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Des Mémoires au vitriol de la franchise
«J'étais français-musulman» de Mokhtar Mokhtefi
Publié dans L'Expression le 26 - 12 - 2019

Quel livre ! Mais quel livre ! On aurait aimé connaître ce Casanova de la guerre de libération qui ne répugne pas à parler de ses conquêtes, en donnant ici et là des coups de griffes à quelques héros de la Révolution. Qu'on ne s'offusque point en hurlant au sacrilège. Nous connaissons les mythes, les légendes, mais que connaît-on de ces hommes ? Mokhtefi les a fréquentés, les connaît en chair et en os avec leurs faiblesses et leur grandeur. Son témoignage, par sa franchise, son exigence des hommes, sa haute idée sur la révolution et sa finesse d'analyse, ressemble à s'y méprendre à celui de son épouse, Elaine auteur : d'«Alger, capitale de la révolution».
Avec Cherif Belkacem et Boussouf
Allez, on peut faire l'impasse sur les deux premières parties où l'on voit la prise de conscience progressive d'un adolescent, fils d'un boucher de Berrouaghia, à la nécessité de se plonger dans l'action libératrice. Bachelier, épicurien, il aurait pu partir à Paris et satisfaire son goût pour les belles femmes et les débats intellectuels. Il choisit la lutte armée. Il choisit le risque. Il choisit l'aventure. Il part au Maroc pour rejoindre les combattants de la liberté. Là, à Oued Zem, il intègre une cellule du FLN. Il fait connaissance avec un certain Cherif Belkacem que Mohamed Harbi considère comme le plus intelligent du groupe d'Oujda alors que Bouteflika a la palme du plus rusé. L'histoire nous apprend que l'intelligence est toujours vaincue par la ruse. Portrait de Belkacem peint à l'encre de l'amitié« Je suis séduit par son côté bohème, boute-en-train. Tout est prétexte à plaisanterie. Il se moque volontiers de lui-même et se plaît à tourner en dérision les autres. Son rire guttural, saccadé, est souvent contagieux. Mais sous son apparence de jeune homme sans souci, son regard est parfois traversé d'éclats de tristesse, d'inquiétude. Est-ce parce qu'il est orphelin de père ? Que sa mère est marocaine et qu'elle habite une maison modeste ?» Mokhtefi qui ne le cède en rien à Belkacem sera un modeste fonctionnaire à l'indépendance, alors que celui-ci sera un ministre parce qu'il aura choisi son camp, celui de Boumediene. L'auteur a l'honnêteté de préciser qu'à la veille de l'indépendance, Cherif Belkacem lui avait proposé de rejoindre le groupe d'Oujda et que lui, arc- bouté sur ses principes et son éthique, a refusé avec colère. Il est d'une pièce Mokhtar le vif argent. Et quelle générosité! Le FLN demande un dixième de son salaire ? Il verse l'intégralité de son pécule de répétiteur du lycée Moulay Abdallah de Casablanca.
L'activité militante ne rassasie pas sa boulimie d'action. il brûle d'impatience de rejoindre les maquis.Il apprend que le moyen le plus sûr d'intégrer l'ALN est de se procurer une arme. Alors il se procure une arme en y mettant le prix. Enfin, il trouve le contact. Le voilà à Oujda avec d'autres jeunes candidats à l'ALN. Face à eux deux hommes : Boussouf et Boumediene. Le premier, patron de la Wilaya 5 historique, les met à l'épreuve en leur disant qu'ils vont traverser la frontière vers l'Algérie et que les trois quarts vont perdre la vie. Il ajoute : «Si vous n'êtes pas prêts, c'est le moment de le dire.» Aucun des jeunes ne fléchira. Tous sont déterminés à sacrifier leur vie pour la libération du pays. En vérité, ce n'était qu'un test, certes cruel, mais nécessaire, du point de vue de Boussouf, pour jauger la détermination des recrues. Mokhtefi est affecté, comme tous les autres d'ailleurs, au Centre d'instruction technique des Transmissions (CITT). On lui demande de prendre un nom d'emprunt pour préserver sa famille au cas où il serait arrêté. Il pense à Amara Rachid qui vient juste de tomber au champ d'honneur. Alors va pour Amara. L'accueil des officiers instructeurs d'opérateur radio n'est franchement pas amical. Leur capitaine, ancien adjudant dans l'armée française est irascible et méprisant. A une remarque de Mokhtefi, il répond : «D'abord, commence par la fermer. Ensuite, tu n'es pas ici pour donner des leçons de morale. Et tu as intérêt à te tenir à carreau, sans quoi tu auras de mes nouvelles.»
