n'a rien à envier à la date emblématique du 1er Novembre 1954 en termes d'adhésion populaire à travers le pays et en termes de répercussions sur le devenir de la nation algérienne. Il est vrai aussi qu'il est très tôt encore pour en tirer toutes les conclusions et surtout se risquer à crier victoire, vu les expériences politiques dramatiques et désastreuses que nous avons eu à vivre pendant plus d'un demi-siècle passé sous la chape de plomb d'un régime despotique et autoritaire. Car, le peuple algérien et à travers son histoire n'a jamais été un peuple asservi et résigné! Bien au contraire. La lutte contre l'ordre établi a été précoce et a pris racine dès la révolte de l'été 1963 qui a fondé le FFS, premier parti opposé à la junte militaire qui a pris le pouvoir par la force. Depuis, face aux coups de force répétés, face aux violations des droits de l'homme, face aux interdits, face aux interminables fraudes électorales, face à la hogra et face à tous les abus d'autorité de toutes natures, des générations de militants et d'opposants, dont beaucoup ont sacrifié leurs vies, n'ont cessé de se révolter et de manifester leur colère face au régime militaro-policier. Ce que nous vivons aujourd'hui comme déferlante populaire et pacifique n'est que le fruit d'un marasme multidimensionnel et incommensurable qui a su mûrir à l'abri de toutes les attentes. Ce que nous tenons à mettre en exergue au FFS, avec beaucoup d'humilité et de modestie, c'est la concordance de l'essentiel des revendications portées par les millions de nos concitoyens avec les revendications historiques de notre parti et de son président feu Hocine Ait Ahmed. Il est donc incontournable de rappeler que le FFS a consenti des sacrifices et payé le prix fort de sa lutte pour l'autodétermination du peuple algérien et de son combat permanent afin de rester autonome et fidèle à ses principes et valeurs. Cela me conduit à vous signaler aussi, qu'à chaque fois que notre pays traverse un moment important de son histoire et que notre parti est appelé -grâce à sa crédibilité et son autonomie de décision - à jouer un rôle majeur sur la scène politique, on nous parasite avec des pseudos crises, destinées à freiner notre élan et à nous détourner de l'essentiel! Au FFS, nous avons consacré une éthique politique inviolable et infranchissable, celle qui consiste à pouvoir et à devoir s'exprimer au sein de nos instances d'une manière libre et démocratique. Pour ma part, je m'engage à perpétuer ce principe et à oeuvrer avec l'ensemble des cadres et militants du FFS à consolider la sérénité au sein de nos rangs et de nous occuper de l'essentiel, à savoir accompagner le peuple algérien qui est en quête de sa libération. C'est le plus important! Ce que propose le pouvoir en place ressemble à une Constituante et l'instauration d'une IIe République. Des revendications si chères à feu Hocine Ait Ahmed? Le FFS participera-t-il à ce processus? Officiellement, il est question de l'organisation d'une conférence nationale qui aboutira à une révision de la Constitution. Ne considérez-vous pas que cela aille dans le sens d'un processus constituant, une revendication historique du peuple? Nous dirigeons-nous vers l'instauration d'une IIe République? Le FFS est un parti aguerri et responsable. Nous n'avons pas le droit d'ignorer ce que revendique inlassablement le peuple algérien pour nous consacrer à un autre exercice, celui de déchiffrer ce que veut faire le pouvoir. Entre un peuple qui exige le départ sans délais du régime et ses supplétifs, et un pouvoir qui cherche à tout prix à se maintenir à travers ses ruses et ses manigances, le choix est aisé et vite fait! L'une des revendications historiques du FFS que je suis fier de vous rappeler ici, c'est le changement radical du système! Sinon, comment faire confiance aujourd'hui à un pouvoir qui a, à chaque fois recouru soit à la répression sauvage, soit au mensonge et à la ruse dans ses rapports avec la population? Comment croire aujourd'hui les promesses d'un régime agonisant en quête d'un sursis alors, qu'à l'apogée de son hégémonie et au moment où la rente pétrolière était très confortable, il avait ignoré toutes les voix discordantes et avait investi dans la prolifération de la corruption et le bradage des deniers publics? Pourquoi prêter l'oreille à un pouvoir autiste et opiniâtre qui a, à chaque opportunité, récupéré les slogans et les idées de la véritable opposition afin de les vider de leurs sens et les utiliser à son profit. Les exemples sont nombreux, et je peux citer notamment les lois scélérates