Un atelier-presse consacré à la critique d'art a été organisé, dimanche, au cercle Frantz-Fanon de Riad El-Feth... «Il n'est pas indispensable de passer par une école des Beaux-Arts ou de suivre une formation académique en ce sens pour être critique d'art». Ce sont là les propos de Mme Evelyne Artaud, l'animatrice de cet atelier auquel nous avons pris plaisir à assister, tant il était intéressant en matière de savoir et de débats très enrichissants. Outre sa «fonction» de critique d'art, Mme Evelyne Artaud est connue également en tant que commissaire d'exposition, directrice artistique et conseillère artistique indépendante. Elle a supervisé l'édition de plusieurs livres d'art consacrés à des plasticiens européens, notamment Henri Cueco. Ses contributions critiques et ses publications la situent comme une référence dans le monde artistique français ainsi qu'à l'étranger. Dans le cadre de l'année de l'Algérie en France, qui se déroulera en 2003, elle prépare actuellement une série d'expositions personnelles, une grande exposition collective et un livre (éditions Cercle d'art) sur l'art contemporain algérien. Nous avons eu la chance de converser avec elle, sur tout ce qui touche à l'univers des arts plastiques en général et celui du monde de la peinture en particulier. Comme prélude à cette journée d'étude, la bienséance veut qu'on commence d'abord par se présenter : un parcours itinérant que Mme Evelyne Artaud a résolument voulu. Après des études de philosophie à Aix-en-Provence et Lyon, Mme Artaud enseigne à l'Ecole normale d'instituteur. Sa culture artistique la pousse à partir de 1978 à exercer en tant que critique d'art dans diverses revues spécialisées (Art Forum, Art Press, Galerie des arts, Arts magazine...), à titre permanent ou occasionnel. Elle a été aussi pigiste dans la presse artistique. Révoltée par la pression qu'elle subissait de la part des institutions où elle évoluait, notamment du comité de rédaction qui censurait parfois ses articles, Mme Artaud décide d'abandonner le journalisme. «J'ai décidé de passer du côté de la production, de l'exposition et d'accompagner les artistes dans leurs expressions picturales, plutôt que de rendre compte d'un événement». Accompagner chaque artiste, cela veut dire suivre son parcours, le suivre dans ses tournées, dans ses différentes expositions et constituer, à la fin, des livres monographiques. L'édition est la voie que Mme Artaud s'est tracée. Une voie très risquée et épineuse d'où l'intérêt de s'entourer de coéditeurs et coproducteurs notamment, les gens avec lesquels elle a l'habitude de travailler dans le secteur public (conservateurs de musée, directeurs des centres d'arts). C'est dire l'immense intérêt qu'accorde Mme Evelyne Artaud à l'art en venant en aide aux artistes «non institutionnalisés» en favorisant leur promotion chez eux ou à l'étranger. Abordant le chapitre de la critique d'art, Mme Artaud fera remarquer qu'«il ne suffit pas de dire on aime ou pas une oeuvre pour être un critique. C'est toute une attitude qui s'acquiert avec le temps qui nous conduit à nous instruire». Le critique d'art doit susciter l'attention par la position qu'il adopte en approchant telle ou telle oeuvre... «On est engagé dans un parti pris qu'on défend», et d'expliquer: «Il faut qu'on soit engagé dans ce qu'on dit et communiquer aussi le plaisir qu'on prend à la vue ou à la lecture d'une oeuvre. La critique d'art, c'est ça aussi.» Et d'ajouter: «La part d'objectivité du critique se nourrit par une connaissance approfondie du sujet.» Ce qui définit d'abord un journaliste d'après Mme Artaud, c'est sa plume, son style. Ceci implique que l'appréciation personnelle de la chose, soit la subjectivité, n'est pas exclue, voire nécessaire pour susciter l'engouement. Cela pour dire qu' «il n'y a pas un seul critique d'art mais des critiques d'art et chacun possède sa vision «critique» du monde», a-t-elle conclu. Celle-ci privilégie toutefois le langage philosophique pour décliner son analyse de l'oeuvre. C'est la seconde fois que Mme Evelyne Artaud vient en Algérie, dans le cadre de la préparation de l'année de l'Algérie en France. La première fois, c'était au mois de novembre pour rencontrer des artistes et distinguer leurs oeuvres, en vue d'établir une présélection (artistes évoluant ici ou en exil). C'est grâce à l'artiste Malek Saleh qui vit en France qu'elle a été contactée par le commissariat d'ici, chargé de l'organisation de l'événement tant attendu. Sa première démarche consistait, de prime abord, à faire un état des lieux de la peinture algérienne. «Ce qui m'importe c'est de montrer que les artistes algériens ont des oeuvres qui s'inscrivent dans le champ artistique international et en particulier dans cet échange fructueux entre la France et l'Algérie.» De cette présélection d'oeuvres, ce sont les responsables des lieux avec qui elle travaille auxquels reviendra finalement la décision de choisir le projet à retenir. Mme Artaud a recensé jusqu'à présent une trentaine d'artistes. «Ça veut dire environ une dizaine d'expositions personnelles et plus tard, un livre d'art sur la peinture algérienne», fait-elle remarquer enfin. La journée d'étude (atelier-presse) s'est terminée par un petit tour à la galerie Esma de Riad El-Feth où il était question, pour chacun de nous, de porter une critique sur certaines des oeuvres exposées sous les précieux conseils de Mme Artaud. L'expérience mérite d'être renouvelée. En attendant le jour «J», cela s'active pas mal au royaume du commissariat...