Le Liban semble être entré dans une phase de suspicion aiguë marquée par la rumeur qui affole la capitale libanaise. Depuis l'assassinat lundi dernier du député et journaliste, Gebrane Tuéni, le Liban vit une période de défiance, doutant de tout, voyant la mort partout, au moment où les rumeurs les plus folles envahissent Beyrouth et ses banlieues, mettant les nerfs de la population et plus certainement des autorités à vif. De fait, plusieurs alertes à la bombe, qui se sont révélées infondées après coup, ont semé ce week-end la panique parmi la population libanaise. Les démentis du gouvernement sont de fait noyés sous le flot ininterrompu d'alertes à l'attentat qui ont déferlé ce week-end sur le pays. Ainsi, une série de fausses alertes à la bombe ont quasiment paralysé de nombreuses banques parmi lesquelles la Banque centrale et des entreprises qui ont dû faire évacuer leurs personnels, contribuant à accentuer le malaise qui étreint le pays. Face à ce déferlement de rumeurs qui, outre de paralyser le pays, plonge la population dans le doute, le commandement de l´armée a annoncé avoir arrêté huit personnes qui «propageaient des informations mensongères sur la présence d´explosifs dans un hôtel». Beyrouth était spécifiquement visée, où «un énorme» attentat était annoncé par cette rumeur pour samedi (avant-hier) contribuant à créer un début de panique parmi la population beyrouthine. La peur qui s'est emparée de la population est encore excitée par les prophéties attribuées à Michel Hayeck lequel avait auparavant, notamment, prédit l'assassinat de Rafik Hariri. La plupart de ces prédictions sont attribuées à Michel Hayeck, un voyant dont les prophéties faites au début de l´année se sont presque toutes réalisées. Dans son édition de samedi le quotidien de langue anglaise The Daily Star, publiait une liste (de ces prédictions) annonçant notamment qu´An Nahar allait être secoué à deux reprises en 2005. De fait, Gebrane Tuéni, directeur d'An Nahar a été assassiné lundi dernier, et un de ses éditorialistes, et écrivain de renom, Samir Kassir, a été tué le 2 juin dans un attentat à l´explosif. M.Hayeck qui avait, entre autres, prédit l´assassinat de Rafik Hariri a déclaré samedi à la presse n´avoir pas fait de nouvelles prophéties et demandé à la population de ne pas croire les courriers électroniques et SMS qui lui sont attribués. A la longue, ces rumeurs ont un impact direct sur la stabilité du pays qui vit en outre une crise gouvernementale induite par les derniers développements de l'affaire Hariri et les rapports de la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais. Ainsi, le cabinet de coalition de Fouad Siniora peine-t-il à maintenir sa cohésion après le gel d'activité de cinq ministres chiites d'Amal et du Hezbollah depuis la mort de Gebrane Tuéni et surtout après la demande au Conseil de sécurité, faite par le Premier ministre Fouad Siniora, de constituer un tribunal international pour juger, outre l'affaire Hariri, tous les assassinats ayant endeuillé le Liban ces derniers mois. C'est dans ce contexte difficile marqué par la rumeur et le soupçon que le grand ayatollah libanais, Mohamed Hussein Fadlallah, haut dignitaire du chiisme libanais, est intervenu samedi appelant les Libanais a rester unis après l'assassinat de Gebrane Tuéni, indiquant, depuis Damas dans une déclaration à la chaîne Al Jazeera, lors d'un programme spécial consacré à Gebrane Tuéni, «Je m´adresse à tous les Libanais, à nos enfants, à nos frères, au lendemain de cette catastrophe qui nous a tous affectés et a affecté la liberté et la stabilité du pays», et le cheikh de plaider: «Je dis à tous les Libanais: ayez de la compassion pour votre pays, faites que le Liban soit un modèle de compassion!». Et d'adjurer ses compatriotes: «Ne faites pas de votre diversité confessionnelle une raison pour l´animosité et la haine, faites en sorte qu´elle soit une source de richesse (...) que le Liban, avec sa diversité culturelle soit un lieu de spiritualité rayonnante, un havre d´espoir pour la région tout entière». Mais le Liban est aujourd'hui entré dans une phase d'incertitude après la série d'assassinats ciblés qui font renaître le spectre de la guerre qui a déjà mis sur les genoux le pays entre 1975 et 1990. Le consensus obtenu par l'accord de Taef qui mit un terme à la guerre civile est ainsi de plus en plus fragilisé remettant à l'ordre du jour une période marquée par le sang que les Libanais pensaient avoir su dépasser et surmonté les défiances qu'elle a pu créer parmi les diverses confessions et ethnies du pays. Dès lors, le Liban est-il condamné à constamment repartir de zéro?