de la Réconciliation nationale, l'officialisation de la langue amazighe, le multipartisme, la liberté de la presse et la liberté de créer des associations, etc. Aujourd'hui, paniqués et désorientés, les décideurs ont choisi de nous exhiber le mirage d'une conférence nationale inclusive dite de consensus. Il faut souligner ici que c'est un leurre et que c'est très en-deçà de la revendication d'un processus constituant! Une Assemblée constituante est l'émanation du peuple dans toutes ses sensibilités politiques, idéologiques et sociales, qui décide, en toute souveraineté et dans le cadre d'un deal historique, sur la nature du régime politique que l'on veut et sur le contrat social auquel adhérera tout le peuple algérien. C'est ainsi et seulement ainsi que naîtra la IIe République algérienne, sous le contrôle et le suivi d'un peuple organisé et mobilisé. Voilà succinctement, les rapports qu'a toujours eu le pouvoir avec les revendications et idées émanant principalement du FFS à travers l'histoire et dont il est très long de relater l'intégralité.Combien même cela peut s'avérer utile car, plus que jamais, nos propositions sont et seront au coeur de ce qui adviendra. Quelle solution proposera le FFS pour une sortie de crise, quels sont les mécanismes et les conditions nécessaires pour réussir un tel processus? Comme je l'ai affirmé dans votre précédente question, le FFS n'a pas été uniquement une force majeure de propositions, mais il a été surtout une école politique pour des générations entières de militants. Notre parti a toujours été le terreau qui a favorisé la traduction de toutes les attentes populaires en revendications politiques. Toutes les revendications étaient prises en charge, qu'elles soient identitaires, droit de l'homme, liberté d'expression, multipartisme, etc. Tout un programme donc et toute une vision pour construire un Etat sur des assises démocratiques et sociales. Malheureusement, le pouvoir, avec son arrogance maladive, a toujours rejeté nos propositions de sortie de crise. Au risque de me répéter, le FFS a toujours lutté pour l'avènement de la IIe République dont la Constitution soit l'émanation d'une Assemblée constituante souveraine, élue démocratiquement par le peuple algérien. L'exemple tunisien n'est pas si loin pour ne pas s'en inspirer. Il faut rappeler néanmoins, que notre parti a même énoncé et d'une manière détaillée les mécanismes et les étapes idoines pour arriver à cet objectif revendiqué majoritairement aujourd'hui par des millions de nos concitoyens. Cette proposition de sortie de crise date de Janvier 2004 et a été intitulée comme suit «proposition de sortie de crise pour l'avènement de la IIe République». Le FFS est-il prêt à rentrer dans des alliances ou des regroupements politiques projetant de conduire le mouvement populaire pour atteindre ses objectifs? Le FFS est un parti de propositions, de dialogue et de compromis.Mais il n'a jamais été et ne sera jamais un parti de compromission! Depuis sa fondation, notre parti n'a jamais fermé la porte à l'option de dialogue afin de trouver les issues les moins coûteuses pour notre peuple et pour notre pays. Cependant, nous considérons à ce stade-là, que la prudence est plus que jamais de mise. L'histoire récente nous a enseigné que l'addition des sigles d'organisations politiques ou autres n'est pas forcement la bonne orientation. Nous restons attentifs à l'évolution des événements tout en maintenant notre cap, celui de rester avant tout, aux côtés du peuple dans sa formidable dynamique. Ceci dit, dans le cadre d'une Assemblée constituante, il ne sera pas exclu que le FFS sera sur la même longueur d'onde que des partis de la même matrice idéologique et sociétale et que l'on sera amené à mener des batailles ensemble pour un projet de société démocratique et sociale, ouvert sur les valeurs modernes et universelles. Allez-vous prendre part à un gouvernement provisoire ou à une quelconque instance chargée de préparer ou de gérer la transition? Vous me donnez là une opportunité pour démentir catégoriquement toutes les rumeurs et allégations colportées par un quotidien arabophone national et qui insinuait que le FFS aurait été invité à participer à la conférence nationale du consensus initiée par le pouvoir. Je réaffirme encore une fois notre position officielle dénuée de parasitage et de désinformation, «notre camp est dans la société et notre cap c'est de continuer à lutter pacifiquement jusqu'à l'avènement de la IIe République telle que souhaitée par nos aînés et à leur tête feu Hocine Ait Ahmed».