Quand verra-t-on, donc, un officiel français se prosterner au carré des martyrs et demander pardon au peuple algérien? On dit qu'ils avaient inspiré les initiateurs des manifestations du 17 octobre 1961 à Paris. La commémoration du 45e anniversaire des événements du 11 décembre 1960, cet autre épisode du combat du peuple algérien pour le recouvrement de sa souveraineté, intervient quelques jours seulement après le rejet par l'assemblée française de l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février dernier, louant les «bienfaits» de la colonisation. Une loi adoptée par le parti de la majorité (UMP), à contre-courant du processus de normalisation enclenché ces dernières années, entre Alger et Paris. Avec comme aboutissement, la signature du traité d'amitié, prévue initialement pour la fin de l'année en cours, le processus de rapprochement initié par les deux chefs d'Etat, Abdelaziz Bouteflika et Jacques Chirac, est en butte à des obstacles, de la part de revanchards, pour qui l'amitié avec l'ancienne colonie signifierait «reddition». Les déclarations successives d'officiels français, appuyées par les décisions des institutions en faveur de la remise en cause du combat libérateur, attestent du refus de la France de voir en face son passé colonial. Elle refuse même le concept de repentance. En somme, les Français se voient mal demander pardon au peuple algérien, limitant la question à une simple question de réécriture de l'histoire entre les deux pays. Pas question de se repentir et pas question aussi de «lâcher» les harkis. Ces derniers ont d'ailleurs été décorés de la légion d'honneur par Jacques Chirac et honorés à plusieurs reprises par son chef du gouvernement Dominique De Villepin. Ce dernier qui curieusement considère, au moment où la polémique bat son plein autour de la loi de la honte, que ce n'est pas au Parlement français d'écrire l'histoire. Pourtant, c'est la majorité à laquelle il appartient qui est à l'origine de la loi du 23 février 2005. «Ce n'est pas aux politiques, ce n'est pas au Parlement d'écrire l'histoire ou de dire la mémoire». «C'est la règle à laquelle nous devons être fidèles», a-t-il ajouté, assurant qu'il «n'y a pas d'histoire officielle en France». Des déclarations révélatrices de la gêne dans laquelle se sont embourbées les autorités françaises, soumises à une pression soutenue de la part, de l'opposition qui exige sine die le retrait de la loi sur la colonisation. Il est somme toute clair que les autorités officielles françaises sont aux abois, d'autant plus qu'après le «veto» d'Alger, c'est au tour des départements d'outre-mer, la Martinique de hausser le ton par rapport à la loi controversée. La célébration par le peuple algérien du 45e anniversaire des événements du 11 décembre 1960, constitue une occasion pour relancer le débat sur les relations algéro-françaises, longtemps empreintes de tension et du poids du passé colonial. Quand verra t-on, donc un officiel français se prosterner au carré des martyrs et demander pardon au peuple algérien? Un geste auquel la France a eu droit de la part des Allemands dans les années 60, quand le chancelier Konrad Adenauer s'est recueilli à la mémoire de Jean Moulin, demandant pardon au peuple français pour les crimes commis par les nazis, durant la Seconde Guerre mondiale.