Il trouve à Boumediene un visage triste et éteint. Mais il le respecte. Son atout ? «A l'inverse des opérateurs-radio, sa maîtrise des termes techniques en arabe devient un atout car il est l'un des rares Algériens à exercer l'art et les techniques militaires dans notre langue nationale.»
Après 4 mois de claustration, il termine son stage de formation dans le peloton de tête. Il est affecté comme opérateur en chef au PC de la Wilaya 6 historique. Passons sur ses tribulations dans cette wilaya où l'insécurité et la dureté de la vie sont ses campagnes. Il découvre la chaude fraternité avec des moudjahidine de son âge qui ont laissé tomber leurs études pour rejoindre les maquis. Ce qui le choque le plus ce sont les exécutions de moudjahidine dont la traîtrise n'était même pas prouvée. Il refusera cette tâche malgré les ordres de son commandant. D'autres se chargeront, malgré eux, de cette sale besogne. Les pauvres condamnés seront égorgés en criant : «Vive l'Algérie libre et indépendante !». Esprit libre, il ne s'accommodera jamais avec cette parodie de justice. Il racontera admirablement la dure condition dans les maquis-où griller une cigarette est un luxe- qui révèle les caractères et les hommes.
Le colonel Lotfi et le ragoût d'agneau
De retour à Oujda, trachomateux, il rencontre le colonel Boumediene et son adjoint le commandant Lotfi qui le révulse en critiquant ses compagnons de lutte. « Le ton agressif de ce jeune homme rasé de près, toutes griffes dehors, me glace. (…) Il semble n'avoir cure des conditions dans lesquelles vivent les djounoud à l'intérieur. Tenir pareils propos dans un uniforme neuf devant un succulentragoût de viande d'agneau frise l'indécence. » Par la suite, en le connaissant mieux, il nuancera son jugement.
Quelque temps plus tard, il est affecté en Tunisie, au Kef, plus précisément, pour lancer un centre d'écoute. Mission accomplie, on le mute à Tripoli. Et là, il rencontre Bianca, une étudiante italienne en vacances en Lybie. Pour décrire son état, il a une phrase à la Casanova. «Bianca et moi sommes terrassés par un coup de foudre au cours de la visite des ruines romaines de Leptis Magna. » Il est de nouveau en Tunisie au nouveau centre technique des transmissions. Il séduit un médecin français, une belle femme, pro FLN. Et Bianca ? Oubliée. Parallèlement il poursuit des études de sociologie à l'université de Tunis. Il découvre vraiment les dirigeants en 1961 au détour d'une mission au Caire dans laquelle Boussouf l'avait embarqué. Il y a du beau monde dans cette délégation. Outre le président Benkhedda, on trouve notamment Boussouf et Ben Tobbal. Nasser ne lui laisse pas un souvenir impérissable d'où l'absence de portrait. Et puis vint le dîner offert par Benkhedda à l'ambassadeur de la Chine et puis vint cette bourde extraordinaire du «chinois» Ben Tobbal qui lance à l'ambassadeur : «Je sais que les frères Lénine et Mao Tsé Toung condamnent l'impérialisme, mais je me demande pourquoi la Chine s'est attaquée au Népal, un petit pays pauvre.» Benkhedda est atterré. Il glisse à Ben Tobbal de laisser tomber. Et voilà Boussouf qui éructe : «Laisse-le parler. Tu crois qu'il n'y a que toi qui sait parler ?» Mokhtefi avoue qu'il a eu honte. «Le peu d'illusions que j'ai sur nos dirigeants politiques m'abandonne.» Déjà à cette époque...
Et puis il raconte Tunis et les changements de veste de certains responsables qui doivent leur carrière à Boussouf avant de lui tourner le dos pour rejoindre le camp de Boumediene qu'il traite de médiocre. Aussi paradoxal que cela puisse paraître pour cet électron libre, démocrate dans le sang, il reconnaît à Boussouf un bilan exceptionnel. «Aucun président ou ministre du Gpra ne peut se targuer d'avoir rempli sa mission avec autant de succès.»
Ces Mémoires qui se lisent d'une traite dans un style jubilatoire ne revendiquent pas l'objectivité- qui pourrait la revendiquer en temps de guerre ?- mais une subjectivité assumée au bout de la plume d'un intellectuel intègre qui aurait mérité un meilleur sort dans l'Algérie indépendante. Mais «L'ignorance au bout du fusil nous réserve des lendemains amers.» Tout est dit.


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