Le rejet inconditionnel des symboles du pouvoir a marqué le 10ème acte, frissonnant, des manifestations à Annaba. Depuis le 22 février dernier, soit plus de deux mois, Annaba vit au rythme d'un mouvement populaire qui, au vu des banderoles et des pancartes, ne semble pas se détourner de ses revendications initiales. En ce 10e vendredi, les manifestants ne cessaient de réitérer l'instauration de la IIe République, sans les symboles du pouvoir bouteflikiste. Ceux-là, qualifiés de «bande mafieuse» qui ont dilapidé l'argent public et hypothéqué l'avenir du pays. Dix semaines durant, Annaba, toujours déterminée au sein d'un mouvement intact dédié à des revendications ne pouvant en aucun cas faire l'objet de deal. Se disant prêts à accepter toutes propositions pouvant sortir le pays de la crise, à condition que Bensalah et Bedoui n'y figurent pas. Questionnés sur l'évolution des évènements ayant marqué la semaine écoulée, plusieurs manifestants ont, à l'unanimité, réagi aux multiples discours de Gaïd Salah, aux poursuites lancées par la justice contre des hommes d'affaires et aux limogeages de plusieurs responsables, estimant pour la plupart, que «les démarches restent amputées de l'essentiel». Selon l'un des manifestants, «les arrestations doivent commencer par la présidence, il faut arrêter Saïd Bouteflika, qui est toujours conseiller à la Présidence». Pour une manifestante «le frère du président continue de diriger El Mamlaka El Bouteflikia, et nous on continuera jusqu'à ce qu'ils partent tous». De l'autre côté du Cours de la révolution, les drapeaux nationaux flottent entre les mains d'une jeunesse en furie, scandant «Bensalah dégage, Bedoui dégage», une autre marée humaine empruntant la rue Gambetta scande «Lebled Bledna ou Ndirou Rayna» et «Tethasbou gaâ ya serakin», entre autres slogans hostiles lancés à l'encontre des symboles du pouvoir. Pour les Annabis, c'est une seconde révolution algérienne. «Nous avons tout le temps pour faire face aux manoeuvres du pouvoir», a lancé ce sexagénaire. Au fur et à mesure que la foule se forme, le ton des propos se durcit et la concession pour un éventuel dialogue pouvant faire sortir le pays de la crise, ne semble pas trouver d'écho chez les manifestants. Femmes, hommes, enfants et personnes âgées sont sortis en ce vendredi, réitérant l'activation des articles 7 et 8 de la Constitution. «Ya Lgaïd waynha siyedet Echaâb?», ont lancé les Annabis. Dans un mouvement très pacifique, les manifestants ont appelé l'armée à se joindre à eux. «Nahhi lkaskita wa rwah maâna», pouvait-on entendre.