Le blocage est manifeste La situation semble quasi paralysée, quarante-huit heures à peine après l'intervention du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed qui a mené une médiation entre les dirigeants de la contestation et les chefs militaires pour une reprise immédiate du dialogue. Le bras de fer s'est davantage durci, hier, entre les manifestants soudanais, appelés à la «désobéissance civile», et les forces militaires qui veulent les empêcher de reprendre la rue au lendemain de la violente évacuation du sit-in permanent observé juste face au siège de l'armée à Khartoum. Les échauffourées qui ont eu lieu le 3 juin dernier ont entraîné la mort de plus d'une centaine de contestataires (115, selon les médecins proches du mouvement et 61 selon le gouvernement soudanais) dont bon nombre persistent à dresser de nouveaux barrages dans les quartiers de la capitale où les forces antiémeute sont mobilisées en permanence et font usage de gaz lacrymogènes mais aussi de tirs d'intimidation pour les disperser. Selon des témoignages concordants, les manifestants n'hésitent pas à interdire aux habitants de ces quartiers de se rendre à leur travail, surtout que les leaders de la contestation ont clairement appelé à la désobéissance civile. Convaincus qu'il s'agit là de leur carte ultime, ils ont en effet lancé un appel en ce sens dès hier, assorti d'un avertissement selon lequel il n'y aura aucun répit tant que le Conseil militaire n'aura pas accepté leur revendication principale qui a trait à la mise en place d'un gouvernement civil. C'est ce qu'a notamment affirmé l'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation, dans un communiqué appelant à «la désobéissance civile et la grève générale (qui) sont nos moyens pacifiques pour arracher notre droit à la vie face à la barbarie des milices». Ce faisant, les organisations qui dirigeant la contestation pointent du doigt les paramilitaires des RSF (Forces de soutien rapide) -dirigés par le général Mohammed Hamdan Daglo dit «Hemeida»- qui seraient responsables de la dispersion du camp situé face au QG de l l'armée, en plein centre de Khartoum, et où des milliers de Soudanais ont campé depuis le 6 avril dernier. La capitale Khartoum est désormais en état de siège, bon nombre de véhicules armés de mitrailleuses, sillonnant les rues principales et redoublant de vigilance autour de la seule centrale électrique de la ville. Commerces et marchés alternent les ouvertures, dans un climat de peur généralisée comme à Omdurman, une cité bien connue des Algériens. La situation semble quasi paralysée, quarante-huit heures à peine après l'intervention du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed qui a mené une médiation entre les dirigeants de la contestation et les chefs militaires pour une reprise immédiate du dialogue, sachant que l'Union africaine a suspendu le Soudan jusqu'à l'avènement d'un gouvernement civil. Une initiative destinée à dégeler l'atmosphère mais les arrestations de Mohamed Esmat, un leader au sein de l'Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC) fer de lance du mouvement depuis sa naissance, et d'Ismaïl Jalab, secrétaire général du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) ont vite fait d'empoisonner le climat. Suspendus depuis le 20 mai dernier, les pourparlers entre les deux forces antagonistes auront bien du mal à reprendre dans une atmosphère de conciliation et de détente, les positions des uns et des autres sur la composition du Conseil souverain n'ayant pas évolué d'un iota. Hier encore, les mots d'ordre des manifestants avaient trait à la libération des deux leaders arrêtés et détenus dans des «endroits secrets». De moins en moins enclins à de nouvelles concessions, les chefs militaires savent bénéficier d'un soutien déclaré de l'Egypte du maréchal al Sissi et surtout des monarchies saoudienne et émiratie, engagées dans un conflit sanglant au Yémen et soucieuses de conserver financièrement l'apport des auxiliaires soudanais.