La coordination intercommunale de Béjaïa a réussi, ce week-end, un véritable retournement de situation en faveur des opposants au dialogue avec le pouvoir. Selon les organisateurs de la manifestation de ce jeudi, pas moins de 500000 personnes ont pris part à ce nouveau grand rendez-vous, perçu par tous comme une véritable démonstration de mobilisation mais aussi de force. La grande foule drainée à l'occasion de la marche pacifique de protestation organisée jeudi, au chef-lieu, dénote, si besoin est, non seulement le soutien indéfectible des citoyens à leurs délégués mais aussi que la mobilisation demeure intacte. Les arrestations opérées dans les rangs des animateurs depuis le 6 décembre, paraissent être, à première vue, l'élément qui a favorisé cette inattendue mobilisation, en témoignent ces nombreux slogans scandés tout au long de la marche en faveur des détenus. La manifestation de ce week-end revêtait un cachet national et transpartisan avec la présence des délégations de Boumerdès, Bouira, Tizi Ouzou ainsi que des responsables et des élus de formations politiques influentes dans la région. Ils étaient des milliers de jeunes et moins jeunes, venus des quatre coins de la Kabylie prendre part à cette grandiose marche populaire appuyée d'une grève générale, dont le moins qu'on puisse dire, a été largement suivie. La foule impressionnante qui s'est rassemblée dès les premières heures aux Quatre chemins s'est transformée en une gigantesque procession humaine qui a arpenté les principales artères de la ville de Yemma Gouraya deux heures durant. Grossissant au fur et à mesure qu'elle avançait sous les regards des citadins qui ont, pour beaucoup, préféré y assister en spectateur. Du haut des balcons, les femmes encourageaient les marcheurs en poussant des youyous stridents. Tout au long du parcours, les manifestants scandaient des slogans hostiles au pouvoir et favorables à la libération des détenus et à la satisfaction des revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur. Arrivés à hauteur de la maison d'arrêt de Béjaïa, les marcheurs marquent une halte pour scander comme un seul homme : «Libérez les innocents! Jugez les assassins!», avant de rallier la Maison de la culture, où, faute de temps, le meeting prévu a été finalement annulé. Cette manifestation a été cependant entachée par les agissements de quelques énergumènes qui, dès leur arrivée sur les lieux, se sont mis à saccager et à incendier ce qui restait de la Maison de la culture. Un nombre important de participants s'est rendu directement au stade de l'Opow pour assister au gala de solidarité organisé par la CICB au profit des victimes du printemps noir. Une pléiade d'artistes connus et moins connus se sont succédé sur scène durant plusieurs heures. Les appréhensions nourries durant les derniers jours qui ont précédé la marche, ont vite disparu pour laisser place au soulagement. Cette manifestation tant redoutée s'est déroulée dans d'excellentes conditions. Dans une déclaration rendue publique le même jour, la CICB salue la formidable mobilisation citoyenne qui, encore une fois, clame haut et fort sa détermination à poursuivre pacifiquement le combat jusqu'à l'aboutissement des revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur. Pour la CICB, «les citoyens ont, par cette mobilisation, démontré leur attachement à leurs véritables délégués et dénoncent le simulacre de dialogue avec des faux délégués des ârchs du labo préfabriqué par le pouvoir». La CICB exige «la libération des détenus arrêtés arbitrairement pour des délits d'opinion», avant de conclure par une mise en garde «contre toute évolution fâcheuse de la situation».